Les habitants du haouch Aïssat Idir de la ville de Bouira s’apprêtent à passer un nouvel hiver dans des conditions extrêmement difficiles. Des familles entières sont livrées à elles-mêmes, priant chaque soir, de peur que «le ciel ne leur tombe sur la tête».
Certes, certaines familles ont pu être relogées à la faveur des opérations de relogement auxquelles avaient procédés les autorités locales il y a de cela quelques mois, cependant il reste quelques familles qui attendent toujours un logement décent. Les fortes averses de ces trois derniers jours font craindre le pire aux familles qui «vivotent» dans le haouch 21, rue Aïssat Idir (ex-rue de France). Son propriétaire, M. Abdelkrim Bouchen, se dit désespérer de quitter enfin «la tombe» qui lui sert à lui et ses locataires de toit. «Nous sommes las d’attendre ! Ma maison ne tient debout qu’à l’aide d’une poutrelle qui risque de lâcher à tout moment. Nous vivons un véritable enfer», a-t-il lâché d’un ton rageur. Avant d’enchaîner : «J’habite avec ma famille, composée de 06 membres, dans une baraque de 13 m². Mes enfants sont, aujourd’hui, tous malades et ma maison menace de tomber à tout moment. Mon dossier de demande de logement traîne depuis plus de 24 ans à la daïra. N’ai-je pas le droit de bénéficier d’un appartement décent qui me protégerait moi et ma famille ?» Ce monsieur crie à «l’injustice» et surtout s’insurge contre «l’immobilisme» des autorités locales. «Des promesses, que des promesses sans lendemain ! Qu’attendent-ils pour nous reloger ? Ou bien veulent-ils nous sortir d’ici les pieds devant sur un brancard ? D’une tombe à une autre ?» s’est-il interrogé. Par la suite, notre interlocuteur nous présentera tout un dossier qui démontre, selon lui, «la volt face» des autorités, vis-à-vis de son cas et la démolition de son haouch. Tout d’abord, il y a un certificat d’engagement portant le N°124/2013 établi chez un notaire en date du 27 février 2013, lequel atteste que «M. Bouchen Abdelkrim et les sept locataires s’engagent à démolir par leur propre moyens les vieilles bâtisses menaçant ruine qu’ils occupent et qu’ils sont prêts à céder leur terrain à l’Etat pour un prix symbolique, contre la promesse d’un logement». Selon notre interlocuteur, cet engament légal «preuve notre bonne foi vis-à-vis des autorités». Par la suite, notre vis-à-vis nous sortira un autre document portant la paraphe de l’ancien chef de daïra de Bouira, M. Haddam, et datant du 16 avril 2013, dans lequel il est mentionné que «les locataires tout comme le propriétaire ont la charge de préparer les documents nécessaires afin d’entamer l’opération de recensement en vue de relogement». D’après les documents en notre possession, la démolition et le recasement de ces familles n’était qu’une question de temps. Mais que s’est-il, donc, passé ? Et bien, selon M. Bouchen, les autorités locales «se sont faites manipuler» par certains individus. «On a été naïfs et stupides à la fois ! On a fait confiance à notre comité de quartier, lequel se composait de 15 personnes. Et bien figurez-vous que ces 15 personnes ont toutes bénéficié d’un logement et nous ont abandonné à notre triste sort», a-t-il déclaré avec amertume. Avant d’ajouter : «Le maire tout comme l’ex-chef de daïra de Bouira ont fait preuve d’un amateurisme dans la gestion de ce dossier. Les autorités nous ont tourné le dos. Mais une chose est certaine, la liste des bénéficiaires des logements sociaux est entachée d’innombrables irrégularités et j’assume mes propos». A la question de savoir s’il avait entrepris des recours ou bien des demandes d’audience auprès du chef de daïra, notre interlocuteur dira qu’il a saisi l’ancien et l’actuel chef de daïra de Bouira à trois reprises, la dernière remonte au 28 octobre dernier, mais sans grand résultat. «Selon mes informations, le dossier du haouch 21 Aïssat Idir est entreposé dans le bureau numéro 15 de la daïra. Il est sous scellé. On nous laisse mourir de froid et on risque d’entre enterrés vivants car notre dossier est aux oubliettes. C’est une honte», s’est-il exclamé.
La commission d’enquête aux oubliettes ?
La liste des logements sociaux, affichée le 04 août dernier, a provoqué une véritable «révolte» de la part des «lésés». Pour rappel, des dizaines de citoyens mécontents avaient manifesté leur désapprobation aux abords du siège de la daïra de Bouira, où un dispositif de sécurité a été déployé par les forces de l’ordre pour parer à toute éventualité de débordement. Quelques jours plus tard, le grogne des non-bénéficiaires fait tache d’huile et touchera les localités de Thamer et Said Abid. Au niveau de cette dernière localité des scènes d’émeutes avaient eu lieu. Des manifestants, des jeunes pour la plupart, avaient dressé des barricades à l’aide d’objets hétéroclites sur la RN18, interdisant le passage des véhicules. Les émeutes avaient commencé quand des éléments de la brigade de gendarmerie de Bouira ont essayé de déloger une famille, composée de 6 membres, de l’ancien siège du détachement de la garde communale au village, qu’elle occupait illicitement depuis peu. Outrés par ce qu’ils ont qualifié de « hogra» à l’égard d’une famille démunie et sans toit, des dizaines de jeunes villageois ont coupé à l’aide de pneus et autres objets de fortune, la RN18 menant vers la commune d’Aïn Bessam. Face à ces mouvements de protestation et le nombre record des recours introduits, près de 3 500 en 4 jours, les autorités publiques, avaient «gelé» cette liste de la discorde, tout en promettant une commission d’enquête afin de mettre la lumière sur cette affaire. Cependant et trois mois plus tard, cette commission, ou du moins ses conclusions, sont toujours méconnues. En effet, ni le wali de Bouira, ni le chef de daïra et encore moins le P/APC ne se sont exprimés sur le sujet. Pas un mot. Silence radio ! D’ailleurs, l’actuel chef de daïra, que nous avons tenté d’approcher à trois reprises, mercredi et jeudi derniers, n’a pas daigné nous recevoir prétextant, à chaque fois, des motifs de réunions. Ce silence «assourdissant» renseigne sur l’incapacité des autorités locales à mettre la lumière sur une affaire qui a fait et continue de faire couler beaucoup d’encre. Entre temps, les bénéficiaires, tout comme les non-bénéficiaires, continuent de vivre un véritable calvaire dans des taudis qui risquent, à la moindre ondée, d’être leur dernière demeure.
Ramdane Bourahla