En Kabylie en particulier et en Algérie en général, il n’y a pas une famille qui n’avait pas en son sein une femme aux côtés des Moudjahidine. Surtout, celles chargées de l’entretien de ces hommes en matière de logistique et de renseignements, d’autant plus qu’elles savaient s’entourer de discrétion pour éviter à ces pionniers des ennuis. Na Kheloudja Benmiloud qui vient de nous quitter, que Dieu ait son âme et l’accueille en Son vaste Paradis, était l’une des ces femme-là. A Ath Mendès dans la région de Boghni, et plus précisément, au village Ath Amar, Kheloudja, âgée de seize ans au déclenchement de la guerre de libération nationale s’engagea aux côtés des hommes de son village. Cette femme courageuse commença par militer activement dans les réseaux de liaison. Elle ne se lassait jamais d’informer ses pairs sur tous les mouvements des soldats. Elle était leurs yeux dans cette contrée. Rien ne lui échappait.. «C’était une militante active qui est allée jusqu’à transformer son domicile en PC de secteur. Elle ne reculait devant rien. Rien ne lui faisait peur», témoignera M. Zahzouh Mohamed, chef de secteur à cette époque-là. Et de poursuivre : «Elle avait même aménagé une cache dans sa propre maison. Découverte par l’ennemi, celle-ci a été détruite. Mais, elle n’abdiqua pas. Elle reconstruisit un autre abri. C’est pour vous dire qu’elle était vraiment engagée dans la révolution». Sa mission ne s’arrêtait pas seulement à organiser des refuges dans son domicile, mais aussi à collecter des fonds pour les Moudjahidine. Elle se déplaçait même vers les villages environnants. Certainement dénoncée, cette moudjahida de première heure fut arrêtée et ne sera libérée qu’en 1962 à l’indépendance. Toutes les personnes que nous avons contactées étaient unanimes à reconnaître le parcours exceptionnel de cette femme née au pied du Djurdjura et de son affection envers ses enfants (cinq filles et trois garçons). «Rares sont les femmes qui ont résisté aussi bien contre leur entourage que contre l’ennemi. Na Kheloudja, qui s’est éteinte à l’âge de soixante dix-ans, est l’une de ces femmes qui ont épousé la guerre de libération nationale avant tout autre chose», nous répondra l’une des personnes présentes à son enterrement dimanche dernier. Elle vécut humblement entourée de sa famille jusqu’à son décès survenu samedi dernier suite à une longue maladie à l’hôpital de Boghni. «Na Kheloudja a laissé un grand vide au sein de sa famille. A chaque fois qu’elle retirait sa pension, elle nous réunissait tous et elle nous préparait un bon dîner. Autour de la table, elle nous parlait longuement de la guerre, de la misère et des souffrances qu’elle avait endurées. Elle nous disait que ses sacrifices ainsi que de tous les autres et du peuple algérien n’ont pas été vains. Mais aussi, elle ne cessait de nous exhorter à veiller à cette indépendance durement arrachée. Elle terminait toujours ses récits, quelques fois, les yeux embués, par dire : Gloire à nos martyrs et vive l’Algérie, en lançant un you you bien sonore.», témoignera de son côté Abdelkader Hamzaoui, l’un de ses cinq gendres. Une foule nombreuse a assisté à son inhumation notamment des anciens moudjahidine qui l’ont connue. Repose en paix Na Kheloudja, ton histoire et celle de toutes tes sœurs algériennes sont gravées en lettres d’or dans la glorieuse révolution armée de ton pays, l’Algérie, une et indivisible, libre et indépendante. Nous te pleurons mais nous relevons nos têtes, fiers de toi.
A.O.
