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Les raisons des pénuries

À chaque épisode neigeux, l’on crie à la pénurie des bonbonnes de gaz et la spéculation s’intensifie dans plusieurs localités montagneuses, à l’instar de la région de Barbacha, sachant que la demande passe du simple au double. 

Mais, ces localités souffrent-elles vraiment de pénurie de gaz butane ?  La réponse reste mitigée si l’on prend en considération les éléments et détails que nous avons recueillis auprès de certains vendeurs agréés de gaz butane dans la région. Ainsi, pour les deux communes de la daïra, à savoir Kendira et Barbacha, d’une population globale de quelque 25 mille âmes, comptant pas moins de 16 points de vente du gaz butane, y compris les 3 stations Naftal existantes, il n’y a pas de raisons pour qu’il y ait une quelconque pénurie, et ce, en tenant compte du nombre de vendeurs autorisés par Naftal. Ajouter à cela la condition exigée par cette société pour avoir un agrément de création d’un point de vente, à savoir la disposition obligatoire de pas moins de 77 bouteilles en consignes, un chiffre qui peut atteindre les 444 bonbonnes à mobiliser durant les recharges et les distributions par chaque propriétaire d’un point de vente. Et par petit calcul mental, si l’on prend seulement une moyenne de 100 bouteilles par point de vente, cela donnera 1600 bonbonnes prêtes à la recharge et à la distribution ; mais le nombre est plus élevé il pourrait atteindre au moins 2 000 bouteilles, dira un vendeur de ce gaz, très connu dans cette région. Pour notre interlocuteur, la pénurie n’a aucune raison d’être puisque, au niveau de la société Naftal de Béjaïa, le produit est toujours disponible en grande quantité. « Le problème se situe à notre niveau », confiera-t-il, en regrettant que certains vendeurs ferment carrément boutique en hiver avec de fortes tensions sur ce produit, et se contentent de reprendre l’activité en « période de paix », prenant en otage plusieurs dizaines de bouteilles confisquées pour qu’elles soient mobilisées à faire face à la demande des citoyens. Un fait réel et amer puisque, a-t-on constaté le nombre de points de vente du gaz butane ouverts en cette période de neige et de grand froid ne dépasse guère le nombre des doigts d’une seule main sur le territoire de la seule commune de Barbacha ; par conséquent, la consigne disponible à la distribution serait plus de trois fois moindre. À en croire une source, la direction de Naftal avait adressé des mises en demeure à ces quelques « pseudo » revendeurs pour revenir à poursuivre pleinement cette activité faute de quoi la direction procédera au retrait de leurs agréments. C’est à priori la première raison d’un manque de gaz poussant souvent à la spéculation qui mène directement à la détresse « gazeuse », peut-on dire.

Une détresse qui a engendré des attitudes néanmoins inédites, où des clients, nombreux même, déposent des bouteilles à moitié vides au niveau des points de vente, selon certains détaillants, juste par souci d’en avoir une pleine. N’est ce pas là un phénomène de gaspillage qui pourrait constituer néanmoins une autre cause de pénurie ? Il y a aussi la consommation accrue de ce gaz butane par les nombreux poulaillers existant dans cette région, laquelle se fait au détriment des ménages, puisque l’on nous indique que les propriétaires de ces éleveurs de volailles ne sont pas admis à se procurer ce combustible au niveau de Naftal ; ils s’approvisionnent donc depuis les points de vente, rognant ainsi sur la part des ménages.

Sachant que pour chauffer ces basses-cours couvertes, il faut plusieurs bouteilles, cela fait que la consommation dépassera de loin le nombre disponible de bouteilles pleines auprès des rares vendeurs qui continuent à maintenir cette activité à l’effet de permettre aux habitants d’acquérir ces bonbonnes, le combustible de choix et propre, utilisé pour le moment dans ces régions montagneuses qui attendent leur raccordement au gaz de ville, qui donnera un second souffle à la vie de ces montagnards. Par ailleurs et outre ces failles dans la distribution et la vente du gaz butane dans ces régions, s’y ajoutent des perturbations sur le réseau routier local, car si ce n’est le blocage total par la neige, l’on constate souvent des éboulements et autres tracas diminuant souvent la fluidité de la circulation. Cela pourrait aussi perturber l’acheminement des bouteilles de gaz en un laps de temps et pour toutes les localités. Car, et sans oublier, il s’agit là d’un produit très dangereux, surtout si l’on prend en considération la qualité mauvaise de quelques bouteilles laissées en circulation, mais là c’est un autre sujet qui mérite aussi réflexion et débats.

Nadir Touati 

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