Le ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, a réitéré avant-hier, lors d’une séance au Parlement, «l’engagement indéfectible du gouvernement à éliminer les habitations précaires à l’échelle nationale avant le premier semestre 2016». M. Tebboune a ajouté que le gouvernement envisage de mettre fin à la crise du logement à la fin de l’actuel quinquennat. «Pour la concrétisation de cet objectif, il est impératif d’intensifier les efforts pour augmenter les capacités de réalisation de 80 000 unités par an à 120 000 durant les cinq prochaines années», a-t-il encore souligné. Au niveau de la wilaya de Bouira, où la crise du logement atteint son apogée, ces déclarations passent mal aux yeux des milliers de citoyens vivant toujours dans des gourbis. Certes, les bénéficiaires des logements sociaux ont été rassurés par la récente opération de tirage au sort liée à l’emplacement de leurs logements, un processus qui vient parachever des années d’attente. Cependant, pour les citoyens vivant dans des taudis au niveau de la cité Evolutive, dans des garages sis au quartier des 56 logements, ou bien des dizaines de familles vivant toujours dans des conditions inhumaines au niveau du village d’Ain Athman, situé à une dizaine de kilomètres à l’Ouest du chef-lieu de la wilaya, pour ne citer que ceux-là l’attente se fait longue, très longue même. Les pouvoirs publics à l’échelle de la wilaya donnent l’impression d’être «sourds» aux directives du ministre et ses déclarations rassurantes. Et pour cause, au moment où M. Tebboune annonce vouloir en finir avec l’habitat précaire, les autorités publiques de Bouira font durer le suspense autour du sort des habitants précédemment cités. Au niveau de la cité Evolutive, les citoyens interrogés se disent «exaspérés» par l’attente. «Nous n’en pouvons plus ! Ils ne veulent pas nous recaser ou bien nous trouver une quelconque solution. On en a assez de vivre dans l’attente !», déclarent-ils. Le même cri de détresse émane des locataires des garages, sis au quartier des 56 logements, situé en plein cœur du chef-lieu de la wilaya. Dans ces «garages de la honte», le mot précarité prend tout son sens. La charpente est complètement rongée, les fissures ont creusé des sillons dans les murs, des fils électriques pendouillent de partout et peuvent être à l’origine d’un drame quasi-inévitable. L’espace vital de ces citoyens n’excède pas les 9m². Tout y est entassé : vaisselle, linge, lits… etc. Un si petit espace pour une famille comptant pas moins de six personnes. La situation au niveau du village d’Ain Athman n’est guère meilleure. Plus d’une dizaine de familles vivent dans des conditions lamentables et le mot est faible. Des baraques en zinc, entassées les unes près des autres, ni canaux d’assainissements, ni réseau d’évacuation des eaux pluviales, juste des habitations qui menacent ruine à tout instant. Des murs qui s’effritent, un sol donnant l’impression de se dérober sous les pieds. Bref, tout n’est que saleté et promiscuité. À l’intérieur, c’est pire ! Une image des plus insupportables nous agresse d’emblée… salon, cuisine, salle de bain et chambre à coucher, le tout se trouve dans une seule pièce. «Nous sommes neuf à nous entasser dans cette pièce !», nous dira Hamid, père de 4 enfants, dont deux en âge de se marier. Et de continuer, sur fond de malaise : «j’ai honte de vous dire… Mes filles, qui sont des femmes désormais, dorment avec leurs frères. Ces derniers n’hésitent pas à passer la nuit dehors pour céder la place !». Au fil des minutes, il ne pouvait plus retenir sa colère et son désarroi face à cette situation. « Nous sommes considérés comme des parias. On vit comme des animaux en cage», s’est-il écrié. Et face à cela, que trouvent à redire les autorités, notamment le chef de daïra de Bouira. «Les logements destinés aux habitants des haouchs, à ceux de la cité Évolutive et ceux du RHP ne sont pas totalement achevés. Donc, nous ne pouvons pas démolir ces logements sans qu’on puisse offrir à leurs occupants des habitations entièrement équipées», a-t-il indiqué. Une question mériterait d’être posée : Ces logements seront-ils achevés d’ici le premier semestre de l’année prochaine, date butoir fixée par le ministre ? Les autorités de la wilaya prendront-elles compte des directives « fermes » du ministre ou bien continueront-elles à faire durer le suspense au détriment des citoyens vivant dans l’extrême précarité ? Seul l’avenir nous le dira.
Ramdane Bourahla
