S’entretenir avec Amar Belkada, un artiste qui excelle dans les domaines théâtral, musical et poétique, est un véritable voyage au cœur de l’art en général.
Ce rebelle de 58 ans, à la chevelure touffue et à la barbe soignée est originaire du village d’Iaalalen dans la commune d’Ait Yahia Moussa relevant de la daïra de Draa El mizan, une région qui a enfanté de grands noms de la révolution Algérienne à l’image d’Ali Mellah, de Krim Belkacem, de Ouamrane et de grands artistes comme Farid Ferragui et Akli D. L’artiste que nous avons rencontré à la fête de l’olivier d’Ait Zaim, en train de dédicacer ses œuvres a bien voulu répondre à nos questions.
La Dépêche de Kabylie : Vous êtes chanteur, poète et comédien, par où va-t-on commencer?
Amar Belkada : Je choisis de commencer par la poésie si cela ne vous contrarie pas car à mon sens, la poésie est mère de tous les arts. J’ai composé mes premiers vers alors que j’étais au collège ver les années 1966, le prof expliquait son cours et écrivait sur le tableau noir et Amar s’attelait à écrire des poèmes. Je me souviens encore du poème, il portait sur les enfants orphelins. Je n’avais d’ailleurs pas tardé à perdre ma maman malheureusement. C’est ainsi que j’ai excellé dans la poésie. A présent, je compte plusieurs poèmes qui abordent tout les secteurs que ce soit social, politique et le déni identitaire. Je suis d’ailleurs sur un livre de poésie que j’ai l’intention d’éditer en 3 langues (Tamazight, Français et Arabe) Pour Tamazight et le Français le livre est fin prêt, je suis à la recherche d’un bon interprète en langue arabe. Dans ce livre, j’ai abordé tout ce qui a trait à la vie de tous les jours, la politique, les partis, les associations et la dénonciation de la corruption et je suis également revenu sur les grands événements de l’Algérie contemporaine à commencer par le printemps berbère de 80, le soulèvement de 88 et le printemps noir de 2001.
Parlons maintenant du chanteur
J’ai commencé par composer une musique à mon premier poème qui se rapportait sur les orphelins et j’ai aussi composé 5 autres chansons que j’ai enregistrées en France durant l’année 1979. Avec Said Voutlava en duo, la cassette a été bien vendue en France. Elle n’est malheureusement pas sortie chez nous. En 82, j’ai mis une autre cassette sur le marché chez Amal espoir Music. En 2006 et à compte d’auteur, j’ai produit un autre CD que j’ai moi même distribué. Les éditeurs n’ont pas voulu l’éditer car ils ont jugé que mon album pouvait nuire à leur commerce. J’ai dû donc le distribuer moi-même, ceux qui pouvaient payer l’ont fait, les autres l’ont eu gracieusement. Certains l’ont pris avec eux en France et il a été diffusé sur les ondes de BRTV.
Revenons au comédien…
Le théâtre, je l’ai appris dans la rue, il est dans mes veines. J’ai joué dans 8 films, Araw Ntmurt, Pompier, je m’en fous, Watastamirou el Hayat, Taluft, Tameghra, Usan Ntefsut, Imeslav, ger Zik Tsura et actuellement en tournage dans un film Macci Dnek. J’ai joué aussi dans 2 représentations théâtrales à savoir la tragédie de Massinissa et Amjedh Dhi Tuber (17 octobre 61). Ces deux pièces théâtrales ont été primées lors du festival national du théâtre amazigh de Batna de l’année passée.
Artiste adulé que vous êtes, arrivez-vous à vivre de votre art ?
(Après avoir fait lecture d’un poème fleuve sur la vie des artistes), je ne vis pas mais je réussis à survivre dignement sans avoir à goûter au pain sale. La plupart des artistes algériens ne font que survivre. Laissez-moi vous dire que si l’artiste avait sa place dans notre pays on pourrait amplement faire face à la mondialisation et au monde où prévaut le matériel avant tout. Aujourd’hui, les artistes, quelque soit leur talent, se contentent du minimum pourtant ils fondent comme une bougie pour éclairer, orienter et montrer le bon chemin à toute la société.
Pour prétendre à une pension de retraite, l’artiste est sommé de cotiser. Sans l’apport de l’artiste c’est l’inculture qui menace de tout ruiner.
Nous vous laissons le soin de conclure.
Mon dernier mot ira droit aux artistes, je les appelle à agir pacifiquement et intelligemment pour arracher nos droits et surtout restituer à l’artiste sa liberté. J’appelle aussi les jeunes artistes à élever le niveau de leur production car ils ont une énorme responsabilité.
Il faut respecter le public. L’ambiance c’est bien mais il faut faire attention et préserver nos valeurs. Enfin un grand merci à votre quotidien qui nous a permis de nous exprimer librement.
Entretien réalisé par Hocine T