« Ah, si seulement Ighil Ali pouvait retrouver son éclat d’antan ! » souhaitait, sans trop y croire, un citoyen de cette localité des Ath Abbas.
Ce grand village niché sur une proéminence de 800 mètres d’altitude, fut fondé vers la moitié du 16 siècle, par des habitants venus des deux anciens et mythiques villages d’Ath Aâbla et Ikharvane, situés à l’Est d’Ighil Ali. De quelques familles seulement au début, le village est passé à près de 7000 habitants actuellement. Et il ne cesse de s’agrandir et de s’étirer dans tous les sens. L’histoire de ce village au charme magnétique – car celui qui le visiterait tombera forcément sous son charme, et souhaiterait y revenir un jour- commença aux quartiers Tazayart et Ath Moussa, où quelques maisons furent érigées. Une mosquée fut édifiée, et porte le nom d’El Djamaâ Oussaâdi, l’ancêtre des Ath Oussaâdi qui furent les premiers à habiter Ighil Ali, selon la tradition orale. Cette mosquée de style typiquement kabyle, aurait 5 siècles d’âge, selon les dires des anciens, et tient toujours debout comme nous l’avons constaté. Ainsi, avec les nouveaux arrivants, le petit village s’agrandit, peu à peu, pour atteindre la densité actuelle. A l’époque coloniale, les missionnaires débarquèrent à Ighil Ali. Tour à tour, les Pères blancs s’y installèrent vers 1884, suivis des Sœurs blanches qui réalisèrent un couvent où elles prodiguaient des cours de langue française, et apprirent quelques métiers aux filles autochtones, comme la couture, le tricotage et la broderie. Les tentatives de christianisation de la société des Ath Abbas par ces missionnaires ont échoué le long de la présence coloniale. A cette époque aussi, Ighil Ali fut connu par les métiers artisanaux, dont des familles entières s’y sont spécialisées. Il y avait des cordonniers qui confectionnaient des souliers comme les babouches, les espadrilles. Il y avait aussi des armuriers, des tanneurs, des vanniers, des forgerons, des bijoutiers, bref une véritable ruche d’ouvriers, qui créèrent une petite « révolution » industrielle dans la région, dont le rayonnement a dépassé les frontières. Leurs produits s’exportaient partout. Aujourd’hui, il n’y subsiste presque pas un seul de ces métiers artisanaux que nous avons énumérés. Seul un artisan-cordonnier qui confectionne encore des espadrilles typiquement de la région des Ath Abbas, et un artisan-armurier qui a du mal à exercer son activité à cause de certaines contraintes. C’est dire que cette localité a connu la descente aux enfers, et perdu de sa superbe. Beaucoup de ces familles d’excellents artisans ont dû quitter Ighil Ali, surtout durant la guerre de libération, pour s’installer ailleurs, dans l’Oranie pour la majorité.
Syphax Y.

