Activité intense et capacités d’accueil dépassées

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Les urgences médico-chirurgicales posent et poseront, dirions-nous ad vitam aeternam, problème. L’offre ne peut pas répondre à la demande, et ce, quels que soient les moyens et les compétences dont disposent tous les établissements hospitaliers.

Par S. Ait Hamouda

Des 116 253 consultations pratiquées par le CHU de Tizi Ouzou au premier semestre de l’année en cours, peut-on estimé le nombre des patients qui sont passés par le service des urgences ? Il serait, à n’en pas douter, très important. Et ceci expliquant cela. Vu l’ampleur de la demande et les capacités disproportionnées de prise en charge des malades, on ne peut enregistrer que des mécontentements de la part des usagers, autant que par ceux qui composent l’encadrement médical et paramédical… Il est vrai que, parfois, la grogne de ceux, nombreux, qui sollicitent le P.U est exagérée. Les uns estimant que leur cas est prioritaire par rapport aux autres d’où les prises de bec avec les urgentistes tous grades confondus. Il arrive même que les proches d’un malade s’en prennent avec brutalité aux agents. D’un côté comme de l’autre, on s’ingénie à s’entre accuser du manque de pondération et d’absence de civisme, côté hospitalier ; et de négligence, de déficit de scrupules et autres noms d’oiseaux, côté usagers. Quoiqu’il en soit, «l’activité qu’enregistre le CHUTO est intense, dépassant largement ses capacités d’accueil», nous apprennent les conclusions d’une séance de travail consacrée à l’état des lieux du CHUTO, présidée par le wali de Tizi-Ouzou et tenue le 27 octobre de l’année en cours. Le taux d’occupation moyen au niveau des UMS dépasse parfois les 200%, pour cause du problème d’évacuation des structures de santé périphériques de la wilaya de Tizi-Ouzou et des autres wilayas. Ce qui représente un afflux gigantesque eu égard aux capacités d’accueil de cet établissement. «Tout le monde s’accorde pour dire que les urgences médicochirurgicales, en Algérie en général et en particulier dans la wilaya de Tizi Ouzou, sont encore assurées par un personnel sous-médicalisé dans des locaux inadaptés et sous-équipés. C’est, en fait, tout ce qui a trait à l’urgence qui est fondamentalement à remettre en question, car les services d’urgences sont la vitrine de l’institution hospitalière. En cette période de raréfaction des ressources, les urgences doivent, malgré tout, constituer pour nous l’une des premières préoccupations, au même titre que la médecine préventive. Vous avez sans doute un jour été obligés d’aller dans l’un de ces services, et vous avez dû remarquer l’accueil défaillant, la mauvaise orientation et le manque de moyens qui sont flagrants. Tout cela se fait sentir surtout dans une situation d’urgence ou de détresse. Ensuite, le service des urgences médicochirurgicales des établissements publics hospitaliers constitue, à ce jour, l’unique structure de soins accessible gratuitement à tous et à toute heure. Dès lors, tous les citoyens, ressentant le besoin d’un service médical ou de soins, recourent à cette structure : simples consultations médicales, demande de certificat médical de bonne santé changement de pansement, injection prescrite par un médecin traitant en ambulatoire, coma diabétique, infarctus, poly traumatisme, intoxication, examen des gardés à vue sur réquisition de la police judiciaire, etc. C’est pour cela que la maîtrise de la prise en charge de problèmes variés et complexes survenant à tout moment dans un service d’urgence implique une spécialisation ou au moins une compétence qui ne peut être obtenue que par une formation spécifique qui doit concerner toutes les catégories du personnel. Aujourd’hui, le service des urgences doit représenter le lieu où se conjuguent humanisme et technicité et le terrain électif de médecine pratique, donc d’enseignement», estime une enquête du secteur de la santé réalisée en 2006. L’état des lieux des services d’urgences médicochirurgicales a fait l’objet de nombreuses sessions de réflexion, qu’il s’agisse de journées scientifiques, d’enquêtes et de rapports, de bilans d’activité de forum ou de rapports de comités. Cette dernière enquête sur les urgences médicochirurgicales ne fait que confirmer les dysfonctionnements déjà décrits. Le flux massif sur certains points aux dépens d’autres. «Une part importante des urgences n’est pas de la zone (problème de sectorisation). Les vraies urgences représentent moins du dixième des malades examinés durant la garde. Le personnel est peu motivé (primes de garde insuffisantes, conditions de travail médiocres, environnement difficile) et souvent peu qualifié», précise ladite enquête. Cependant, «ce qui prédomine reste l’absence de ligne directrice ; et plus que l’insuffisance des moyens humains (médecins spécialistes, urgentistes) et matériels, c’est l’absence d’organisation qui reste le point crucial. Des séances de travail, organisées par la Direction des Services de Santé du MSPRH et l’INSP, ont été programmées en décembre 2004 avec les présidents des comités médicaux nationaux et les membres du comité médical national sur les urgences médicochirurgicales. Seuls 7 représentants sur les 35 prévus ont participé à ce travail. En réalité si la nécessité d’une restructuration ne se discute plus, on note une démotivation générale. Tous les participants s’accordent pour reconnaître que toutes les propositions ou modalités d’études, notées par le passé se sont arrêtées au niveau de l’analyse réfléchie et réitérée avec peu d’actions sur le terrain ». En fait, cette investigation, au demeurant sans complaisance, nous renseigne amplement sur les multiples raisons des couacs enregistrés au niveau des PU. Elles sont d’abord, et avant tout, d’ordre organisationnel. Nous avons observé de jour comme de nuit, aussi bien au PU de l’hôpital Nedir Mohamed que de la polyclinique de M’Douha- à un degrés moindre pour cette dernière étant donné sa réception récente, le 1er novembre dernier, l’absence de spécialistes, où on ne fait que réorienter les patients vers le CHUTO- des malades hagards ne sachant à qui s’adresser, des souffrants attendant, stoïques face à la douleur, leur tour, des paramédicaux allant et venant dans tous les sens…ce qui laisse, à priori, supposer d’emblée un laisser aller épouvantable. Toutefois, il faut savoir que le PU du CHUTO reçoit au quotidien plus de 350 patients et …assimilés (par assimilés nous entendons ceux qui se rendent pour le moindre bobo au service des urgences). Il est évident, comme le reconnaît l’enquête diligentée par le ministère de tutelle en 2006, que «la situation des urgences médicochirurgicales témoigne de dysfonctionnements à plusieurs niveaux et plus particulièrement au niveau de l’organisation. Des propositions et des plans d’action ont été établis à plusieurs reprises, sans action efficace sur le terrain, entraînant une démotivation du personnel médical et paramédical». Ceci est l’avis documenté suggéré par une commission d’enquête diligentée par la tutelle. Du côté des usagers en revanche, on ne s’embarrasse pas d’euphémisme pour qualifier la situation d’«intenable», alors que, pour sa part, la direction générale du CHU de Tizi-Ouzou réfute énergiquement cet argumentaire négatif sur la gestion du PU qu’elle trouve irréprochable sur tous les plans.

S.A.H

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