L'échéance de fin 2014, annoncée depuis une dizaine d'année pour l'achèvement des opérations cadastrales, semble relever de l'utopie, d'après le rythme d'avancement des travaux sur le terrain.
Cette réalité est surtout ressentie en Kabylie où des dizaines de communes ne sont pas encore cadastrées, alors que des dizaines d’autres ne le sont que partiellement. La cartographie mise en ligne sur le site de l’Agence nationale du cadastre, relevant du ministère des Finances, montre clairement ce retard sur le rendez-vous fixé il y a quatre ans par l’ancien ministre des Finances, Karim Djoudi. Par exemple, ne sont partiellement cadastrées dans la wilaya de Tizi-Ouzou que les communes relevant du couloir central, sur les deux rives du Sébaou, allant de Yakourène à Tadmaït, ainsi que certaines communes relevant des daïras de Draâ El-Mizan, Boghni et Ouadhias. Ailleurs, les travaux n’ont même pas commencé. Il s’agit du flanc du Djurdjura (daïras des Ouacifs, Ath Yenni, Aïn El Hammam, Iferhounène, Bouzeguène, Béni Douala, une partie des Ouadhias) et le versant maritime allant d’Aït Chafaâ à Tigzirt. Soit un taux de réalisation qui ne dépasse pas les 50%, tout en sachant que les communes où les travaux ont démarré elles ne sont pas complètement cadastrées. S’agissant des zones urbaines, seules celles d’Azazga, Tadmaït et Draâ El-Mizan sont cadastrées. Dans la wilaya de Bouira, les zones cadastrées constituent des points épars sur la carte, soit les régions de Bordj Okhriss, Sour El Ghozlane, Bouira, Aïn Turc, Bechloul, Aïn Laloui, Bir Ghebalou. Dans une quinzaine de communes, les opérations n’ont touché que quelques zones. Sur environ un tiers du territoire, les opérations n’ont pas encore commencé. Quant aux zones urbaines, sept sont cadastrées complètement et trois partiellement. La wilaya de Béjaïa n’est pas mieux lotie. Les opérations cadastrales ont été effectuées dans les zones urbaines des communes d’Aokas, Béjaïa, Oued Ghir, El Kseur et Sid Aïch. Le reste du territoire attend son tour. Indubitablement, le retard des opérations cadastrales, enregistré dans la plupart des wilayas du nord du pays, influe négativement sur la vie quotidienne des citoyens et sur les plans de développement mobilisés pour les régions concernées. Les choses se corsent un peu plus davantage dans les régions de montagne, comme en Kabylie, où l’on enregistre habituellement des oppositions à tout va, aussi bien aux équipements publics pour lesquels l’État recherche des assiettes (routes, barrages hydrauliques, chemins de fer, centres d’enfouissement technique,…) que pour de tierces personnes lorsqu’il s’agit de transactions foncières. Immanquablement, le retard de la modernisation de la gestion du foncier équivaut à un état de sous-développement de l’administration algérienne. Il est bien vrai que le contexte sécuritaire a été dans certaines régions, à l’origine de ces retards. Mais, il n’explique pas tout. Pour preuve, l’échéance de 2014 pour achever les opérations cadastrales n’a pas été donnée pendant les années 1990, mais au milieu des années 2000. Donc, pour une grande partie, la justification sécuritaire est levée. On avance également que certains retards seraient dus à l’anarchie qui a jalonné le processus d’attributions de lots de terrains au cours des années 1990, situation qui a rendu complexe l’établissement des actes de propriété. Au niveau de l’Agence nationale du cadastre, on avance aussi, pour expliquer le retard enregistré dans la conduite des opérations de cadastre, l’argument des « litiges et contentieux, des occupations illicites et des lenteurs liées aux opérations d’expropriation dans le cadre de la réalisation d’équipements publics ». Jusqu’à l’année dernière, les opérations cadastrales ont touché 226,7 millions d’hectares tous types d ́immeubles confondus, ce qui correspond à une couverture de 97% du territoire national (39% en zone urbaine et 75% en zone rurale). Avec l’ouverture de l’Algérie sur l’économie du marché et la mise en branle de plusieurs plans de développement, la mobilité foncière, dans le sens des transactions entre particuliers, entre ces derniers et l’État, de cession, de concession, de l’expropriation pour cause d’utilité publique, est devenue de plus en plus importante. Sans un cadastre général, moderne, conduit avec les dernières technologies de levés topographiques et d’enregistrement numérique, cette dynamique du marché foncier et immobilier risque d’être grevée par des retards ou des erreurs qui auront des incidences négatives sur la fiabilité des opérations cadastrales et sur la qualité des actes juridiques (titres de propriété livrets fonciers,…). Depuis le lancement du programme de l’habitat rural en Kabylie, les ménages ont eu souvent recours au certificat de possession pour constituer le dossier qui leur permet de bénéficier de l’aide de l’État (700 000 dinars), parce que les propriétés en question sont souvent dans l’indivision ou ayant subi un partage informel, en plus de l’absence du titre de propriété retraçant l’origine de la propriété. Cette manière de procéder ne s’est pas toujours déroulée dans la tranquillité. Des dizaines d’oppositions sont enregistrées à l’APC ou dans les journaux suite à la demande d’établissement d’un certificat de possession. Pour les particuliers et les organismes publics, le cadastre constitue un précieux instrument d’établissement de la propriété. Il ouvre également la voie à une meilleure prise en charge des opérations d’expropriation pour la réalisation des ouvrages d’utilité publique (barrages hydrauliques, routes, autoroutes, CET,…).
Amar Naït Messaoud

