C’est parti !

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Comme à l’accoutumée, l’amorce de la collecte des olives se fait à la mi-novembre seulement, afin de laisser le fruit se gorger d’eau.

Néanmoins, la faible pluviométrie n’a pas favorisé le développement de l’olive pour être bien en chair et pleine de jus. Les différentes bourgades de la région d’Ath-Waghlis ont donné le coup d’envoi de la cueillette des olives en cette troisième semaine du mois de novembre, au grand bonheur des familles qui attendent avec impatience ce rendez-vous avec leurs parcelles de terrain. Armés de gaules, de filets à petites mailles et de haches, les propriétaires des vergers oléicoles ont investi leurs oliveraies, arborant une exubérance du fruit oléagineux. Les quelques gouttelettes de pluies tombées timidement ces derniers temps n’ont pas été d’un grand secours aux oliviers, de surcroît desséchés. La culture de l’olivier est un trait caractéristique de la méditerranée, dont la Kabylie garde ce patrimoine arboricole séculaire comme à la prunelle de ses yeux. Pratiquement, tout le flanc de l’Akfadou est couvert de vastes oliveraies, jalousement gardées par les propriétaires des plantations. Les propriétaires d’huileries implantées dans le territoire de la région ont ouvert leurs portes timidement, car bon nombre de personnes n’ont pas encore récolté leurs fruits. Les premiers tours de moulin à huile vont déterminer si l’olive est de meilleur rendement ou l’inverse. Il faut noter que la moyenne de production d’olives récupérées après trituration est de 20 litres/quintal. Pour la campagne oléicole 2013/2014, le rendement était de 15 litres/quintal, une quantité jugée très faible par rapport aux saisons antérieures. Chacun y va de sa propre analyse. Les uns imputent ce faible rendement au manque de maturation du fruit noir et le non-respect des règles de stockage. Un septuagénaire nous confie que pour avoir un bon rendement, l’olive doit «se reposer» après la récolte en lui laissant le temps de se vider de toute son eau et la stocker sous forme de petits monticules afin de l’aérer. Sa conservation dans des sacs en plastique ne fait qu’étouffer le fruit, ce qui ne favorise pas une meilleure maturation. Quant aux autres, ils remettent en cause le procédé de gaulage qui consiste à frapper l’olivier à l’aide d’une gaule pour faire tomber le fruit. Une opération loin de faire l’unanimité auprès des connaisseurs, car cette pratique cause beaucoup de dégâts à l’arbre. Les coups de gaules à répétition ne font que ployer ou briser les jeunes rameaux, ce qui affecte sensiblement le rendement de l’année d’après. Une conservation rationnelle de l’olivier passe forcément par l’entretien en procédant à l’élagage afin de laisser l’olivier «respirer», couvrir les racines saillantes à l’aide de la terre,… Ces quelques précautions peuvent aider amplement à un meilleur rendement, et protéger de facto l’olivier. Le flanc méridional de la vallée de la Soummam semble suivre cet exemple en patientant davantage pour mieux récolter le fruit noir. Quant à l’usage de la gaule, celle-ci n’est guère utilisée, préférant de loin le recours à une récolte manuelle. Bon nombre de fellahs se font un sang d’encre quant au déclin de la récolte ces dernières années. La baisse de la production, notamment celle ayant trait à l’usage traditionnel, est due principalement au phénomène de l’alternance observée chez l’olivier. L’évolution du cycle physiologique de l’olivier varie en fonction des années, car un meilleur rendement sera suivi d’un fléchissement de la production l’année suivante. Le faible rendement de la saison oléicole ne peut être endossé qu’au seul fait du faible taux de pluviométrie, mais d’autres facteurs interviennent de près ou de loin dans l’annihilation de la filière oléicole. Les attaques parasitaires, les incendies, les pressions anthropiques, l’absence d’entretien,… sont autant de facteurs bridant le développement de la filière oléicole. Les bonnes récoltes des années précédentes sont souvent alléchantes pour les maraudeurs, se frottant les mains dès l’entame de la saison oléicole. Toutefois, cette saison n’est pas comme les précédentes où les récoltes étaient importantes, en sus, d’un meilleur rendement. La baisse du rendement et les faibles récoltes engendreront forcément une huile d’olive dispendieuse, ce qui laisse à croire que l’appât du gain facile attisera les gens de mauvaise foi à recourir aux pratiques déloyales, telle que l’écoulement des huiles frelatées. Le prix du litre de l’huile d’olive oscillait entre 600 et 700 dinars l’année écoulée, et vu la tendance à la baisse des récoltes, le cours de l’huile d’olive s’envolera crescendo. L’absence de contrôle et de la répression des fraudes hypothèque sérieusement l’avenir de la filière oléicole, qui ne cesse de régresser d’année en année. Les professionnels du métier crient haro sur la déliquescence de cette filière vivrière et millénaire. Les professionnels de la filière oléicole sont unanimes sur l’impérative intervention des pouvoirs publics pour hisser ce secteur vivrier et sauver le verger oléicole de l’agonie. La mise en place d’une stratégie pour le renouvellement des plantations «vieilles», la sensibilisation des propriétaires de vergers oléicoles sur la nécessité de préserver leurs plantations, et cela passe inéluctablement par la valorisation de cette filière, longtemps reléguée au second rang. Le poids des importations des huiles végétales est en nette augmentation, atteignant la barre des 300 millions de dollars par an. La production nationale d’huile d’olive se situe autour de 19 000 tonnes, soit 4,6 % des besoins nationaux. Ces quelques chiffres évoquent le déclin de la filière oléicole à tel point que le consommateur Algérien peine à s’offrir un litre d’huile d’olive frôlant la barre des 700 dinars.

Bachir Djaider 

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