«Un jour, j'ai mis un ciseau à Van Der Sar»

Partager

À trente ans, l’international algérien Hameur Bouazza s’éclate chez le leader du National, le Red Star. Avant cette épopée parisienne, il a beaucoup bourlingué. Il raconte tout cela dans un entretien à France football.

Ils savent vos coéquipiers du Red Star qu’ils jouent avec un attaquant qui a inscrit un jour un but d’anthologie à Van Der Sar, alors à Manchester United? 

J’ai effectivement mis un ciseau à Van Der Sar alors que je jouais à Watford. C’était en demi-finale de la FA Cup en 2007. Mon but nous avait permis d’égaliser. Ensuite, ils ont mis la machine en route. C’était quelque chose de beau à voir (M.U. l’avait emporté par 4 à 1).

Et ce but, on vous en parle encore…

Oui, cela avait fait un buzz énorme… Avec Watford, nous étions en deuxième division. C’est, d’ailleurs, à ce moment-là que Fulham était venu me chercher.

Huit ans plus tard, vous voilà en National, au Red Star. Comment êtes-vous arrivé là ? 

Cela s’est fait simplement. J’ai directement discuté avec Patrice Haddad, le président. Il y a eu un bon contact et le projet m’a vraiment intéressé. Le challenge est de faire monter un club de National vers la Ligue 2. Je crois que c’est en bonne voie. 

Après avoir quasiment joué toute votre carrière dans l’élite, vous êtes redescendu de deux niveaux. Cela a été dur ? 

Non, non. Tout s’est déclenché quand j’ai vu le président. J’ai vu dans son regard qu’il me voulait et souhaitait voir son club progresser. Cela m’a plu et je n’avais pas ressenti une telle sensation depuis un long moment. La relation entre un joueur et son président est déterminante. 

L’histoire de ce club de banlieue et sa diversité qui ressemble à la région parisienne, ont-elles été des arguments ?

Oui, le Red Star c’est une famille. On est tous unis et on sait où on veut aller. Ici, je kiffe, on vit quelque chose d’extraordinaire. Maintenant, c’est à nous de valider ça pour faire une belle fête. 

Avec 10 buts depuis le début de saison, vous avez également retrouvé vos sensations sur le terrain. Comment l’expliquez-vous ?

Comme je l’expliquais au président l’autre jour, cela faisait très longtemps que je n’avais pas ressenti ça. Un joueur pour qu’il soit performant, il doit être dans les meilleures conditions psychologiques avec le staff et ses coéquipiers. C’est mon cas au Red Star.

Votre trajectoire est faite de nombreux épisodes singuliers. Avec l’Algérie, vous deviez par exemple jouer le Mondial 2010, mais vous ne l’avez pas fait. Pourquoi ?

J’ai été pris par une petite pubalgie avant le Mondial. J’avais auparavant vécu des choses incroyables avec ce match de barrage au Soudan contre l’Egypte. Notre bus avait été caillassé au Caire. Malheureusement, je n’ai pas été appelé alors que Mourad Meghni, blessé aussi, a été pris pour le stage d’avant Mondial. 

J’en ai voulu au sélectionneur Rabah Saâdane de ne pas m’avoir appelé pour savoir où j’en étais. C’est quelque chose qui m’a blessé. Mais je ne suis pas rancunier, j’ai oublié.

Vous auriez pu être aussi du Mondial 2014 avec les Fennecs. Mais là encore, vous n’avez pas été du voyage. Pourquoi ? Que s’est-il passé avec Vahid Halilhodzic ?

Il y a eu cette fameuse histoire de la chicha. Tous les soirs, on se retrouvait dans la même chambre pour discuter de ce qui allait ou pas au sein de la sélection. Cela nous permettait de décompresser. C’est arrivé aux oreilles de Vahid. C’est donc Ryad Boudebouz et moi qui avons payé pour cette histoire.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que ça s’est passé dans notre chambre. Les autres joueurs ont essayé d’intervenir mais le coach n’a pas cherché à comprendre. Ryad Boudebouz en paye encore aujourd’hui les frais. Avec Vahid Halilhozdic, on rigolait pourtant souvent ensemble. J’ai passé des bons moments avec lui. C’est comme ça, c’est la vie d’un footballeur. Je ne lui en veux pas non plus.

En club, votre parcours est marqué par une forte instabilité. Vous avez connu quatorze clubs, avec notamment un passage d’une semaine à Sivasspor en 2009. Que s’est-il passé en Turquie ? 

À ce moment-là j’étais jeune (NDLR : 24 ans à l’époque). Je n’étais pas encore marié je n’avais pas encore d’enfants. C’est dur de passer d’une capitale européenne comme Londres à Sivasspor. Là-bas, il n’y avait que des montagnes. C’est dur à vivre. Je ne dois pas être le seul joueur à avoir vécu ça.

Il y a eu aussi Arles-Avignon 2010-2011, dans le même genre de plan galère…

(Il coupe…) Sauf que là-bas, je m’entendais très bien avec le président Salerno. Je l’ai même encore aujourd’hui au téléphone. C’est quelqu’un qui m’a offert un contrat alors que j’étais blessé. Comme le président Haddad du Red Star, il m’a ouvert la porte. En football, c’est très rare. 

En Espagne, au Racing Santander en 2012-2013, vous auriez été pris à partie par des supporters jusqu’à chez vous. Vous confirmez ?

Ce sont tous les joueurs qui étaient dans le collimateur. Le club était en train de descendre en troisième division. Le club était aussi en faillite. On a changé quatre fois d’entraîneur dans la saison. C’était une galère. Et le pire, c’était qu’ils n’acceptaient pas que j’aille rejoindre l’équipe d’Algérie. À chaque fois que j’étais appelé ils me faisaient la guerre ! Fallait vraiment que je parte de là-bas…

Vous avez fait l’essentiel de votre carrière en Angleterre (8 saisons). Quel souvenir en gardez-vous ?

Je suis parti à seize ans à Watford, où je me suis fait ma place. C’est un football où il y a beaucoup d’intensité. Cela demande beaucoup de travail. Chaque joueur rêve désormais d’aller là-bas. Mais à un moment, j’ai vu que j’avais un peu fait le tour de l’Angleterre. C’est vrai qu’au Red Star, je retrouve cet esprit-là. Dès le premier match, je les ai vus comme des fous et des fanatiques, j’ai aimé çà.  

Qu’est ce qui vous a empêché d’aller plus haut ?

Ce sont mes blessures qui m’ont freiné. Je ne regrette rien, c’est comme ça. Mais il est certain que j’aurais pu avoir une bien meilleure carrière…

Quel est le plus grand souvenir de votre carrière ? 

C’est sans aucun doute cette victoire en quart de finales de la CAN 2010 contre la Côte d’Ivoire de Drogba (3-2 a.p.). Je rentre alors que le score est de 2-2 partout. Et là je finis le travail de la tête sur un centre de Karim Ziani… On se qualifie en demi-finale. C’est vraiment la plus grande émotion de ma carrière.

Un but qui a fait virer Vahid Halilhodzic… 

(Il coupe) Il a surtout fait vibrer le peuple algérien, et ça il ne faut pas l’oublier. Après ça, je n’ai pourtant plus été rappelé en sélection par Saâdane. Et c’est Vahid Halilhodzic qui m’a convoqué de nouveau avec l’Algérie ! 

     

Nabil Djellit

Partager