Comment mettre fin à l'engrenage de l'"import-import" ?

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Depuis que le commerce extérieur algérien a été délesté du monopole étatique au début des années 1990 -période coïncidant avec l’inauguration de la libéralisation politique et du pluralisme syndical, et s’ouvrant sur les grandes incertitudes imposées au pays par le terrorisme intégriste-, cette activité a eu mille difficultés à s’inscrire dans des repères précis, où les importateurs sont censés être bien identifiés, répondant à des cas de charges précis, prenant soin de la qualité des marchandises achetées et mise dans le circuit commercial. On a eu à vivre tout le contraire. Le nombre d’importateurs a évolué en flèche, s’approchant de 40 000 opérateurs. Le nombre d’exportateurs hors de la sphère des hydrocarbures se résume à quelques capitaines d’industrie « téméraires » faisant entrer entre 2 à 3% des recettes extérieures globales du pays. Par le truchement des opérations d’importation, des transferts illicites se sont effectués, remplissant des comptes « off shore » par le procédé des fausses facturations. Le gouvernement a essayé de contenir les débordements générés par le tout-importation, en instaurant en 2009 le crédit documentaire comme mode de payement quasi général. Deux ans plus tard, le procédé a été allégé au profit d’une catégorie de marchandises jugée stratégique. Pour le commerce extérieur, l’Algérie n’entend donc, jusqu’à ce jour, que les importations. Les deux termes sont devenus presque synonymes chez nous. Le deuxième terme de l’équation, à savoir les exportations hors pétrole et gaz, n’ont presque jamais fait l’objet d’un grand débat, hormis en de rares occasions où ces opérateurs un peu « hors normes » venaient à se plaindre d’une certaine bureaucratie à laquelle ils font face. Oui. C’est paradoxal, mais, c’est la triste vérité. Il a rapporté des cas d’exportateurs dont le compte devise n’est pas tout à fait à leur entière disposition. Ils se sont plaints du fait qu’ils ne sont pas libres d’utiliser leur propre argent pour des fins domestiques, familiales ou personnelles avérées. C’est l’une des entraves qui ont découragé certains exportateurs potentiels. Il en existe d’autres, bien sûr. La bureaucratie élisant domicile dans les administrations n’a apparemment pas de limites. Si de tels cas ont été rapportés il y a quatre ou cinq ans pour des exportateurs de dattes, l’Algérie devrait, aujourd’hui, développer une autre politique intelligente pour neutraliser ce genre d’entraves et tous les autres facteurs de blocage. Aujourd’hui, c’est-à-dire au moment où le génie national et l’énergie de la jeunesse sont sollicités pour contribuer à diversifier aussi bien les activités économiques que les produits d’exportation, il faudrait bien que l’activité du commerce extérieur cesse de traiter exclusivement de l’importation. La facture des importations a explosé portée à des sommets historiques proches de 60 milliards de dollars. Et c’est à ce moment même que les marchés mondiaux du pétrole connaissent leur plus dangereux infléchissement, ramenant le baril autour de 50 dollars. Le gouvernement, par le canal du ministère du Commerce, a annoncé un certain nombre de mesures qui entreront en vigueur sous peu, destinées à rationaliser les importations, en fixant des nomenclatures par secteur d’activité. Le premier à manifester une adhésion totale et à la rendre publique, c’était le ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, en déclarant que les matériaux de construction fabriqués localement ne seront pas importés. Le ministère du Commerce compte agir par le procédé des licences d’importation, présentées par le ministre du secteur, Amara Benyounès, comme étant des autorisations flexibles, qui peuvent concerner temporairement un produit. Un projet de loi est sur la table de l’APN pour valider ce procédé par lequel est appelée à être amendée et complétée l’ordonnance de 2003 qui permet de recourir aux licences d’importation. Il s’agit de mieux recadrer le concept même de licence, en conformité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), organisation pour laquelle l’Algérie a déposé sa candidature depuis 1987. Inéluctablement, notre pays a besoin de révolutionner son commerce extérieur, non pas uniquement en s’employant à maîtriser sa facture d’importation, mais surtout en mettant dans la balance du commerce extérieur le plateau qui manque, celui des exportations. Pour exporter et diversifier ces recettes en devises, l’Algérie est appelée à travailler sur deux fronts: diversifier au maximum les investissements, en les orientant sur les domaines encore en friche; valoriser la production existante et lui conférer le label de l’ « exportabilité ». En effet, en matière de qualité de conditionnement et de design, les produits algériens sont souvent en-deçà des normes internationales qui permettent de mettre le produit sur les marchés extérieurs. Il s’agira également d’organiser les potentiels exportateurs, de les informer des procédures et des avantages qu’accorde la législation en matière d’opération d’exportation et de leur créer, via les consulats et les ambassades algériennes à l’étranger, des « agents marketing ». Le ministre du Commerce avait déjà mis en relief, à la fin 2014, le rôle des pouvoirs publics dans la promotion des exportations hors hydrocarbures. « C’est la responsabilité du gouvernement d’encourager et de soutenir ces opérateurs qui veulent exporter leurs produits », a-t-il souligné. La conférence nationale sur le commerce extérieur qui aura lieu, la semaine prochaine, constituera, selon le ministre en charge du secteur, une occasion pour « identifier les mesures à prendre pour améliorer l’offre exportable sur la base d’une nouvelle politique de commerce extérieur plus équilibrée et adaptée aux spécificités nationales et aux mutations économiques et financières mondiales ».

 Amar Naït Messaoud 

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