Gynécologie, halte à la saignée !

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Combien de bébés naissent par jour, chez nous, par césarienne, lesquels auraient pu naître normalement ?

Combien de femmes enceintes ont dû écouter leurs médecins leur expliquer que leur grossesse présentait des complications, qu’elles ne pouvaient accoucher autrement qu’avec l’aide d’un chirurgien ? Combien d’entre elles, la mort dans l’âme, se sont décidées à cette extrémité et ont subi une intervention que leur état normal désavouait d’avance ? Mais combien d’autres, préférant courir ce risque plutôt que de contraindre leurs maris à contracter une dette qu’il ne paieraient qu’au terme de plusieurs mois de privation, s’étaient présentées courageusement à la maternité et s’en étaient ensuite félicitées, car leurs grossesses s’étaient révélées normales ? Toutes ces questions, on s’en doute, ne sont pas nouvelles. Elles ne sont pas, non plus, spécifiques à une région. Il y a comme un air de déjà vu, de déjà entendu. Le sujet ayant défrayé longtemps la chronique. Il y a, en somme, comme une spéculation qui s’est emparée de cette branche de la médecine appelée gynécologie. En effet, avec le développement des cliniques privées entrainant de facto un déficit en personnel spécialisé par une meilleure rémunération, la césarienne est devenue un mode opératoire incontournable pour beaucoup de femmes qui accouchent. La presse en a parlé et les élus locaux ont réagi en dénonçant ce scandale. La banalisation de cette pratique qui n’est pas toujours justifiée a fait que l’on n’évoque plus ou si peu le sujet. Sans le concours de circonstances qui nous a rendus le témoin involontaire de deux cas de femmes orientées vers les cliniques privées, mais ayant accouché le plus normalement du monde, jamais peut être nous ne nous serions intéressés de près à ce sujet. Il devenait banal. Et la banalité tue l’intérêt. Les quelques minutes que nous avons passées dans le couloir de la maternité il y a quelques jours nous ont permis de faire une observation capitale : les diagnostics que font les médecins ou gynécologues qui orientent les femmes enceintes vers les cliniques privées pour des césariennes ne sont pas tous fiables. La preuve indiscutable, nous l’avons eue ce soir, sous les yeux : les deux jeunes patientes qui étaient venues pour accoucher à l’hôpital Mohamed Boudiaf avec une lettre d’orientation pour des cliniques privées ont mis deux beaux bébés au monde grâce aux simples soins de jeunes, mais habiles sages femmes. Les maris, heureux, qui les avaient accompagnées n’en finissaient pas de se frotter les mains. Les césariennes n’avaient pas été évitées de justesse à leurs épouses, mais également à leurs portefeuilles ! Il faut dire qu’elles coûtent les yeux de la tête pour un modeste fonctionnaire! Le directeur de l’hôpital, nouvellement installé à ce poste, en l’occurrence Djamel Boutmeur, s’est gardé de tout jugement à ce sujet, laissant les médecins travailler « en leur âme et conscience ». Il a, toutefois, souligné le caractère impératif de recourir à ce moyen dans les cas où le bassin de la parturiente est trop étroit ou lorsqu’elle présente une pathologie lourde, comme le diabète par exemple. D’ailleurs, ces interventions sont sans risque, selon lui, et en Europe, les femmes préfèrent se faire césariser. Au niveau de son hôpital, il affirmait que sur les 25 femmes qui viennent chaque jour pour accoucher, 5 ou 6 passent nécessairement par le bloc opératoire. C’est une moyenne. La question qui se pose, c’est pourquoi les médecins privés, qui connaissant en général les revenus souvent plus que modestes de leurs malades, ne les orientent-ils jamais ou presque vers les hôpitaux ? Quoi qu’il en soit, la volonté de l’Etat de moderniser le secteur et de le rendre plus performant va mettre fin aux formes d’abus qui s’observent dans le secteur privé où seul l’argent semble compter. Une concurrence forte, mais respectueuse des règles de la déontologie entre les deux secteurs ne pourra qu’aboutir à une meilleure prise en charge du malade tant au niveau des hôpitaux et des polycliniques qu’au niveau des cliniques privées. À cet égard, il convient de signaler l’ouverture, il y a dix jours, d’un service de gynécologie et d’obstétrique à la polyclinique d’Oued D’hous. Il permet aux femmes enceintes d’être prises en charge jusqu’au terme de leur grossesse sans débourser le moindre sou.

Aziz Bey  

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