La rencontre du printemps, un rituel ressuscité

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«Ammager N’Tefsut» (la rencontre du printemps) c’est l’un des plus anciens rituels kabyles à côté de la visite d’Iassassen (les gardiens du temple kabyle).

Un rituel millénaire que l’association culturelle Agraw Adelsan de M’Chedallah vient de dépoussiérer pour le célébrer en fanfare et à sa juste valeur, en y mettant le cœur et les moyens. Cette association, récemment agrée et typiquement féminine, une des toutes premières du genre dans la région de M’Chedallah, et qui a enregistré une large adhésion des femmes, est allée ce week-end à la rencontre du printemps (Ammager N’Tefsut). Une tradition ancestrale qui consiste à fêter le retour du beau temps après les affres climatiques de l’hiver, en allant dans les champs cueillir les herbes comestibles et préparer en plein air un repas dénommé «ameqful». Ce repas composé d’herbes et de couscous d’orge et de blé est consommé sans sauce, cela en parallèle à une série d’autres plats des plus anciens que les femmes volontaires se sont mises à préparer sous les orientations des femmes âgées. Il faut dire que ces plats anciens ont été délaissés depuis longtemps. Il y a le « adhemin ». Celui-ci est composé de farine de blé ou d’orge arrosé d’huile d’olives et saupoudré de sucre. Le plat est consommé cru, accompagné de figues sèches. « Tahvult lekhlia » est aussi un plat ancien typiquement kabyle. C’est une sorte de galette tendre bourrée d’herbes comestibles et de graisse. Toujours à l’occasion de cette cérémonie accueillant l’arrivée du printemps, d’autres femmes se sont attelées à préparer une variété d’autres plats bien qu’anciens mais encore en vogue dans de nombreux foyers, tels que Thighrifin, Tahvult, L’merqa, Aghroum Netfouri. Des plats auxquels ont goûté tous les participants et les invités, juste après leur exposition de quelques heures. Pour agrémenter cette rencontre qui a drainé une immense foule de femmes, les membres de l’association Agraw Adelsan, sous la présidence de la poétesse Dalila Amarouche, plus connue sous le nom d’artiste Tassekurt N’Djerdjer, ont arrêté un riche programme, d’abord pour faire découvrir ce rituel à la nouvelle génération, mais aussi pour célébrer la Journée internationale de la femme. Aussi, en parallèle, les présents ont eu droit à de la poésie et des chants patriotiques composés durant la guerre de libération, et assurés par une chorale de tivugharin composée par de vieilles femmes. S’ensuivent un concours de charades proverbes et adages kabyles anciens, et un urar l’khalath à l’ancienne mode avec comme seul instrument avendir (tambourin), auxquels succéda un défilé de mode de robes kabyles anciennes et modernes. Le défilé improvisé en plein air a été enveloppé par la musique des chanteurs les plus célèbres de Kabylie. À travers cette émouvante activité un pan entier de la culture kabyle et de la mémoire collective délaissé et en voie de disparition a été déterré. Cela s’est passé dans un espace des plus attractifs, au cœur d’une oliveraie verdoyante recouverte d’un épais tapis d’herbe fleurie à Aharrach, en périphérie de Raffour, par une journée claire, ensoleillée à souhait. Un décor de rêve agréablement agrémenté par des centaines de femmes venues des quatre coins de la région, parées de leurs plus belles tenues et parures kabyles. Pour la célébration de la Journée internationale de la femme, il a été fait appel à l’avocate maître Akkache Samira pour animer une conférence dans laquelle elle s’est longuement étalée sur les droits de la femme. La conférencière a terminé son intervention en s’engageant à assister juridiquement les femmes en difficulté notamment les cas sociaux que lui recommandera l’association Agraw Adelsan. La dernière activité de cette mémorable journée pour les femmes de la région, la première du genre, fut une épreuve de force entre les femmes âgées et les jeunes filles. Elle consiste à tirer sur une corde. Bien entendu, les femmes âgées l’ont emporté en faisant preuve d’intelligence et en faisant appel à leur expérience. Il est à noter que des vigiles composés de jeunes de la localité de Raffour ont, durant toute la journée, fait un cordon de sécurité autour de l’endroit où s’est déroulée cette grandiose activité qui a regroupé environ quatre cents femmes, tous âges confondus. 

Oulaid Soualah

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