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Volonté politique et intelligence sont appelées à aller de pair

Dans moins de deux semaines, la saison touristique du Sud algérien sera inaugurée dans un moment d’incertitude quant au volume du flux touristique qui caractérisera les fêtes de fin d’année (le Réveillon et la Saint-Sylvestre) dans cette vaste région du pays. Une diminution graduelle des touristes étrangers a été enregistrée au cours des trois dernières années, suite au climat d’insécurité sur les frontières sud et est de l’Algérie. Depuis le milieu des années 1990, des dizaines d’agences de voyages ont mis la clef sous le paillasson dans les wilayas du Sud, laissant sur la paille des centaines de familles qui vivaient de cette activité à travers les missions de guides du désert, de restaurateurs, d’hôteliers, d’artisans,…etc. Aucune étude exhaustive n’a été faite sur les répercussions sociales d’un tel désastre. Mais, les lointains contrecoups ont été ressentis à travers les différentes protestations des populations du sud contre la situation de chômage et de baisse de niveau de vie. On a toujours présenté notre pays comme étant privilégié par l’existence en son sein de deux saisons touristiques : celle du Nord qui s’ouvre en juin et qui vise principalement la mer et les villes côtières, et celle du Sud, commençant en novembre, lorsque les grandes chaleurs disparaissent et les températures s’adoucissent. Au Sud, l’on a souvent affaire à une certaine « mystique » où les touristes occidentaux excédés par une modernité stressante tentent de retrouver les vertus premières de la nature et des hommes. Écouter le silence, semble être leur vœu le plus cher, en plus de voir et de capter des sites naturels sauvages uniques dans le monde. Cependant, au cours de la saison passée (hiver 2013-2014), sur les 127 000 visiteurs qui s’étaient rendus dans les wilayas du Sud (Illizi, Tamanrasset, Adrar, Ghardaïa, Tamanrasset), la majorité étaient des nationaux. Ce sont, pour la plupart, des travailleurs qui ont bénéficié de la convention signée entre l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) et le Ministère du Tourisme et de l’Artisanat. L’ancien ministre du secteur, M. Mohamed Amine Hadj-Saïd dira à ce propos: « La stratégie de développement du tourisme en Algérie consiste à privilégier le tourisme domestique, no tributaire de la géopolitique, de la saisonnalité et de la territorialité ». Il est bien légitime et de bon augure que le tourisme intérieur soit promu; mais, il ne devrait pas masquer les insuffisances de l’activité touristique orientée vers des visiteurs étrangers. Ce volet est, ne l’oublions pas, porteur d’une dimension économique indéniable et d’un potentiel d’échanges culturels qu’il importe de fertiliser. La transition entre la fin de la saison touristique du Nord et celle du Sud a été ponctuée, mais malheureusement sans grande médiatisation, par la Journée mondiale du tourisme, célébrée le 27 septembre de chaque année. Ce recul d’intérêt pour une date symbolique est sans doute symptomatique d’une recherche encore inaboutie d’une stratégie claire en matière de politique touristique. En dehors de toute considération sécuritaire ou géopolitique, comme on a l’habitude de faire des « préambules » et des préalables en matière de développement touristique, certaines orientations semblent se heurter à des problèmes de fond, qui ont un rapport direct avec les politiques sectorielles. Il en est ainsi des différentes zones d’expansion et de sites touristiques (ZEST) qui sont annoncées pratiquement dans toutes les wilayas et qui sont presque toutes au stade de la réflexion, des études et des remises en cause. On a reconnu en 2012, au sein du département du Tourisme, que 80 % des investissements consentis dans ce secteur le sont en dehors des zones touristiques. Les problèmes et litiges fonciers grevant les ZEST ont pris une dimension homérique. Le choix des sites ne se fait pas toujours sans anicroche, et la nature juridique des terrains convoités ou ciblés ne se prête pas toujours à une cession facile. Les terrains propriété publique de l’État, couverts par la loi domaniale qui les déclare insaisissables, imprescriptibles et inaliénables, posent de multiples problèmes. Les éventuels investissements privés qui y seraient réalisés risquent d’être grevés d’un contentieux juridique. Il en de même des investissements que ces zones projettent dans des terrains privés sans que leurs propriétaires soient consultés ou associés.Le tourisme est considéré comme l’une des activités par lesquelles les pouvoirs publics comptent diversifier les ressources de l’économie nationale de façon à la soustraire à l’hégémonie pénalisante des hydrocarbures. Dans l’absolu, cette vision non seulement tient la route, mais encore, elle s’inspire d’une vocation naturelle de notre pays qu’il convient de promouvoir et de moderniser. Il y a plus de vingt ans, sans infrastructures adéquates et sans une industrie touristique, l’Algérie recevait des touristes étrangers qui admiraient nos paysages et nos sites historiques. Dans le climat de sécurité totale de l’époque, il arrivait même que des étrangers passent la nuit à la belle étoile sur des dunes de sable saharien ou dans des gites de fortune situés dans la montagne. Comme il existait ce qu’on nomme aujourd’hui, le « séjour chez l’habitant »; une sorte d’entente entre deux familles, l’une algérienne et l’autre étrangère, pour que, à tour de rôle, l’une passe les vacances chez l’autre et se rende dans les sites touristiques situés aux alentours. Nos rues, nos villes, nos villages et nos montagnes connaissaient le visage des étrangers. Les gens communiquaient avec eux. Il y avait de fructueux échanges culturels. Les visiteurs emportaient chez eux, au retour, outre les photos souvenirs, une image fortement positive de l’Algérie dans tous les domaines. Rien que sur cet aspect, ce mouvement touristique d’antan mérite d’être ressuscité et réédité. L’Algérie a les moyens de faire ce saut, pour peu que la mentalité rentière, qui, dans son arrogance, pense que, en dehors du pétrole, « rien ni personne n’est indispensable », cède la place à l’intelligence nationale et au génie créateur des Algériens.

Amar Naït Messaoud

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