Cabale contre l’enseignement de tamazight dans les Aurès

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Dans une déclaration rendue publique, la Coordination de la Société Auréssienne (CSA) se fait le porte-voix d’une quarantaine d’associations des Aurès pour dénoncer l’ingérence de la Direction de l’éducation de Batna dans l’activité pédagogique des enseignants de Tamazight. «Ingérence» toutefois normale, si, lit-on dans le document, le directeur de l’éducation n’avait pas «outrepassé ses prérogatives en intimant l’ordre aux enseignants de faire usage de la graphie arabe». Or, rien, en termes de lois, n’oblige l’enseignant à utiliser telle ou telle graphie. A ce propos, Brahim Tazaghart, militant et praticien de la langue amazighe, et Adel Badredine de la CSA estiment que «la décision du directeur de l’éducation de la wilaya de Batna est irrecevable. Il est dit que tant que Tamazight n’est pas encore langue officielle et qu’une académie en mesure de définir une politique d’aménagement de la langue et de décider du choix des caractères n’est pas instituée, la liberté sera laissée aux praticiens d’utiliser les caractères de leur choix». Il faut rappeler que, dès l’entame de l’année scolaire, les quelques  80 enseignants de Tamazight, venus essentiellement de la Kabylie, ont eu à faire face à des difficultés de nature à freiner leur élan. Mais, cette fois, l’entrave est hasardeuse puisqu’elle revêt un caractère officiel en la personne morale du directeur de l’académie, lequel use d’un ton menaçant : ou l’on assure un enseignement avec le caractère arabe, ou il serait mis fin à la fonction des enseignants réfractaires. C’est du moins ce que nous explique Hamza Chatri, enseignant Chaoui que nous avons joint par téléphone. Notre interlocuteur nous explique que derrière cette cabale contre l’enseignement de Tamazight dans les Aurès se serait tapi dans l’ombre un inspecteur chargé du cycle primaire. Ce dernier aurait susurré dans l’oreille des parents d’élèves que leurs progénitures apprennent la variante kabyle au lieu de la variante chaouie. Du coup, les parents contestent l’aberration et saisissent la tutelle. Cela bien évidemment, affirme Hamza Chatri, est faux : «nos collègues de la Kabylie enseignent la variante chaouie !». En fait, l’implication des parents d’élèves dans la problématique sensible, faut-il le souligner, est de mauvaise foi et vise, par un mystérieux effet de graduation, la question emblématique de la graphie. Cette décision d’imposer le caractère arabe est motivée par les absences de «quelques élèves» qui désireraient recevoir l’enseignement dans le caractère arabe. Ce prétexte est irrecevable selon Brahim Tazaghart : «ce n’est pas aux «quelques» élèves de décider à la place de leurs enseignants qui ont reçu une formation dans l’université algérienne pour porter cette langue et la développer. Dans ce sens, la décision de M. Salah Chihab (directeur de l’éducation de la wilaya de Batna, ndlr) est une remise en cause du programme universitaire approuvé et validé par le ministère de l’Enseignement supérieur, et ce, pour imposer un point de vue qui n’a bénéficié d’aucun effort scientifique, hérité d’une situation qui a vu les enseignants de la langue arabe convertis en enseignants de Tamazight. Face à ce genre de décisions populistes, il y a lieu de réaffirmer que l’enjeu aujourd’hui n’est pas de pratiquer une politique sentimentale sans soubassements scientifiques, mais d’offrir à Tamazight la chance de se développer et à l’enfant algérien celui de se libérer du moindre effort dans lequel on veut l’insérer, tout en préservant sa personnalité et son identité nationale». Quoi qu’il en soit, le CSA a saisi le ministère, le wali et le HCA auxquels il demande une commission d’enquête. En attendant, le CSA refuse l’ingérence dans les classes amazighes.

S.A.O. 

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