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L’acteur magistral s’en est allé

Sid Ali Kouiret est mort dimanche. L’acteur et comédien nous a quittés alors que nous avions encore besoin de lui et de beaucoup d’autres de sa trempe, pour tenter de sortir le cinéma algérien du coma. Son jeu est juste, sa langue est limpide, virile et un tantinet située. 

Elle reflète La Casbah  et le tempérament de ses habitants. Il en est de même pour sa gestuelle et ses émotions. D’où, du reste, sa qualité d’eternel « jeune premier » et ce statut il ne l’a pas volé. C’est en fait la somme d’un vécu pas du tout ordinaire.  Il eut une enfance difficile.  Comme il aime nager, et pour aller au môle, il fallait traverser la rue de la Marine. Un beau jour, il rencontra Mustapha Kateb qui dirigeait, dans les années 1950, une troupe de théâtre amateur, au Café de Daniel, et se retrouve sans trop le vouloir à la rue Randon où Kateb répétait… Depuis, c’est la grande rencontre avec les planches et la soif des voyages. En 1951, il se retrouve à Berlin avec la troupe EI-Mesrah EI-Djazairi, puis à Paris, en 1952, entonnant Min Djibalina dans les cafés algériens. En 1954, il est à Bucarest pour le deuxième festival de la jeunesse et des étudiants pour la paix. La même année, il devient professionnel et signe avec la troupe municipale d’Alger dirigée par Mahieddine Bachtarzi. En 1955, la DST surveille le local de la rue Randon et fiche ses camarades. Il débarque à Marseille et rejoint Paris où il rencontre Mohamed Boudia, Hadj Omar, Missoum, Nourreddine Bouhired. « On faisait les cafés FLN », racontait-il.  En 1958, il fait naturellement partie de la troupe artistique que met sur pied le FLN dans le but de sensibiliser l’opinion internationale. Après l’indépendance, il est au TNA et, à partir de 1963, il entame une brillante carrière cinématographique. Son premier rôle à l’écran, il le tient dans l’adaptation pour la télé par Mustapha Badie de la pièce Les ‘’Enfants de la Casbah’’ d’Abdelhalim Raïs (1963). Toutefois, ce n’est qu’avec L’Opium et le Bâton (1970) d’Ahmed Rachedi qu’il s’impose vraiment. Puis vient Décembre (1971) de M.L.Hamina, suivi de beaucoup d’autres films algériens et étrangers parmi lesquels on retient ‘’Le Retour de l’enfant prodigue’’ (1976) de Youssef Chahine et ‘’Destins sanglants’’ (1980) de Kheiri Bichara. Il prend sa retraite – anticipée – du TNA, en 1987. Il rejouera dans ‘’Les Concierges’’ de Rouiched, en 1991, pièce réadaptée par Fouzia Aït El Hadj et décrochera un premier rôle dans le feuilleton ‘’La famille Ramdam’’ diffusé sur la chaîne française M6 en 1992. Pour illustrer son talent d’interprète, il suffit de voir son jeu, tant oral que gestuel, dans « Le retour de l’enfant prodigue » de Youcef Chahine  pour saisir que Sid Ali Kouiret est très à l’aise dans les rôles de composition qui offrent une diversité dramaturgique. Il était un artiste racé du gabarit des Rouiched, Mustapha El Anka, Mustapha Kateb… Il est parti d’avoir trop attendu Godot…  notre Théâtre et notre Cinéma. Au Revoir Sid Ali !

Sadek A.H 

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