Le 1er Novembre représente un rendez-vous calendaire qui impose à tous les Algériens un devoir de mémoire et de recueillement à la gloire de ceux, nombreux, qui se sont donnés, corps et âme, pour libérer l’Algérie du joug colonial français. Le colonialisme français, le plus terrible de l’histoire de l’humanité était non seulement inique mais aussi méprisant et arrogant envers ceux qu’il appelait les indigènes, qu’il expropriait de leurs terres, de leurs biens, voire de leurs corps. Plusieurs soulèvements ont précédé novembre depuis la conquête du pays en 1830, mais celui de 54 fut décisif. La déclaration du 1er novembre 1954 exprime, d’une façon explicite, la volonté des Algériens de casser le joug du colonialisme, par les armes, pour arracher leur liberté. Le déclenchement de la guerre de libération était le thème «principal et unique» retenu «à l’unanimité» lors de la réunion historique du groupe des 22, en juin 1954 à Alger. Les participants à cette réunion ont accepté «à l’unanimité et avec enthousiasme» le passage à la lutte armée, parce qu’ils étaient convaincus que c’était le seul moyen de se libérer du joug colonial. La date du déclenchement de la lutte armée était «minutieusement préparée» et constituait «un pas grandiose» accompli par le peuple algérien pour le recouvrement de la liberté spoliée et la concrétisation de l’indépendance. La répression et les souffrances subies au quotidien ont poussé le peuple à accueillir la lutte armée « avec une joie immense ». La révolution algérienne au niveau universel s’est distinguée des autres révolutions par ses principes et sa détermination. A travers tous les recoins du territoire national, l’évènement est d’autant plus important, pour sortir les martyrs du Dahra, du Constantinois, de Kabylie et des Aurès de l’oubli. Appelé nuit rouge de la Toussaint par les coloniaux, le 1er novembre dont la proclamation fut ronéotypée à Ighil Imoula fut appelé nuit rouge de la Toussaint par les coloniaux. Ali Zammoum écrivait dans son livre ‘’Tamurt Imazighen : «Quelques jours avant une réunion tenue à Betrouna, wilaya de Tizi-Ouzou, j’avais reçu de Krim Belkacem un texte que je devais reproduire en plusieurs exemplaires. A Tizi-Ouzou, je pris contact avec un journaliste, Laïchaoui Mohamed, qui était chargé de la frappe et du tirage du document à la ronéo. Je l’ai emmené de nuit jusqu’à notre village dans la maison de Ben Ramdani Omar. C’était un militant sûr qui n’était pas, toutefois, dans l’organisation paramilitaire (OS). Là je lui montrai le texte qu’il fallait taper sur stencil. Il se rendit compte alors du contenu des deux pages qu’il était venu reproduire. C’était la Proclamation adressée au peuple algérien, aux militants de la cause nationale ». Une véritable déclaration de guerre qui portait une date : 1er Novembre 1954. Une incorrection a été relevée dans une phrase. Elle a été corrigée après consultation de Krim Belkacem. Une fois le feu vert obtenu, c’est à la lumière d’une lampe à pétrole que Laïchaoui tapa les stencils. Nous allâmes ensuite chez Idir Rabah pour les tirer à la ronéo, une des rares maisons du village qui, à l’époque, avait de l’électricité. Il était difficile de faire tourner la ronéo sans faire de bruit qui risquait d’être entendu aux alentours. Pour couvrir le bruit de la ronéo, une astuce a été trouvée : faire tourner celle-ci dans une pièce des Idir, située au-dessus d’une boutique, tandis que des militants étaient chargés de faire le plus de chahut possible dans cette boutique en organisant une tombola. Ils ignoraient que nous étions en train d’imprimer l’acte de naissance du FLN-ALN. La Proclamation se terminait par : «Quant à nous, résolus à poursuivre la lutte, sûrs des sentiments anti-impérialistes, nous donnons le meilleur de nous-mêmes à la patrie».
«Nous», c’était ceux-là…. Beaucoup d’entre eux, en effet, ne reviendront jamais. Une fois le travail d’impression terminé Ali Zamoum chargea un militant d’Ighil Imoula de transporter à Alger une valise pleine du texte en question et d’en déposer des paquets dans diverses adresses en vue de la diffusion de la «Proclamation» sur tout le territoire national et hors des frontières de l’Algérie. Soixante ans après, l’esprit de Novembre a survécu à toutes les vicissitudes de la politique et a transcendé toutes les contingences qui ont secoué l’Algérie parce qu’il a sonné le glas de cent trente années d’occupation.
Sadek A.H