Du droit de tout penser au droit de savoir ce qu'il faut dire

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La liberté d’opinion et la liberté d’expression, ainsi que la responsabilité qui découle de l’exercice de cette dernière sous quelque forme qu’elle se présente, ont été hier, dans la matinée, au niveau de la cour de Bouira, l’objet d’une conférence, où magistrats et correspondants de presse, étaient assis côte à côte pour en suivre le déroulement. Si l’une et l’autre constituent un droit reconnu par la loi, notamment l’article 11 qui stipule que tout individu a le droit d’avoir une opinion et de l’exprimer à travers une panoplie de supports allant de la presse écrite aux médias lourds, le conférencier, en l’occurrence Louani Khaled, conseiller à la cour, a tenu, cependant, à différencier ces deux libertés, l’une relevant, pour ce qui concerne la responsabilité de la conscience, mais l’autre du droit et de la justice en raison des réactions qu’elle peut avoir sur l’opinion publique. Il reconnaissait également qu’il y a d’autres libertés, tout aussi fondamentales, comme celle de croire. Aussi profitait-il de l’occasion qu’offrait la Journée arabe des droits de l’homme créée en 2004, et entrée en vigueur en 2008, pour en appeler au respect de ces libertés. Leur exercice est limité par celui des autres. Et aucune ne doit empiéter sans dommage sur l’autre. Mettant en exergue, ce que l’islam a apporté à ces droits individuels et collectifs, il a évoqué par ailleurs, les films et les caricatures qui, sous prétexte de la liberté d’expression, se sont attaqués au sacré et conduit à des réactions violentes. La projection, par exemple, de ce film américain,  « La dernière tentation du Christ » de Martin Scorcese qui montrait Jésus marié à Marie Madeleine et leur fille Sarah, a poussé les catholiques français à mettre le feu à la salle de cinéma où il a été projeté en 1988. D’autres créations artistiques, qui ont vu le jour, comme le livre de Salman Rushdie, « Les versets sataniques » en 1999, ou cette toile représentant Jésus crucifié avec une grande force et un grand pathétisme, ont fait scandale et provoqué colère et indignation….ou, au contraire, un vaste mouvement de solidarité comme ce fut le cas de Charlie Hebdo, un journal satirique qui se trouve aujourd’hui à la tête d’une grosse fortune, alors qu’il était au bord du dépôt de bilan avant l’attentat qui l’a visé. En tout état de cause, la liberté d’expression ne doit pas être conçue comme une  provocation ou une stigmatisation, mais comme l’exercice sage d’un droit reconnu mondialement. Cet exercice incitait à poser des jalons pour empêcher les abus de toutes sortes. Ainsi la diffamation et la désinformation visant à fomenter des troubles, à porter atteinte aux institutions et à la sécurité de l’Etat relèvent du pénal et appellent des sanctions précises prévues par le code pénal. Voilà grosso modo, le thème abordé lors de cette Journée arabe des droits de l’homme, dont la liberté d’opinion et la liberté d’expression constituent sous leur forme simple le couronnement de l’édifice. Si on peut tout penser, il est évident qu’avant de parler, il faut savoir tourner sept fois sa langue dans sa bouche afin de rester dans le cadre permis à la liberté d’expression par la loi. Lors des débats, qui ont été longs et fructueux, il a été question de savoir si la liberté d’expression ne devrait pas faire sa propre autocritique afin de se fixer elle même ses propres limites et si le recours à l’article sur la diffamation tel qu’il est appliqué un peu à tort et à raison ne constituait pas un frein à cette liberté chèrement acquise. Le mot de la fin prononcé par la présidente de la cour et le procureur général qui ont assisté à cette journée a permis de rassurer les journalistes. Personne ne remet en cause le droit d’expression ni celui de l’information du journaliste à condition que celui-ci respecte les règles de sa profession.

Aziz Bey

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