Le cinéma kabyle, une réalité incontournable

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De notre envoyé spécial à Ghardaïa, Aomar Mohellebi

L’évènement en lui-même est majeur. Au-delà de la dimension artistique qu’il revêt, il a aussi et c’est la plus importante à notre sens, une facette politique. Car il ne faut pas l’oublier, Si El Hachemi Assad, président du comité d’organisation le rappelle tout le temps, ce festival a pour mission de réhabiliter l’amazighité et de sensibiliser davantage la population. Les citoyens mozabites nous ont confié que c’est la première fois que leur wilaya abrite une activité de ce genre. Durant tout le festival, il n’a été projeté qu’un documentaire en mozabite : “Tirest” (le puits) de Nourredine Bekkaï, qui a eu l’olivier d’argent. Avec la tenue de ce festival, il est permis d’espérer que lors de la prochaine édition, il y aura plus de films dans la variété mozabite. La domination de la variante kabyle relance le débat sur le manque d’homogénéité des différents parler amazigh. Les débats se déroulaient souvent en français, quelquefois en kabyle et très rarement en arabe. Tous les films projetés sont sous-titrés. Ceci a permis au public arabe de suivre convenablement les projections car même parmi les membres du jury, il y en a qui ne maîtrisent pas le kabyle. Ces derniers ont pu toutefois intervenir sur les aspects techniques, primordiaux dans le domaine cinématographique. Il est déplorable que des figures connues du cinéma algérien en général et kabyle en particulier, invités pourtant avec insistance par le HCA, aient marqué de leur absence le festival. On aurait souhaité voir sur les lieux Ali Mouzaoui, Belkacem Hadjadj, Ali Berkenou, Abderrahmane Bouguermouh, Amar Arab… Des acteurs talentueux, ayant joué dans de célèbres films comme “La Colline oubliée”, “La Montagne de Baya” et “Machahou”, auraient aussi pu venir et contribuer à faire avancer la langue et la culture kabyle dans ce créneau très porteur comme le cinéma. Ces derniers pourraient se ressaisir l’année prochaine avec la 7e édition, qui se tiendra en octobre à Tlemcen. Mais le point le plus essentiel doit résider dans les efforts que devront fournir les cinéastes pour s’améliorer. Les membres du jury étaient sérieusement embarrassés dans le choix des produits à primer vu le manque de la qualité. Toutefois, tout le monde a relevé que les réalisateurs et les auteurs ont du génie, notamment dans le choix des thèmes à développer. Saïd Sanoun, membre du jury et un ancien chevronné de la radio (Chaîne II) a insisté beaucoup sur ce point. Pour lui, l’existence des idées montre qu’il y a un génie créateur. Mais les cinéastes ne doivent pas céder à la facilité et ils doivent inévitablement passer par la formation pour aspirer à devenir professionnel.Le fait que les meilleurs du festival soient primés doit pousser à la stimulation. Le réalisateur Mokrane Aït Saâda doit être pris pour un exemple, car chaque année, il vient avec un nouveau produit qui est bien fait. Cette année aussi, il a obtenu l’olivier d’argent pour son documentaire “Jugurtha”. Pour pouvoir fournir leurs projets cinématographiques, des montages financiers sont impératifs en ce domaine, le secours au sponsoring peut constituer un palliatif.De même que les réalisateurs doivent penser à s’investir plus dans les produits de fiction parce qu’on ne peut pas faire du cinéma avec des documentaires. Le film “Leqrar” de Allilèche et Allou, et quoi qu’on dise, est un excellent exemple de réussite d’une fiction à partir de peu de moyens et de beaucoup d’imagination. Beaucoup de festivaliers ont été surpris que le film n’est pas été retenu par le jury. Ceci ne diminue en rien le mérite des quatre réalisateurs distingués : Mokrane Aït Saâda, Nourredine Bekkaï, Karim Mostafan et Ali Hadjaz qui, eux aussi, ont sans doute fourni des efforts souvent dans la solitude pour permettre à ce festival d’exister. Et à tamazight d’exister autrement et plus efficacement.

A. M.

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