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Les écoliers privés de repas pendant deux jours !

Les écoliers aux quatre coins de la wilaya de Bejaïa allaient devoir se passer de leur repas de midi au niveau de leurs cantines respectives  pour tout le restant du premier trimestre, c’est-à-dire du lundi 08 décembre jusqu’au jeudi 18 décembre, en tout, 9 jours. La raison : les 57 jours de cantines ont été consommés avant la fin du trimestre. Les 7 et 8 décembre passés, les écoliers n’avaient pas pris leurs déjeuners dans les cantines car elles furent fermées pour insuffisance de budget ! Ils avaient fait l’aller-retour entre l’école et la maison, sous la pluie et la neige,  pour prendre leurs repas, une manœuvre qui a beaucoup gêné les parents, surtout, ceux, dont le domicile est loin de l’école. Mais, au grand bonheur des élèves et de leurs parents, les directeurs ont reçu des consignes par téléphone pour rouvrir les cantines scolaires jusqu’à la fin du trimestre, et ce, à partir du mercredi 10 décembre. Une initiative qui a enchanté tant de monde car ça évite énormément de tracas, surtout aux couples actifs. Mais pourquoi tout ce remue-ménage ? Fermer les cantines scolaires, puis les rouvrir deux jours après ! Priver des bambins de cinq à onze ans de repas peut-il être perçu comme une mesure de bonne gérance ? Habituellement, les approximations et les bricolages dans le secteur de l’éducation sont légion, cela n’est un secret pour personne, mais, parfois, cela dépasse l’entendement ! A cause de la mauvaise qualité des repas proposés aux écoliers, des voix se sont élevées pour dénoncer la mauvaise gestion des cantines scolaires, d’autres ont reproché aux cuisiniers leur manque de professionnalisme. Des rencontres ont même été initiées pour débattre de ce phénomène ! Mais qu’en est-il au juste ? Les cuisiniers dans les écoles primaires sont recrutés, pour l’écrasante majorité dans le cadre du filet social; au début, ils savaient à peine éplucher des légumes ! Puis, ils peaufinent, en solo, leur apprentissage sur le tas et les seuls juges sont des garnements qui n’ont droit à aucun commentaire ! L’autre élément majeur et déterminant dans l’échiquier est le facteur financier : le prix du repas d’un écolier est fixé à 45 dinars (entrée, plat de résistance et dessert). A ce prix, même les grands chefs, les plus habiles parmi les meilleurs, ne pourraient pas en tirer grand-chose ! Pour les petites écoles, c’est encore pire, car, que peut-on acheter avec 2500 dinars, ou, parfois, moins ? Les ingrédients sont souvent de mauvaises qualités parce que les fournisseurs, frustrés, car, généralement payés en retard, n’hésitent pas, par représailles, à  fourguer leurs marchandises invendues  aux cantines scolaires, en les facturant à des prix dépassant ceux pratiqués sur leurs étals. Dans les écoles primaires, les cantines scolaires sont gérées de la façon la plus rigoureuse qui soit, on impose un régime alimentaire digne de la maman de Fellag dans «Babor l’Australie» : obligation d’alterner entre pâtes et féculents ! Et pour mieux brider le directeur de l’école, un registre coercitif est mis à sa disposition, dans lequel il doit consigner le menu de chaque jour, avec tous les ingrédients entrant dans sa préparation, ainsi que leurs poids, à part l’eau qui demeure presque gratuite. Le but de la manœuvre est d’éviter le gaspillage et ne pas dépasser le prix fixé pour chaque repas. S’il arrive que le menu proposé oblige à dépenser plus, le directeur, dont les connaissances en diététique sont presque nulles, devra se débrouiller et se rattraper un autre jour pour équilibrer les dépenses à la fin du trimestre. Mais, si à la fin dudit trimestre, il s’avère qu’il y a un excédent découlant des jours de grèves, des journées chômées ou des intempéries, leur budget sera récupéré par le trésor. Par contre, si le nombre de jours prévus (question budget) est dépassé alors là tant pis pour les mômes ! C’est ce dernier cas de figure qui s’est présenté à la fin de ce trimestre, et que les autorités concernées n’avaient pas anticipé à temps, mais elles ont, tout de même, fini par trouver une solution de rechange en décidant de rajouter un infime budget pour couvrir ces quelques jours. Il est regrettable qu’au moment où les prix des produits alimentaires ont connu une ascension vertigineuse, et qu’à l’ombre de l’embellie financière de l’Algérie, de continuer à proposer des repas de 45 dinars à des enfants qu’on surnomme, incongrument, les hommes de demain ! Un élève sous-alimenté aura-t-il l’énergie nécessaire pour assimiler, distiller et stocker des savoirs ? Ne dit-on pas que « ventre affamé n’a point d’oreilles» ?

 Saïd M.

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