C’est bien connu, Dame nature offre des sites magnifiques, féeriques et parfois bénéfiques pour la santé, mais hélas, ils sont la proie des négligences des hommes. Ces derniers, quand ils ne démolissent pas tout sur leur passage, font montre d’une gestion approximative des potentialités intrinsèques des dits sites.
Parmi ces derniers, on citera la source thermale de Hammam Ksana, située dans la commune d’El Hachimia, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest du chef-lieu de la wilaya de Bouira. Pour y accéder, il faut prendre la RN18, reliant Bouira à Aïn Bessam. Une fois arrivée au niveau de l’intersection d’Aïn Bessam, il faudra tourner à gauche, puis arpenter les chemins sinueux du CW127. Sur cette route, relativement peu fréquentée, on croise quelques chiens errants qui font partie du décor. Nos amis à quatre pattes fixent les automobilistes et se « promènent » tranquillement au beau milieu de la route. Un peu plus loin et avant d’arriver sur le site, le visiteur aura déjà du respirer des tonnes de particules fines et toxique émanant des diverses carrières situées sur les accotements. Ces carrières offrent un tableau des plus sinistres et donnent l’impression aux visiteurs qu’ils pénètrent dans une zone hostile. Sur fond de « Sur ma route » de Black M., cette route, justement, paraissait interminable tant le paysage « agressé » par les carrières d’agrégats était des plus ternes et monotone.
L’informel prolifère… à l’intérieur
Une fois sur les lieux, le visiteur, surtout celui qui n’a jamais mis les pieds au niveau de ce site, déchante très vite. Tout n’est qu’insalubrité anarchie et laisser aller. On se croirait dans un souk ! Tout d’abord, aux abords de cette station thermale, les vendeurs ambulants prolifèrent dans tous les coins. On retrouve des marchands d’eau minérale, des buralistes et bien évidemment des fast-foods. Ces derniers n’accordent que peu d’importance à l’hygiène. Du poulet rôti y préparé à même le sol, des produits alimentaires sont exposés aux quatre vents et surtout aux microbes. Mais ce qui est choquant dans cette affaire, est que ces marchands « squattent » à l’intérieur même du site. Le semblant de clôture, confectionnée avec quelques bouts de ferrailles soudés entre eux, ne sert pratiquement à rien, sauf à « déranger » le portier. Certains jeunes marchands de l’informel, croisés sur les lieux, soutiennent que c’est leur droit de travailler sur ces lieux. « C’est notre droit de travailler ici ! C’est notre terre et personne ne pourra ne l’enlever », dixit Hakim, un vendeur de casse-croûte, lesquelles ne donnent vraiment pas envie de casser la croûte. Notre interlocuteur fera savoir qu’aussi bien les gérants de cette station thermale que le P/APC et le chef de daïra se « désintéressent » de leur sort. « Ils ont promis monts et merveilles et en fin de compte, ce n’étaient que des bobards. Qu’ils nous donnent du travail, de quoi vivre et on leur laissera ce site. D’ailleurs, il est déjà à l’abandon, avec ou sans nous », a-t-il lancé. Un autre marchand justifie sa présence à l’intérieur même de cette station, laquelle dispose déjà d’un restaurant, par le fait que ce « complexe » a été bâti sur leurs terres et n’ont pas été « dédommagés en conséquences ». « Je veux ma part du gâteau ! Je suis un algérien au même titre que tous les autres. Cette gargote est pour moi un signe de résistance. Ce site est loin d’être attractif et encore moins rentable. Où est le tourisme thermal ? Où sont les curistes ? », s’est-il interrogé. Il est vrai qu’au moment de notre passage sur les lieux, jeudi 20 décembre, on se bousculait pas au portillon. Les rares curistes croisés sont des citoyens du coin qui ont leurs habitudes à cet endroit. « J’y viens de temps à autre. Je suis d’Aïn Bessam, c’est proche et pas cher », dira un quadragénaire venu barboter dans une eau à 64 degrés, dans l’espoir d’atténuer ses rhumatismes. Un autre, un médecin de Bouira, en constatant qu’il avait à faire à la presse, lancera : « Dites la vérité aux gens. Décrivez ce qui se passe ici. C’est un dépotoir à ciel ouvert et non station thermale. C’est honteux. J’ai honte à la place des gérants ».
Une décharge à ciel ouvert !
Il faut dire que ce citoyen n’a pas entièrement tort. Ce complexe thermal, si on peut l’appeler ainsi, est complètement dégradé. Les aménagements de base font cruellement défaut ! Les canalisations des eaux usées sont entièrement découvertes, les odeurs des égouts empestent à plusieurs dizaines de mètres à la ronde, les mouches et autres bestioles côtoient les curistes. Pis encore, les chiens errants ont, semble-t-il, élu domicile à l’intérieure même de cette enceinte. Les rares visiteurs croisés, au moment de notre présence, ne prêtaient guère attention à la présence de ces chiens. Ils s’accommodaient parfaitement. « On a pris l’habitude de les voir ici. Ils ont également le droit de profiter des eaux thermales », ironisera un citoyen. Dans un recoin de cette station, une décharge d’ordures était entreposée au vu et au su de tous. À l’arrière de cette station, le même schéma se reproduit, les mêmes scènes se dupliquent : mégots de cigarettes, gobelets en plastique et autres emballages alimentaires forment un tableau des plus noirs. À côté du restaurant, on avait même aperçu des détritus en tous genres. « C’est vraiment dommage… Ce complexe a tout pour être un grand centre de thermalisme, mais au lieu de cela, c’est une vaste décharge », regrattera une vieille dame venue soigner son mal de dos. Concernant la structure en elle-même, il faut dire qu’elle ne paie pas de mine. On est à des années lumières des autres stations thermales du pays, à l’instar de Hammam Bounifia de Mascara ou Hammam Guergour. Ces Dernières sont, faut-il le signaler, gérées par un organisme étatique. Hammam Ksana est composé d’une salle de réception principale, une salle de réception pour femmes, une salle de réception pour hommes, de 56 salles de bains individuels, de deux salles pour bains de vapeur collectifs (non achevées), de deux salles pour bains de groupe, de deux salles de relaxation, une structure de restauration légère, 17 studios d’hébergement de type économique (non achevés) aussi et deux terrasses. Le tout baigne dans l’insalubrité la plus totale.
Les gérants dénoncent « le blocage » des autorités
Dans le but d’en savoir plus sur le sujet, attache a été prise avec les deux gérants de cette station thermale, en l’occurrence MM Mellouk et Adjoudj. Ces deux investisseurs ont dénoncé « le blocage » de leur projet par les autorités de la wilaya. « L’étude du plan d’occupations du sol (POS) et du permis de lotir a sérieusement compromis les instruments d’urbanisme censés orienter les décisions future », soulignera M. Adjoudj. Avant d’ajouter : « En 2003, soit plus d’une année après l’approbation du projet par le CALPI, les démarches administratives en vue de l’octroi du terrain d’assiette restaient vaines ». Questionné sur les « carences » enregistrées au niveau de cette station, notre vis-à-vis s’exprimera ainsi : « Pour l’heure, nous avons la structure des bains traditionnels, partiellement, exploitée. Les restes à réaliser sur l’unité numéro 1 concernent les aménagements extérieurs, les bains de vapeur et les studios d’hébergement. Ces services sont un complément de première importance des points de vue de la satisfaction de la demande exprimée et de la création de nouveaux emplois ». Interrogé à propos des « squatteurs » qui envahissent cette station thermale, Dr. Mellouk dira pour sa part : « C’est le wali qui nous a permis de les incorporer momentanément au sein de notre établissement. Vous savez, ces jeunes nous créent énormément de problèmes, mais on doit faire avec… ». Pour sa part, le wali de Bouira, M. Nacer Mâaskri, a déclaré : « Ces jeunes vont bientôt être délocalisés à l’extérieur du complexe. Nous avions un projet afin de leur aménager des box, mais le terrain pose problème car il est la propriété d’un particulier. Nous tentons de remédier à cette situation dans les plus brefs délais ».
Ramdane Bourahla