Saidani Hacène est un homme de 39 ans, originaire du village d’Aït El Hadj Ali dans la commune de Maâtkas, au sud du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou. Un homme écolo qui n’est pas resté indifférent à la dégradation de l’environnement à travers le territoire de la wilaya et notamment à Maâtkas.
Il est utile de préciser que dans cette région, les bouteilles vides, les canettes et différents objets hétéroclites agressent la vue. Les décharges sauvages foisonnent. Sachant que le verre et certains déchets ne se dégradent qu’après des milliers d’années, des mécanismes urgents doivent être pris pour éviter une pollution généralisée qui, doucement mais sûrement, finira par venir à bout de la généreuse et angélique nature de la région et de toute la wilaya. «La multiplication des ordures et surtout des bouteilles et canettes en aluminium qui enlaidissent l’environnement m’ont poussé à comprendre qu’il faut vite faire quelque chose dans le sens de préserver l’écosystème et de transformer ces déchets en matière première et par là générer des ressources économiques. C’est en quelque sorte faire d’une pierre deux coups». M. Saidani, étant un bricoleur qui aime toucher à tout, a fini par fabriquer trois machines. Une presse, un broyeur de verre et un four. «Avec mes propres moyens qui sont dérisoires, car je ne suis qu’un ouvrier journalier, j’ai acheté beaucoup de ferrailles, un poste à souder et du petit matériel pour justement monter mes machines. Toutes mes économies et celles de ma famille ont été consommées par ce projet auquel je croyais fermement», dira-t-il. Et d’ajouter : «La persévérance finit toujours par payer et c’est ainsi que j’ai pu mettre au point mes machines. Les essais que j’ai effectués sont très concluants, je me suis lancé dans différentes expériences jusqu’à l’obtention de ce que je voulais faire et fabriquer».
Du déchet à la matière première
Le génie de Maâtkas, parce que s’en est vraiment un, a commencé par le ramassage des bouteilles vides et des cannettes qu’il entasse devant son modeste local (Voir photo). «Les déchets ne manquent pas à travers Maâtkas, mais pour les ramasser, il faut un moyen de transport et de la main-d’œuvre, ce que je ne possède pas pour le moment. Donc, j’ai compté sur mes bras pour commencer en attendant des jours meilleurs». Notre recycleur commencera par presser les canettes en aluminium ; il les broie ensuite jusqu’à en faire une poudre qu’il met au four jusqu’à l’obtention d’un liquide qu’il verse dans des contenants pour en faire différentes pièces détachées chez le tourneur. Il en fabrique différentes poulies, des passes, des axes, des clous et d’autres produits encore utilisés dans l’industrie. Des outils légers, solides et sûrement performants. Pour ce qui est du verre, il introduit les bouteilles dans le broyeur pour qu’elles ressortent en forme de débris de verre, de graines de multiples dimensions et aussi de poudre selon les réglages effectués sur la machine. Avec les débris de verre, il fabrique du carrelage qui peut facilement être utilisé comme pavé pour les trottoirs et les cours. Avec les petits grains de verre, il orne les objets tels que les rosasses et les tuiles. Le grain moyen est utilisé comme mouchetée dans le revêtement et le crépissage des murs. La poudre de verre, il en fabrique des enduits et de la peinture. Il est bon de signaler que les débris et les graines de verre, une fois sortis du broyeur ne blessent pas et n’égratignent pas, nous en avons fait l’expérience.
«je débarrasserais notre wilaya de toutes les bouteilles»
M. Saidani, confiant, finira par nous déclarer : «Un jour sûrement, je finirai par mettre sur pied une fabrique de tous les produits que vous voyez. Ça fera du bien à l’environnement puisque je débarrasserais notre wilaya de toutes les bouteilles et de toutes les canettes qui jonchent les accotements et les décharges. Je peindrais avec une peinture à base de verre tous les édifices publics et militaires. Les trottoirs seront revêtus par mes pavés, les tuiles et les rosasses des foyers seront décorées et consolidées par mes graines de verre. Pour cela, il me faut des moyens, un grand hangar, des camions de collecte, des ouvriers et un budget pour mettre au point d’autres machines. J’en appelle, donc, à toutes les autorités soucieuses de nettoyer le pays, de protéger l’environnement, de créer des richesses et des postes de travail de venir d’abord constater de visu ce que je fais et ensuite m’aider à concrétiser ce projet qui débarrassera la nature des déchets non dégradables et qui sera à l’origine de la création de richesse et de postes d’emploi durable». Rappelons que notre inventeur a déjà exposé en octobre dernier à Boghni et dernièrement à Tizi-Ouzou, lors de l’ouverture de la Maison de l’environnement par le ministre de l’Intérieur et des collectivités locales, M. Belaiz. Ces œuvres ont, d’ailleurs, fait bonne impression.
Hocine T.