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Itinéraire du marché hebdomadaire de M’chedallah

On soutient que “L’aârch Amchedal” a tenu son premier souk au lieu dit” El Jamaâ Nat Hakem”, situé à “Tala Rana”, une source qui jaillit à une vingtaine de km, au nord de l’actuelle commune de Saharidj, soit au pied de la majestueuse montagne du Djurdjura.On ignore s’il y reste encore des traces archéologiques. Seule une fouille sur les lieux pourrait peut-être nous renseigner.Ensuite, pour des raisons et époques inconnues, ce marché polyvalent avait connu son premier périple qui l’a conduit à “Tala Larvaâ”, une source actuellement tarie et en ruine, sise à une dizaine de km à la sortie nord de l’actuel chef-lieu de la commune de Saharidj. On raconte que jusqu’à une époque avancée, on pouvait aisément reconnaître les 12 places (grosses pierres) sur lesquelles s’asseyaient les 12 représentants des 12 villages formant l’aârch Amchedal”. Notons qu’à cette époque, où les moyens de communication n’avaient aucun sens, et que les moyens de transport se résumaient aux seules bêtes de somme (ânes et mulets) et en l’absence de toute structure administrative, le souk était le seul lien de rencontre pour les chefs de tribus (des villages) et voire du aârch ; un lieu sacré où on entame et on finalise les affaires de mariages, et enfin un lieu pour effectuer des transactions commerciales qui se résument principalement en la vente, (ou probablement échange) des produits artisanaux.Après, l’organisation sociale du “aârch Amchedal” a connu une sorte d’évolution.En effet, les membres de cette institution populaire et souveraine (à l’époque) ont jugé utile de dégager un lieu intime et permanent, indépendamment du marché, où ils pouvaient se réunir. Leur choix s’est porté sur un endroit dit “ Taida Lam Sara”, un monticule clairsemé de pins, sis toujours dans le chef-lieu de la commune de Saharidj.D’ailleurs, c’est un lieu symbolique qui reste gravé dans les mémoires des gens à ce jour, même si ce comité des sages, a de nos jours perdu sa crédibilité et a complètement raté sa vocation initiale. Quant au “souk Larvaâ”, (marché du mercredi), il a encore une fois changé de domiciliation et poursuivi sa dégringolade vers le sud, probablement due à l’exode des populations vers les plaines, pour atterrir sur une autre colline dite “Tighilt Bumlil”, à 6 km en aval, soit exactement à l’actuel chef-lieu de la commune de M’chedallah. Ainsi, il (le souk) changea de nom et devint désormais, “souk Net Lata”, ou le marché du mardi. C’est le lieu qu’il garda jusqu’en 1881, date à laquelle l’administration coloniale de l’époque dont le siège se trouvait à “At Mansûr” a décidé d’y construire un centre de colonisation, connu sous le nom “village Maillot”, sur des terres bien sûr séquestrées collectivement et individuellement aux autochtones qui ont été évacués à l’extérieur du village.Comme il fallait s’y attendre, encore une fois, le souk a été transféré au centre de cette nouvelle ville, pour devenir un simple marché de légumes et fruits pour les besoins des colons et de leurs collaborateurs. C’était une époque où le commerce des fruits et légumes était réservé aux colons et aux nantis de la région. Quant au reste de la population, elle vivait bien sûr du seul produit de sa terre. C’était une époque aussi, où seul le chef de famille avait le droit de faire le marché. Plus de panier, ni de sac ! Le capuchon du burnous était largement suffisant pour contenir du café, du sucre, allumettes et un peu de viande. C’était d’ailleurs les seuls produits qu’on y achetait.Le centre-ville était la place du marché hebdomadaire, même après l’Indépendance. Il a fallu attendre la fin des années 70, et suite à l’accroissement de la ville que, les autorités locales de l’époque ont décidé de transférer le marché au sud de la ville, soit à la même place qu’il avait déjà occupée, avant l’arrivée du sixième et dernier envahisseur qu’a connu ce pays, en 1880. D’ailleurs ce lieu garde jusqu’à nos jours le nom de “Souk Akdim”, ou ancien marché. Trois décennies après, la commune-mère de M’chedallah, devenu daïra, compte plus de 10 000 habitants. Alors, cette aire commerciale qui n’avait pas connu d’extensions, ni encore moins de travaux d’aménagement est devenue trop exigue et insalubre pour contenir toute la masse populaire, et pouvoir répondre aux exigences du marché moderne. En effet, à chaque averse, surtout en période hivernale, ce lieu se transforme en véritable bourbier, vu l’état dégradé de son asphalte. Dans de telles circonstances, la plupart des marchands désertent les lieux et on assiste souvent à une flambée des prix des fruits et légumes, comme c’est le cas ces derniers jours, à la veille de l’Aïd. Autre désagrément, ce marché est contigu au lycée “Zuzamen” ce qui importune de fait la scolarité des lycéens.Une distinction cette fois-ci de ce marché, il est l’un des lieux les plus sûrs du pays. Il a toujours été un véritable tombeau pour les voleurs. En effet, tout détrousseu ou malfaiteur qui se serait aventuré, ou qui aurait tenté par le passé d’y commettre des actes malsains, ont vu leurs cavales terminées et sont tombées dans le filet. De mémoire, aucun voleur, amateur ou professionnel n’a pu échapper à la vigilance des citoyens. Il suffit qu’un commerçant crie “Au voleur”, aidé souvent par les mégaphones résonnant aux quatre coins du marché, pour voir les gourdins s’élever dans le ciel et c’est tout le monde qui poursuit le fugitif. Ceux (voleurs) qui avaient la chance de prendre la fuite ont été suivis dans la nature et interceptés. Tous ont été passibles de la justice populaire, avant d’être remis aux autorités.Après tous ces aléas, on apprend que ce prestigieux marché sera une fois encore déplacé, pour la cinquième fois de son existence, toujours vers le sud, aux abords de l’oued El Sahel exactement, soit à la limite des terres de la ferme pilote (pépinière). Il s’étalera sur une surface de 5 ha, et les travaux d’aménagement débuteront incessamment. Ce marché plusieurs fois centenaire, va-t-il enfin trouver la place qui est la sienne et qui répondra aux exigence du troisième millénaire? C’est ce que l’on saura dans les années à venir.

Farid. A

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