Aït Ferrache peut toujours rêver

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Le village Aït Ferrache se situe à quelque 06 km de la commune de Bouzeguène. Ce village a été brûlé pendant la révolution et n’a bénéficié au jour d’aujourd’hui d’aucun projet de développement. En effet, et depuis 2010, ses habitants, en plus de tous les manques sont aujourd’hui menacés par une catastrophe environnementale.

Il s’agit d’un gigantesque glissement de terrain qui a provoqué la rupture du réseau d’assainissement au lieu-dit Thighulaline qui sépare Aït Ferrache du village Takoucht. Les buses brisées à plusieurs niveaux laissent se déverser les eaux usées qui viennent de plusieurs villages, inondant les terrains et le stade. Les habitant, surtout les enfants qui n’ont aucune autre aire de jeux, endurent quotidiennement le pire calvaire dans ces mares nauséabondes où pullulent toutes sortes de microbes et d’insectes. «Les enfants, on ne peut pas les empêcher d’aller jouer et ils sont face à un sérieux danger. Même les vaches, brebis et chèvres ne sont pas épargnées ! Les bergers les font passer automatiquement pas ce chemin.» s’insurge un citoyen.

«Je n’ai jamais pleuré face à une catastrophe environnementale mais celle-là m’a fait pleurer. Un danger pèse sur nos femmes qui empruntent quotidiennement ce chemin avec leurs bébés mais je pleure aussi les bêtes qui boivent de ce lac infecte qui s’est formé au stade. Je crains une pandémie pas seulement une épidémie ! nos parents ont donné leur vie pour que leurs enfants vivent dans l’oubli.» s’inquiète Kessi Yazid. «Nous faisons face à tous les maux du monde, routes dégradées, glissements de terrain partout, manque d’infrastructures sportives et culturelles, école menacée… Voilà qu’aujourd’hui, nous avons peur de nous retrouver un jour à Takoucht ou même plus loin. Cela nous empêche de fermer les yeux la nuit ! Nous avons demandé son boisement comme importante étape pour arrêter le mouvement géologique mais nos cris de détresse n’ont toujours pas trouvé d’écho. Ça nous désole de voir qu’on prend à la légère un sérieux danger qui risque de provoquer un désastre. Même nos morts ne sont pas à l’abri vu le glissement qui touche le cimetière. Les écoliers sont en danger ! un mur de soutènement doit être réalisé entre le cw 251 et la piste qui mène à l’école primaire.», déplore exacerbé Yazid Kessi. Les citoyens, par le biais de leur comité du village, ont, à maintes fois, alerté les autorités. Des correspondances, dont nous gardons des copies, à commencer par la demande de réparation et d’entretien du réseau d’assainissement faite le 05 aout 2012, ont été adressées aux autorités locales mais sont restées sans suite. Plusieurs habitations sont touchées dont celle de Mme Zahra Boukella qui dit qu’elle ne dort pas la nuit de crainte d’y être ensevelie. Néanmoins le P/ APC, contacté par nos soins, nous fait savoir que ce problème qui devait être réglé par son prédécesseur vient d’être pris en charge. Une enveloppe budgétaire lui est réservée pour en finir avec les inondations. Une nouvelle fiche technique a été faite en collaboration avec le service de l’hydraulique de Bouzeguene pour rallonger le linéaire de 750 mètres pour relier le réseau directement à celui de Thakoucht. Les citoyens soucieux de cet état souhaitent voir plutôt les travaux commencer. Selon le porte-parole du comité de village, M. Boukela Mouloud, la seule garantie est d’entamer les travaux. En attendant et pour essayer de minimiser l’impact du danger, un volontariat est prévu pour ce vendredi. «On supplie les autorités locales, à leur tête le président de l’APC, de mettre fin à ce calvaire. Il nous est très facile de fermer l’APC et la daïra mais notre civisme nous empêche de régler nos soucis au détriment de nos frères citoyens. On ne demande qu’un droit. Nos actions seront pacifiques. » dira le porte-parole du comité.

L’AEP, l’autre souci

A ce sujet, les villageois tiennent à remercier l’ADE et l’hydraulique de Bouzeguene qui ont fait de leur mieux avec le peu de moyens qu’ils ont pour éviter ce qu’on vit aujourd’hui. Ils étaient patients et responsables, néanmoins le problème est d’une telle ampleur qu’il ne peut être réglé à leur niveau. En fait, le réseau AEP est dans un état déplorable. Des citoyens ont failli mourir à cause de l’eau non potable qu’ils ont bue. Un jeune du village, Sait Lounis, témoigne que sa sœur a été hospitalisée après avoir bu de l’eau du robinet. Les services d’hygiène de Bouzeguène ayant procédé à l’analyse bactériologique le 14 10 2012 ont pu constater que l’eau n’est pas potable. Les citoyens achètent de l’eau minérale même à crédit et certains possédant des véhicules vont à la montagne pour s’en approvisionner. Sait Lounis nous a d’ailleurs montré une bouteille d’eau noirâtre. Cela fait trois ans que les citoyens du village attendent tout en interpellant la direction des ressources en eau de la wilaya pour mettre fin à cette situation. A Ait Ferrache, aucune route n’est aménagée en béton bitumineux. Les usagers des différents chemins notamment les transporteurs de voyageurs se heurtent aux désagréments que cet état cause et pour leurs véhicules et pour leurs clients.

En effet et suite aux travaux de raccordement au gaz naturel, les routes d’Aït Ferrache sont dans un état de dégradation avancée. Les autorités et la Sonelgaz ont promis la remise en état des routes juste après l’alimentation mais rien n’est encore fait. Les citoyens souhaitent leur aménagement et pour quoi pas rêver d’un revêtement en béton bitumineux comme la plupart des villages alimentés en gaz de ville. Plusieurs demandes, portant sur l’aménagement de la route menant du C W 251 au cimetière dit Ait Azouane et celle menant au cimetière du village en question, ont été transmises au président de l’APC depuis 2013. 

Routes impraticables, éclairage public inexistant…

Le village manque énormément d’éclairage, les citoyens trouvent des difficultés à se déplacer la nuit notamment durant l’hiver ou en cas de veillées funèbres. Transporter en urgence un malade sur ces chemins rocailleux, surtout quand on sait qu’aucune unité de soin n’existe au village, relève d’une prouesse.

Une demande, à cet effet, destinée au P/APC a été faite le 23 juin 2013, à ce jour aucune suite et rien n’a été fait. «J’ai peur de sortir la nuit, tout est noir. J’ai peur de croiser un chien errant dans l’obscurité alors que des fois, on est obligés de se déplacer.», dira un villageois.Toutes les procédures ont été faites pour la réalisation d’un foyer de jeunes inscrit depuis trois. Selon le P/APC, il sera fonctionnel avant l’été. Les citoyens, inquiets du sort de leurs enfants qui n’ont loisir ni un lieu de divertissement, s’indignent quant au non achèvement des travaux de réalisation d’un foyer de jeunes. Dans un courrier daté du 06 mars 2014 et adressé au président de l’APC, le comité du village a demandé de mettre aux normes cette infrastructure qui ne compte qu’une grande salle et des sanitaires. La moindre des choses, une salle pour les diverses activités que les jeunes souhaitent pratiquer telles que le sport, théâtre et d’autres ateliers. Les enseignants ne manquent pas et la volonté aussi puisqu’on compte dans ce village plusieurs artistes et personnalités à l’image de Cheikh Sidi BemoL, Kessi Tahar cinéaste et écrivain ainsi que Tahar et Mourad Boukella connus mondialement et plusieurs autres qui sont prêts à aider et à mettre en avant les capacités et dons des enfants même de loin. Ça évitera tous les fléaux sociaux à ces innocents qui méritent le soutien des villageois mais plus des autorités.

Les membres de la chorale du village que nous avons eu la chance de rencontrer sont très optimistes, motivés par leur rôle dans la sauvegarde du patrimoine immatériel de la Kabylie ; des chants de leurs ancêtres mais surtout rendre hommage à leurs martyrs tant oubliés «je fais partie de la chorale, nous chantons des chants révolutionnaires pour ne jamais oublier ceux qui ont donné leur sang et leurs vie pour que notre pays soit aujourd’hui indépendant. C’est notre manière de leur dire merci, nous sommes fiers d’eux.» dira avec fierté Boukella Sonia, membre de la chorale. L’embuscade de Thaniimt réussie après trois échecs est l’un des événements marquants de la guerre de libération. Elle s’est déroulée le 30 août 1957 accomplie par les amis de Bouda Md Saïd au lieu-dit «Thaniimt» à l’entrée du village Aït Ferrache à l’endroit qu’on appelait carrefour des généraux. Plusieurs martyrs sont tombés ce jour-là dont huit femmes et deux bébés, l’un meurt sur le dos de sa maman et l’autre meurt en prison par déshydratation. C’était le plus jeune prisonnier du monde et martyr en Algérie. Comme l’a cité Claude Jean Jack dans un extrait d’un de ses livres «Jamais, depuis le déclenchement de la révolution algérienne 54-62, la France, quatrième puissance mondiale à l’époque, n’a subi autant de pertes aussi bien humaines que matérielles dans l’embuscade qui s’est déroulée le 30 /08/1957 au lieu-dit carrefour des généraux entre Bouzeguène et Houra au village dit Aït Ferrache où il y a eu 4 morts, onze blessés et un caporal capturé.» Le colonialisme français a incendié trois jours après tout le village y compris les oliviers pour faire mal aux villageois qui allaient être évacués partout jusqu’à Ait Zikki. Malheureusement aucune plaque commémorative n’a été faite pour le souvenir et l’histoire. Une plaque en ciment, qui ne ressemble à rien, est sur le lieu.

Les 49 martyrs attendent toujours leur stèle.

« Le village compte environ 49 martyrs nés à Aït Ferrache tombés au champ d’honneur. La plupart sont morts dans la région de Tifra à Béjaïa. Nous réclamons un monument et une plaque commémorative à la hauteur des événements qui se sont déroulés au village. » réclame Boukella Mouloud. La stèle sera prise en charge dans le cadre du BS de l’APW selon Bessaha Mourad président de l’APC.

Fatima Ameziane.

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