Le challenge de la nouvelle économie

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Par Amar Naït Messaoud

L’avant-projet du nouveau code des investissements est finalisé et sera soumis, incessamment, au gouvernement et à l’examen de l’Assemblée populaire nationale. En annonçant cette information hier matin sur les ondes de la Radio chaîne 3, où il était l’invité de la rédaction, le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb a parlé de tous les espoirs qui sont mis dans ce nouveau texte législatif qui tire les leçons des expériences vécues en matière du climat d’investissement dans notre pays. Tout en campant sur la règle des 51/49%, mieux, il projette son élargissement aux opérations de commerce de gros. Le ministre compte sur le nouveau dispositif afin d’imprimer à notre pays une attractivité respectable pour les investisseurs étrangers. Ces derniers, même poussés vers d’autres cieux par le phénomène de délocalisation qui sévit en Europe depuis au moins le début de la crise financière internationale en 2008, ne se bousculent pas au portillon de l’Algérie. À titre d’exemple, en 2013, l’Algérie n’a eu droit qu’à 2,2 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE). Des experts nationaux estiment qu’avec les plans quinquennaux mis en œuvre par notre pays depuis 1999 et un minimum de préparation de terrain législatif pour les opérations d’investissement (facilitation d’accès au foncier industriel, lutte contre la bureaucratie de l’administration, lutte contre la corruption,…), l’Algérie aurait pu obtenir 7 à 8% de croissance de son produit intérieur brut (PIB) et comptabiliser au moins 7 milliards de dollars par an d’IDE. Visiblement, on en est loin. Les potentiels investisseurs estiment que la relative stabilité politique du pays et son embellie financière ne suffisent pas à eux seuls pour asseoir une dynamique d’investissement portée par les entreprises. Entre 2010 et 2013, l’Algérie a enregistré un recul dans le classement des 10 premiers pays africains réceptacles des IDE. En 2010, elle figurait dans le top 10 des dix pays africains qui avaient capté environ 39 milliards de dollars d’investissements étrangers. En 2013, son nom n’y figure pas. En termes de montants d’IDE, notre pays a été classé en 2012, à la 17ème place sur les 54 pays d’Afrique. À l’échelle des pays arabes, l’Algérie a occupé la même année, la 13ème place sur 21. L’ambition ouverte par le nouveau code des investissements est, d’après ses concepteurs, non seulement d’attirer les investisseurs dans notre pays, mais de les orienter aussi sur les secteurs et les métiers d’avenir en dehors de la sphère des hydrocarbures. Le grand challenge se situe justement à ce niveau. Sur le plan géographique, l’Algérie offre une proximité avantageuse pour les pays d’Europe encore plongés dans la crise financière. C’est que ne manque pas de relever Kalman Kalotay, expert à la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le développement (CNUCED), en disant que « l’Algérie se trouve dans un endroit idéal pour attirer les investisseurs étrangers, qui sont intéressés par découvrir l’Afrique ».

L’Algérie a eu déjà à déplorer, y compris par la voie du président de la République, que l’Accord d’association avec l’Union Européenne, ratifié en 2002 et entré en vigueur le 1er septembre 2005, n’ait pas charrié un mouvement d’investissements productifs de la part de nos partenaires européens. L’observation s’est même transformée en « interpellation » ayant visé les hauts responsables de la Commission européenne, lorsque l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a « reproché » à Bruxelles son manque d’engagement dans les investissements productifs en Algérie. Le partenariat entre les deux parties s’est limité aux opérations commerciales d’importations, avec des démantèlements tarifaires progressifs qui seront sanctionnés en 2020, par l’instauration d’une zone de libre échange. Tant que l’Algérie, par son défaut de combativité et par une législation quasi dissuasive en matière de captage d’investissements, n’a pas changé de stratégie, le risque est grand de voir notre pays rester un fertile terrain pour les opérations d’importations tous azimuts et demeurer un vaste marché de 40 millions de consommateurs qui alimentera les entreprises européennes. Cependant, comme on vient de le constater ces derniers jours, une chute progressive du prix du baril de pétrole s’est enclenchée. Cette matière première qui assure la prospérité temporaire du pays est très volatile sur les marchés mondiaux. Il y a même une espèce de « faux paradoxe » dans la chute actuelle des prix. En effet, la situation géopolitique et sécuritaire dans les grandes zones de production du Moyen-Orient est des plus tendues avec l’intervention occidentale dans la lutte contre l’organisation terroriste Daech. Ce qui, selon l’ancienne logique des marchés, aurait pu rehausser le prix du baril. Il n’en est rien. C’est tout le contraire. L’exploitation du gaz et du pétrole de schiste aux États-Unis et le recul de la consommation énergétique en Chine font planer de plus en plus des risques d’effondrement de la demande en hydrocarbures. Même si on ne le dit pas publiquement, l’inquiétude gagne les cercles de décision dans notre pays, d’autant plus que les dépenses publiques, avec des transferts sociaux de l’ordre de 20 milliards de dollars par an, sont portées à des niveaux historiques. Immanquablement, la recherche d’autres voies de salut s’impose comme une nécessité absolue. La diversification des activités économiques devrait être enclenchée au plus tôt pour se délester de la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures. L’occasion se présente ainsi pour l’Algérie de se remettre en cause et de se projeter dans le futur immédiat qui peut bien avoir pour bases d’appui l’agriculture, l’agroalimentaire, le tourisme et l’artisanat, l’industrie non pétrolière, les métiers de l’environnement, les mines et les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Pour ce préparer à de tels chantiers, outre un code d’investissement attractif, le pays aura aussi besoin de cadres bien formés dans tous les métiers et à tous les niveaux. Mieux et plus que les ressources naturelles non renouvelables, la ressource humaine demeurera la grande force de frappe, le levier par lequel toutes les alternatives imposées par la marche de la nouvelle économie seront assumées et assurées.

A. N .M.

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