Le fléau de la contrefaçon ou produits “Taïwan”, pour reprendre un vocable en vogue dans le jargon populaire, s’est propagé de manière effarante dans notre marché ouvert à tous les vents, à la faveur de sa libéralisation enclenchée voilà près de quinze ans.Une emprise tentaculaire qui ne semble épargner aucun secteur d’activité, dans une économie vulnérable à souhait et, par conséquent, inapte à s’immuniser contre la contagion. Dans ce jeu de dupes, le consommateur, dernier maillon de la chaîne, campe le peu enviable rôle de dindon de la farce et fait figure d’éternelle victime.Assertions et témoignages livrés par des experts, opérateurs économiques et citoyens réunis, tendent à accréditer la thèse selon laquelle l’écrasante majorité de la marchandise contrefaite est introduite frauduleusement, à partir de pays étrangers où sévissent les réseaux de faussaires dont l’irréfragable collusion avec les milieux maffieux ne fait que potentialiser le danger de cette pratique, rendant son contrôle des plus aléatoires. “99% des pièces de rechange automobile sont contrefaites. l’imitation frise la perfection. A tel point qu’il est pratiquement impossible pour le consommateur même averti de s’en rendre compte”, nous explique un mécanicien, se voulant dubitatif quant à la capacité des pouvoirs publics d’extirper de l’économie, le germe de la contrefaçon, avec des moyens aussi dérisoires et une mobilisation au ras des pâquerettes. “Les contrefacteurs imitent de préférence les produits de grande marque. Les prix pratiqués sont inférieurs à ceux des produits d’origine”, nous révèle un autre mécano établi dans une ville de la haute Soummam, qui confirme qu’il n’est pas évident, même pour un œil expert, de distinguer les produits d’origine des pièces en toc.Un revendeur des pièces de rechange nous relatera le cas des vrais-faux pneumatiques dont la contrefaçon porte sur la sculpture de la bande de roulement. L’illusion sème le doute dans l’esprit de l’acheteur qui n’arrive plus à faire le distinguo entre apparence et performance. Les pneus touchés par ce mimétisme perdent en adhérence et en durabilité et exposent utilisateurs et usagers de la route en général à un danger certain.Le plus souvent, les produits qui inondent notre marché ne portent aucune empreinte du fabricant ce qui rend d’autant plus ardue la mise en évidence de leur traçabilité.Autre exemple montant en épingle la supercherie et son caractère délétère pour la santé du citoyen : les équipements sanitaires, notamment la robinetterie. Dans ce domaine, le matériau utilisé est généralement le laiton. Les faussaires eux, se servent du Zamac, matériau prohibé à cause de sa toxicité. Un film de chrome en guise d’habillage confère du clinquant au produit fini.Emballez, c’est pesé. Le crime est presque parfait ! “Nos entreprises doivent apprendre à défendre leur outil de production en investissant dans la formation d’inspecteurs et de contrôleurs”, estime le gérant d’une SARL qui ne manque pas, par ailleurs, de mettre l’index sur le flottement juridique et une règlementation tatillonne qui cadrent mal avec les enjeux économiques de l’heure.Dans pareil environnement perclus de pesanteurs de toutes natures, les contrefacteurs auront beau jeu de donner l’estocade à l’appareil économique et, l’absence d’une tradition consummeriste aidant, à mettre en péril la sécurité du consommateur.
Nacer Maouche
