Le parc Gouizi Saïd, un lieu féerique

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Adossé au Sud au siège de la wilaya, à l’Ouest à celui de la daïra, à l’Est à un grand bâtiment de plusieurs étages et fermé au Nord par le boulevard qui va jusqu’à l’université, le parc Gouizi Saïd est un lieu fréquenté par les familles pour son calme et sa beauté.

Certains soirs, comme ces trois ou quatre nuits de pleine lune, le système d’éclairage reste éteint pour donner tout leur charme aux lieux. Les familles viennent pendant le jour, s’y promènent sur les nombreuses allées, puis se reposent sur les bancs. Les jeunes en ont fait leurs coins préférés. Ils attendent surtout le coucher du soleil pour se manifester. Ils choisissent les coins les plus tranquilles pour engager une conversation à bâtons rompus, une partie de cartes ou de dominos. On ne les entend pas crier ou se disputer, comme impressionnés eux-mêmes par la solennité et la quiétude des lieux. La police n’y met d’ailleurs jamais les pieds. Depuis son ouverture, il n’y pas eu une seule querelle, une seule tentative d’agression ou de vol, signalés dans ce parc. La proximité des deux sièges de la wilaya et de la daïra et du boulevard, sillonnée en permanence dans les deux sens par les patrouilles de police, décourage, du reste, les plus hardis des malfaiteurs.  En dépit de la fraîcheur de l’air suite aux derniers orages qui ont éclaté dans la région, le parc continue de recevoir de la visite. La nuit, lorsque le disque lunaire monte dans le ciel, conférant à ce dernier ce ton qui n’est propre qu’à l’Afrique à cette heure-ci et qui est le résultat de la fusion du bleu et du mauve, le lieu devient proprement magique. C’est un miracle si les lions, couchés ça et là sur les plates bandes ou sur les bords de la fontaine à sec, ne bâillaient pas et ne rugissaient pas. Et le promeneur solitaire qui s’égare dans les tortueuses allées pourrait, à la faveur du clair obscur entretenu par les feuilles des jeunes palmiers, des jeunes platanes et des jeunes trembles, se prendre à rêver de safari et de rencontres plus spectaculaires encore, comme avec les gorilles, les singes, les hygiènes, les panthères, les rhinocéros et les éléphants. Au détour de certains mails, on se heurte brusquement à un rosier ou à un massif de jasmin. Les poumons se dilatent alors d’aise et on se sent pénétré d’un air chaud et parfumé. Le pas s’attarde pour mieux savourer cet instant de plaisir ineffable…Il n’y a pas de jets d’eau. La vasque est silencieuse, comme celle qui lui fait face de l’autre côté. Mais le murmure des voix des jeunes, que le romantisme de ces lieux pousse à la confidence, a remplacé ce chant. Et ce murmure continu, ce doux babil, ressemble à une source intarissable et poursuit longtemps le pas attardé du flâneur. Pendant tout le mois de ramadhan, le parc ne désemplit pas à partir de l’après midi. Tous les endroits ombragés sont pris d’assaut. On lit le journal ou rarement un roman. On attend patiemment l’heure qui annonce la rupture du jeûne. Mais une heure après le repas, tous les bancs, faits avec des lattes souples et peintes en vert, accueillent des familles venant respirer un air plus pur et plus frais que celui des rues étouffantes de chaleur, emprisonnées entre les murs des maisons qui les bordent. Elles organisent une sorte de veillée en dégustant des glaces et en conversant doucement afin de ne pas déranger les personnes installées sur le banc voisin. Ces deux derniers jours, comme la lune est à son dernier quartier et ne se lève sur cet espace de rêve que tardivement, les autorités ont ordonné de donner de la lumière, et beaucoup de réverbères éclairent les pelouses vertes, zébrées d’ombres et de lumières. La température est douce et les jeunes jouent aux cartes et aux dominos, quand ils ne bavardaient pas comme d’habitude. Notre regard, plein de reproche, se pose, ce soir, sur les carrés jaunes du grand bâtiment : les occupants de ce dernier se doutent-ils du bonheur qui est le leur ? Savent-ils qu’ils n’ont qu’à sortir la tête de l’une de ces fenêtres pour jouir du plus beau spectacle que la nature ait mis sous leurs yeux ? Le parc Gouizi Saïd n’est, au fond, que le prolongement de la forêt Errich, à deux Km au Nord. Alors, pourquoi aucune tête ne se montre-t-elle pas pour voir ces carrés éclairés ? Mais nos reproches pourraient aller également à ceux qui ont construit ce grand jardin : pourquoi n’avoir pas donné l’ordre de planter des arbres comme ceux qui peuplent le bois tout poche? Pourquoi le palmier, le tremble et le platane et non le pin, le cèdre et le chêne ?  Pourquoi le lion et pas les autres animaux comme l’hyène rayée, le chacal, le renard ? Pourquoi le rosier, le jasmin et pas l’aubépine, l’églantier ou le chèvrefeuille ?  Pourquoi -anachronisme impudent- ce chahid qui serre dans ses points un kalachnikov et non un fusil comme le voudrait la vraisemblance ? Et pourquoi les deux vasques ne débordent-elles pas d’eaux chantantes et claires pour créer l’illusion, le rêve, la fantasmagorie des grands parcs ? L’art n’est-il pas tout entier dans l’évocation et les apparences ? Le parc Gouizi Saïd est séparé en deux par une double voie qui fait communiquer le siège de la wilaya au boulevard. Nous pensons qu’après le transfert des différents services de la wilaya vers le nouveau siège en construction, non loin, les deux voies seront supprimées, ce qui permettra au parc de se réunifier. Le paysage ne gagnera que davantage en beauté en féerie et en mystère.

Aziz Bey 

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