Une opération de démolition sous haute tension

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Jamais, du moins durant les dernières années, une opération de démolition de constructions illicites n’a suscité autant de mobilisation de la part des services de l’ordre, que celle qui a eu lieu, avant-hier, jeudi, au niveau du village Ouled Bouchia, relevant de la commune de Bouira.

Ce ne sont pas moins de 20 bus de la brigade anti-émeute de la gendarmerie nationale, qui ont été mobilisés pour la circonstance, et ce, dans le but de parer à tout débordement. Et les risques de débordements étaient plus qu’élevés du fait que les citoyens concernés par ces démolitions étaient chauffés à blanc et ne voulaient en aucun cas laisser les pelleteuses entamer leur travail.

«Nous sommes des SDF»

En effet, c’est tôt dans la matinée que les services de l’ordre accompagnés des services municipaux ont fait «irruption» au niveau dudit village avec la ferme intention d’en finir avec ces constructions illicites. Mais c’était sans compter sur la détermination des habitants à leur barrer la route, soit en se tenant devant leurs bâtisses, ou en invectivant les agents municipaux chargés d’entamer le «déménagement» des meubles et autres appareils électroménagers. D’ailleurs et lors de notre présence sur les lieux, un citoyen a tenté de faire barrage au bouldozeur qui allait raser sa maison, tout en clamant haut et fort «Halte à la hogra», mais en vain! «Vous allez détruire ma vie», leur dira-t-il. Quelques instants plus tard et après l’intervention, quelque peu musclée des éléments de la gendarmerie, ce citoyen s’est résigné à voir sa maison démolie sous ses yeux. Certains résidents nous ont déclaré qu’ils n’ont nulle part où aller, désormais. «Ma famille se compose de onze personnes et on n’a aucun autre abri. À compter d’aujourd’hui (jeudi, ndlr), nous sommes officiellement des SDF !» dira El Hadj Mahmoud, un septuagénaire qui n’a pas pu retenir ses larmes. D’autres, à l’image de Hichem, un jeune père de famille âgé de 26 ans, qui a tenté sans réussite de dissuader les agents municipaux d’ «épargner» sa maison, a expliqué que, certes, sa construction est illicite, mais il n’avait pas le choix de faire autrement. «Si j’avais un autre abri pour moi, mes deux filles, ma femme et mes parents, je n’aurais jamais construit ici. Mais hélas, c’était ça ou la rue», se désole-t-il. À chaque fois qu’une maison s’écroulait, on entendait des cris stridents. L’atmosphère était, pour ainsi dire, électrique. D’ailleurs, si ce n’était la sagesse des patriarches de ces familles, cette opération de démolition aurait pu très vite tourner au vinaigre. Au final, ce ne sont pas moins de dix-sept constructions qui ont été rasées, pour un total de 21 familles. 

Quel sort pour les délogés ? 

Pour leur part, les autorités locales, à leur tête le P/APC de Bouira, M. Hakim Oulmi, estiment que cette opération entre dans le cadre de l’extension de la ville de Bouira. «Ce terrain est la propriété de la commune. Ces gens-là occupent illicitement le domaine public et il est grand temps que ce phénomène cesse», a expliqué M. Oulmi. Avant d’enchaîner : «Une fois cette opération terminée, nous comptons édifier un groupe scolaire. Cela fait des mois que nous cherchons une assiette afin de construire une école, et ce terrain est plus qu’indiqué». À la question de savoir si une solution de relogement est prévue pour ces familles, notre interlocuteur répondra : «Non ! Nous n’avons aucune solution pour l’instant. Ils doivent patienter comme tous les autres ». Interrogé sur le sort de ces familles, M. Oulmi lâchera : «Qu’ils retournent d’où ils sont venus !». Cette déclaration, a fait «tilt» dans l’esprit de l’un des adjoints au maire qui s’est discrètement empressé de «rectifier le tir». «Lors de la prochaine distribution de logements, ces citoyens seront prioritaires», a-t-il tenu à rassurer, d’un ton gêné. Pour sa part, le chef de daïra de Bouira, qui était présent pour la circonstance, nous a expliqué que cette opération est «d’utilité publique». «Ces gens squattent, illicitement, un terrain public qui doit être mis à contribution dans l’essor de la ville de Bouira».

Ramdane Bourahla 

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