«Désormais, l’art a un statut en Algérie»

Partager

Abdelkader Bendaâmache, président du Conseil National des Arts et des Lettres, a présenté avant-hier, à la Maison de la culture de Béjaïa, les grandes lignes du dispositif de protection sociale des artistes.

C’est devant de nombreux artistes présents que le président du CNAL a commencé son discours en rappelant une ancienne promesse qu’il leur avait faite de Béjaïa : «A chaque fois qu’il y aura du nouveau dans ce secteur, je l’annoncerai toujours ici, à Béjaïa». Abdelkader Bendaâmache a en effet commencé une tournée qui va le mener dans plusieurs wilayas du pays, pour annoncer et expliquer aux artistes les nouvelles dispositions réglementaires de leur protection sociale. Jusque-là a-t-il dit, les artistes et hommes de lettres n’avaient pas de statut juridique. Les professions de compositeur, auteur ou d’interprète n’existaient pas dans la nomenclature nationale des métiers et n’étaient encadrées par aucun texte législatif. A titre d’exemple, les artistes qui ont travaillé à la Radio Nationale n’avaient pas ce statut. Ils étaient considérés comme des agents administratifs et étaient payés comme tels. De grands chanteurs, musiciens ou comédiens étaient officiellement considérés comme des secrétaires, chefs de départements ou chefs de services dans l’administration. Les écoles de formation artistique qui existaient étaient considérées comme des institutions d’enseignements chargées de former des enseignants dans le domaine. Elles avaient donc des statuts d’école, formant des enseignants et non des artistes. Il était donc vraiment temps de mettre fin à cette situation et de donner un statut officiel à l’artiste. La première action fut de créer le Conseil National des Arts et des Lettres en 2011, avec pour mission de discuter avec les différents partenaires nationaux afin de trouver des solutions aux problèmes que vivaient les artistes. «C’est un événement historique dans notre pays, que de voir l’artiste enfin reconnu par l’Etat», a dit Abdelkader Bendaâmache. Il ajoutera : «Désormais, l’art a un statut en Algérie». Expliquant certains détails juridiques, le conférencier a rappelé que la Constitution algérienne stipule que tous les Algériens ont droit à la sécurité sociale. Dans ce nouveau dispositif concernant les artistes, l’Etat prend en charge les arriérés des cotisations, en réparant le préjudice subi par les artistes âgés. Leur nombre a été estimé à un millier. Kamal Hamadi, présent dans la salle, a ensuite pris la parole pour raconter qu’après plus de 50 ans de carrière, durant lesquels il avait payé toutes ses cotisations, il n’avait pas eu le droit à la retraite. Le CNAL a donc mis en place une procédure simple permettant à chaque artiste de bénéficier une Carte officielle qui sera délivrée par l’Etat. Un dossier simple est demandé aux artistes, constitué d’une demande, d’une photocopie de leur pièce d’identité et d’un extrait de naissance. Un CV est également demandé aux demandeurs de cartes, priés de joindre à leur dossier deux photos et de remplir la fiche de renseignements disponible au niveau de la Maison de la culture et de la Direction de la culture de leur wilaya. Le Directeur de la Culture, Khellaf Righi, demandera aux artistes de déposer leurs dossiers au niveau de sa direction qui se chargera de les transmettre au CNAL qui les traitera sans délais. Ce seront les «tiers-payant», c’est-à-dire les organismes contractants, et non les artistes eux-mêmes, qui devront payer 2,75% du montant des cachets d’artistes à la Sécurité Sociale. D’autres dispositions ont été mises en place pour permettre aux artistes de «libérer leur énergie créatrice». L’article 11 du texte juridique a un effet rétroactif. C’est assez rare pour être signalé. Il supprimera définitivement l’image de l’artiste âgé démuni, vivant dans la misère, n’arrivant même pas à accéder à des soins adéquats et aux médicaments.

Actuellement, selon Abdelkader Bendaâmache, un nouveau texte est en préparation pour permettre de réglementer le droit sur les mécanismes des relations de travail entre les artistes et leurs employeurs.

Après une heure de communication, la parole a été donnée aux artistes présents pour commenter ou poser des questions. Plusieurs d’entre eux ont exprimé leur satisfaction de voir enfin les choses bouger. D’autres ont soulevé de vrais problèmes, puisqu’à Béjaïa, l’antenne locale de la CNAS ne semble pas au courant des nouvelles dispositions réglementaires régissant le statut de l’artiste. Pourtant, selon Abdelkader Bendaâmache, la Direction générale de cet organisme a instruit par écrit l’ensemble de ses agences pour désigner un «Monsieur Artistes», chargé de prendre en charge spécifiquement cette catégorie d’assurés. D’autres encore ont soulevé le cas des ayant-droits et la nécessite de prendre en charge également l’assurance des familles des artistes. Ce que le conférencier a promis d’exposer aux autorités concernées. Par ailleurs, ce nouveau statut va permettre la création de nouveaux postes budgétaires spécifiques aux artistes. Même si c’est encore insuffisant, ce premier pas est d’une extrême importance, puisqu’il donne enfin à l’artiste, à l’écrivain, au journaliste pigiste, comme l’a si bien spécifié le conférencier, aux acteurs, scénaristes, musiciens, poètes,… une existence légale et officielle.

N. Si Yani

Partager