Le dernier jour du tournage, nous avons rencontré Amina Haddad, la productrice du film qui nous a accordé cet entretien.
La Dépêche de Kabylie : Vous avez terminé la phase de tournage du film « Je te promets ». Quelles sont vos impressions ?
Amina Haddad : Il s’agit d’un court métrage pour lequel je prends en charge la production pour la société de production de Moussa Haddad qui a produit dernièrement ’’Harraga Blues’’. « Je te promets » est réalisé par Mohamed Yargui, qui est un enfant de Béjaia qui avait dans sa tête un projet de film, et on s’est rencontré sur cette idée. Notre société ne s’occupe que de la production cinématographique. Nous ne faisons ni films publicitaires, ni institutionnels,…ça nous prend du temps, mais ça nous permet de nous consacrer à notre travail dans les meilleures conditions possibles. Comme on vient de terminer un long métrage, nous avons pensé que ça valait la peine de tenter un court pour diversifier. Un court métrage est un film plus difficile à faire, parce qu’il n’y a aucune place à l’erreur. C’est un genre cinématographique un peu délaissé chez nous. On prend énormément de risques dans ce genre de productions, avec souvent, très peu de gain, sinon quasi rien du tout. Il y a une part d’engagement, et ça fait écho à notre vision. C’est un référentiel déjà établi. C’est la rencontre humaine qui a fait que l’engagement soit fait aussi rapidement. Ce projet a reçu le soutien du ministère de la Culture par le biais du FDATIC et de l’AARC, avec une participation totale de 18% sur le budget global. Le reste est pris en charge par notre société de production, avec des partenariats divers et variés. Le volet financier et le développement du projet ont pris un an pour être finalisés. Au début, j’avais concentré mes recherches de partenariat sur Alger, en contactant les organismes susceptibles de nous apporter leur aide. Mais au bout de quelque temps, j’ai requalifié le budget pour concentrer ma recherche sur Béjaïa. Notre démarche était mue par la conviction que les gens de Béjaïa allaient être sensibles au fait que c’est un film qui parle de Béjaïa, qui se déroule à Béjaia et qui fait travailler les gens de Béjaïa. L’argument court-métrage et jeune réalisateur ne tient pas pour ce film en particulier. Il nous fallait puiser dans le terreau de Béjaïa qui dispose à la fois de personnes jouissant de qualifications techniques et d’un ensemble d’acteurs que nous avons trouvés parmi les comédiens du TRB. Béjaïa jouit aussi de valeurs humaines, ancestrales, culturelles et cultuelles, qui rendent possible ce projet L’APC de Béjaia a été la toute première à s’engager, à travers le Comité des Fêtes de la Ville de Béjaia, la Maison de la Culture qui a hébergé nos bureaux de production, l’APW, et d’autres opérateurs se sont ralliés autour de l’action en faveur de ce film. Ce film devra son salut avant tout, à toute la mobilisation créée autour de ce film ici à Béjaia. Je suis contente, ravie, honorée, soulagée. On se sent fier de faire des choses de qualité.En allant voir les gens, en sollicitant leur appui, ça ne s’est pas fait par le biais de relations, mais par une mise à l’épreuve de quelque temps sur le terrain. Nous avons trouvé toute l’écoute dont nous avions besoin. Ce qui nous a aidés à sauter le pas. 100% des acteurs sont de Béjaïa, et l’équipe technique, presque autant.
Avez-vous trouvé localement les compétences dont vous aviez besoin ?
Ce film est une vraie entité et sa ressource humaine devait être à la hauteur. C’est pourquoi nous avons puisé dans le terreau du Théâtre Régional de Béjaia. D’abord, le réalisateur est un enfant du TRB. Tous les acteurs sont de Béjaia. La ressource ne pouvait pas venir d’ailleurs. Au niveau de l’équipe technique, nous avons juste quelques compétences internationales en trois personnes venues de Belgique, qui ont des compétences et des sensibilités au court-métrage, qui n’existent pas ici. Malgré leur réputation, leur notoriété le défilement de leur carrière, leurs engagements, ils ont gardé une disponibilité pour le court-métrage, pour peu qu’il y ait un coup de cœur pour le projet. Moussa Haddad aime s’entourer de gens à qui il donne la chance de travailler dans des conditions professionnelles. On avait besoin d’être supporté par des professionnels bien établis pour porter le film et nous les avons trouvés ici à Béjaïa. Nous avons eu l’impression d’avoir réussi cela. Avec différents membres de l’équipe, nous avons l’impression d’avoir réussi la première partie. Dans un Court Métrage, tout se joue dans un mouchoir de poche. Cela a mis sur nous une grande pression.
Pensez-vous que le film est déjà réussi ?
On ne peut pas dire que le film est déjà réussi. C’est une erreur de penser qu’un film est réussi quand on a fini de le tourner. Lors de ma première expérience, je pensais que quand on a fini le tournage, le film a abouti. Le film ne fait que commencer, une fois que le tournage est terminé. On entre dans une autre phase. Il reste encore à faire le montage et la post-production. Le tournage n’est que la matière première sur lequel l’équipe technique devra travailler. Le tournage nous fournit suffisamment de matière pour parer à un éventuel défaut. La post production est la seule phase que nous ne pouvons pas faire en Algérie. Les structures d’antan n’existent plus. Il faudra la faire en Belgique. Avec notre partenaire belge, nous allons renouveler l’expérience que nous avons eue précédemment avec un autre film. Nous avons trouvé la bonne entente de travail et une bonne réactivité. Nous allons finir avec eux le traitement de l’image et du son, jusqu’à l’obtention des supports finaux.
Pour quand est prévue la sortie officielle ?
La sortie du film est prévue pour le printemps prochain. Le film n’est pas prévu pour la manifestation « Constantine capitale de la culture arabe ». Il pourra peut-être y être projeté mais il n’est pas dans la sélection officielle. Nous ferons deux avant-premières. Une de cœur, à Béjaia, et une autre, officielle, à Alger. Après, on souhaitera un bon vent au film, lui souhaitant une belle et longue carrière.
N’avez-vous pas ouvert une porte pour faire passer Béjaïa du théâtre au cinéma ?
Si porte a été ouverte, c’est la porte de l’interaction. L’expérience est entre les mains du réalisateur qui a accumulé des expériences dans le théâtre et dans le cinéma. Le cinéma n’a pas pour rôle de rehausser le théâtre, ni vice-versa.La ville m’a impressionnée, mais aussi les petits villages qui ont accueilli le tournage, de jour comme de nuit. Les gens ont été formidables.
Pour vos projets d’avenir, comptez-vous revenir à Béjaïa ?
Nous allons bientôt commencer le tournage d’un film portugais, en notre qualité de coproducteurs, sur la vie de l’ancien président portugais qui s’était réfugié dans la ville de Bougie. Une partie du tournage se fera dans cette ville. Ce film qui sera consacré à Teixeira Gomez aura pour titre « Zeus ». C’était un président de la république portugaise démocratiquement élu. Au bout de deux années et demie, il en a eu marre de sa fonction de président de la république. Il s’est rendu compte qu’il était en total contradiction avec ses principes et ses convictions personnelles, et que l’exercice du pouvoir le mettait en contradiction avec ses convictions. Il a décidé de démissionner, rien que pour ça. Ses détracteurs s’en sont réjouis et se sont enorgueillis d’avoir réussi à le pousser à la démission. Sa démission s’est décidée en l’espace de trois jours. Une journée pour la réflexion, une deuxième pour la rédaction de sa démission, et le lendemain, il chargea son secrétaire particulier de lui trouver le premier bateau en partance de Lisbonne, à destination de n’importe quelle région du monde, pourvu qu’il s’éloigne de son pays. Il a donc pris un bateau de marchandise nommé «Zeus», à destination de l’Afrique du Nord. Il a pris une petite valise et a quitté Lisbonne. Avant de devenir président de la république, Teixeira Gomez était écrivain, spécialisé dans les romans sensuels. Ensuite, il a eu une carrière diplomatique qui lui a permis de devenir collectionneur d’art. Il était en possession de beaucoup d’objets d’art, mais n’a rien pris avec lui.Son voyage s’est déroulé dans les pires conditions. Il a attrapé toutes sortes de maladies surtout de peau, et est arrivé à Alger, totalement affaibli, après un mois en mer. Il s’est fait soigner par des médecins à Alger, qui constataient que le malade était heureux d’avoir attrapé toutes ces maladies de peau. Il disait qu’il était heureux de la gravité des pustules qu’il avait sur la peau. Laissez-les sortir, c’est ma fonction de président qui me sort de la peau. Je reprends ma vie normale. Ensuite, il est venu à Béjaïa où il a passé dix années.
Propos recueillis par N. Si Yani