Par-delà les professions de foi

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La Journée mondiale des zones de montagne, célébrée par la communauté internationale le 11 décembre de chaque année, coïncide, cette année, avec l’enneigement affectant la plupart des communes de montagne des massifs de Kabylie: Djurdjura, Bibans, Babors, relevant des wilayas de Tizi-Ouzou, Bouira, Béjaïa, Bordj Bou-Arreridj, Sétif et Jijel. Sur ces hauteurs fières de leur passé révolutionnaire pendant la guerre de libération, la vie en montagne présente des difficultés spécifiques, celles induites par un relief tourmenté un environnement écologique perturbé et une gestion centralisée des affaires publiques. Cette façon, la centralisation, de gérer les territoires et les ressources, pèse d’un poids considérable sur le bon sens et la rationalité qui sont censés présider à la gouvernance locale. Le pouvoir des élus, s’il demeure incomplet ou rogné d’une façon générale, est ici, sur les crêtes de montagne, revendiqué en tant qu’ensemble de prérogatives à exercer sur un territoire spécifique; un territoire aux chemins tortueux, à l’espace mesuré et exigu, au foncier difficile à dénicher pour les équipements publics. Un territoire qui a des besoins spécifiques dans la pérennisation et la réhabilitation des métiers ruraux générateurs de revenus; un espace qui a d’énormes potentialités, toujours laissées en friche, de s’ouvrir sur le tourisme interne et international; des régions qui, sur le plan humain et de l’histoire, ont des apports d’humanité et de génie à apporter à la collectivité nationale. Depuis que, en 2009, des études sur les zones de montagne de Kabylie ont été menées par un bureau d’étude public, le CENEAP, rien, en fait, n’a filtré quant aux programmes de développement ni aux perspectives de décentralisation dont sont censées bénéficier les communes constituant cet espace. Une politique de la montagne, au sens plein du terme, tarde à émerger des différents dispositifs mis en place par les pouvoirs publics, que ces derniers aient pour nom PPDRI ou autre chose. Les difficultés de générer des revenus pour les ménages des zones de montagne, d’adapter des techniques agricoles et des options de gestion des ressources naturelles, d’élever l’artisanat au range de vecteur économique et d’exploiter les paysages et les sites comme valeur ajoutée d’une stratégie touristique, tous ces handicaps sont loin d’être aplanis par les politiques de saupoudrage et de distribution anarchique de subventions publiques. Sur le plan de l’environnement, la montagne kabyle n’a jamais été aussi ravalée et menacée dans son identité même. Les forêts, les bois, les sources d’eau, les ruisseaux, les sites naturels (grottes, belvédères, pitons) sont, aujourd’hui, exposés aux différents effluents et rejets que la fausse modernité a produit. Les décharges sauvages donnent une image immonde et repoussante de ces villages et bourgades autrefois signes de beauté et de grandeur. Les voleurs de sable et leurs complices dans l’administration mettent en danger aussi bien les ouvrages d’art qui se déchaussent à grande vitesse que la nappe phréatique. Le Sébaou et la Soummam en savent quelque chose. Réhabiliter les zones de montagne, c’est d’abord libérer l’initiative locale et les énergies de la jeunesse de ces contrées. Les listes des communes de montagne, telles qu’établies par le CENEAP, devraient pouvoir bénéficier d’un traitement spécifique en matière d’équipement, de dotation et de fiscalité. Est-il normal que les communes de haute montagne, qui accueillent les masses neigeuses généralement dès le mois de novembre, ne disposent pas de chasse-neiges? Qu’il n’y ait pas de services spécifiques pour le ravitaillement, les soins d’urgence et la disponibilité de l’énergie (gaz et électricité)? Un Conseil national de la montagne a été installé depuis 2006, sans que les populations des zones concernées sachent quelles sont ses attributions et ses interventions. En d’autres termes, un corps sans vie qui allonge la chaîne bureaucratique. La réhabilitation des zones de montagne ne peut se concevoir et se réaliser sans une volonté politique forte, portée sur la bonne gouvernance, la gestion rationnelle des ressources et la promotion de l’esprit de citoyenneté.

      Amar Naït Messaoud

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