Al Gubrini revisité

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Mercredi dernier fut lancé au Théâtre Régional de Béjaïa, un colloque international à l’occasion de la célébration du sept centième anniversaire de la mort d’Al Gubrini.

Organisé par l’association Géhimab, sous l’égide du Centre National de Recherches Préhistoriques et Anthropologiques et Historiques (CNRPAH), une vingtaine d’intervenants étaient prévus au programme. Venus de diverses régions d’Algérie, telles les Universités de Tlemcen, de Constantine ou de Tizi-Ouzou, ainsi que de France et de la Tunisie, les communicants étaient invités à présenter leurs travaux sur les différents aspects de la personnalité et de l’œuvre d’Al Gubrini. Le colloque a été ouvert par le professeur Djamil Aissani, président du Géhimab et organisateur de l’événement en présence de différentes personnalités, dont deux anciens ministres, le président de l’APW de Béjaïa, le Recteur de l’Université Abderrahmane Mira, ainsi que du Directeur de la Culture de la Wilaya de Béjaïa et du Directeur du TRB qui accueille le colloque. Une série de communications ont ainsi été prévues, portant sur Béjaïa et sa région à l’époque d’Al Gubrini, c’est-à-dire au treizième et quatorzième siècles, l’état des sciences et des lettres à cette époque, ainsi que sur les aspects de la vie du biographe, son œuvre, ses maîtres et ses disciples. Le premier intervenant, venu de l’Académie des Sciences des Arts et des Lettres de Tunis, a insisté sur le fait que Bougie était une ville ouverte à de nombreux courants de pensée. Al Gubrini a enseigné à plusieurs endroits, dont Béjaïa et Tunis. Pour réaliser son œuvre, la publication du livre «Unwan Ad Diraya (Symbole du Savoir», Al Gubrini a collecté des informations auprès de près de soixante-dix savants de son époque, en plus du fait qu’il a compilé de nombreux ouvrages. Il a ainsi recensé plus d’une centaine de savants de son époque, originaires de Béjaïa, où ils étaient venus vivre quelques temps. Tlemcen, Miliana, Alger, ainsi que Cordoue, Seville et Grenade sont, entre autres, les villes d’où étaient originaires ces savants. Rien que de l’Andalousie, Al Gubrini a cité trente-quatre savants venus étudier ou enseigner à Bougie. Il y a encore une controverse, selon Mohamed Hassen de Tunis, mais affirme-t-il, la plupart des historiens, tel Ibn Khaldoun, donnent la date de 704 en non de 714. Selon Allaoua Amara de l’Université de Constantine, Al Gubrini a laissé l’un des rares ouvrages à l’époque, et Al Gubrini faisait exception. Il avait alors quarante-quatre ans, juste avant de devenir Qadi. Il a tenté grâce à son catalogue des savants de son époque, de créer une classification des sciences. Mais de toute évidence, elle n’était pas conforme à celles établies par d’autres avant et après lui. Dominique Urvoy, de l’université de Toulouse en France, a regretté que dans la description des savants recensés, Al Gubrini soit rentré dans de nombreux détails concernant certains, et ait été laconique sur d’autres. Quant à Younes Adli, de l’Université de Tizi-Ouzou, qui a analysé l’utilisation de l’arabe classique à l’époque d’Al Gubrini, il a insisté sur le fait que cette langue était réservée à l’élite. Elle était surtout pratiquée dans la cour des princes et dans les écoles. Ibn Khaldoun qui a parlé d’Al Gubrini, dit qu’il est issu de la tribu des Igawawen, qu’il appelait les Zwawas, proche des Zenatas, et alliés fidèles des Koutamas. Chez les Hafsides de Tunis et de Bougie, les princes organisaient régulièrement des tournois littéraires. Mais à l’époque, il y avait également une littérature érotique et de longues Qasidas. Les thèmes étaient très variés. On a même trouvé des Quasidas sur Moïse. Ce qui témoigne de l’ouverture d’esprit des gens de l’époque. Selon le Dr Younes Adli, «nous avons perdu le nom kabyle d’Al Gubrini». Il était surtout connu sous son titre d’El Kadi. C’est pourquoi, il existe des familles entières –Oulkadi, Ait El Kadi, Ben El Kadi,…- qui se réclament de sa descendance. Kamel Bouchama, l’ancien ministre de la jeunesse et des sports, dans sa communication a commencé par répondre à Younes Adli, en affirmant que le nom de Ghoubrini existe abondamment à Cherchell. Dans sa communication, il s’attachera à démontrer les liens entre les Ghoubrini de la Kabylie et ceux de Cherchell. Ce qui a suscité un débat fort intéressant de la part du public venu nombreux au colloque. Les intervenants ont ainsi eu l’occasion d’écouter les différentes interventions et d’apporter des précisions sur un certain nombre de détails dans les sujets abordés dans leurs communications. A tous ces aspects extrêmement positifs, il y a eu tout de même des éléments regrettables, pour ce niveau de travail. La qualité scientifique du colloque a été quelque peu écorchée par certaines approximations historiques, telles que «Cherchell a été la Capitale de la Numidie à la fin du premier siècle avant Jésus-Christ». Cherchell n’a jamais été la capitale de la Numidie, mais de la Maurétanie. Le pays ayant changé de nom, au moment de l’intronisation de Juba II, roi de la Maurétanie. De plus, à la question soulevée par un intervenant lors des débats, un des communicants a été incapable de donner ses sources selon la rigueur scientifique, et s’est contenté de raconter comment il a eu accès à ces informations. De plus, et en plein milieu du colloque, un poète conteur a été invité à réciter des poèmes religieux, pour donner un avant-goût de la soirée «spirituelle» qui avait été prévue pour la soirée. Ce qui devait être un moment de détente pour agrémenter un colloque scientifique sérieux s’est transformé en incantation religieuse comme superstitieuse. C’est regrettable, à notre sens, pour ce genre d’événement.

N. Si.Yani

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