Le sens de Tafsut

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La gente masculine s’efface entièrement, ne transparaît qu’en tant tube digestif et regard charmé. Par ceci, la Kabylie a su intelligemment aujourd’hui habiller le 8 mars universel avec la fête traditionnelle du jour du printemps.Tafsut signifie éclosion. C’est le début du Printemps berbère. Il est fêté dans beaucoup de régions de notre pays et un peu partout ailleurs sous différents noms, dans le nord africain. C’est une fête charmante et d’un romantisme exquis qui intégrera fièrement le gotha des fêtes universelles car elle respire bien l’air de notre époque jouant sur les registres, le commerce, l’amour et la joie de vivre.Avec le temps, la tradition s’est dépouillée du caractère purement agraire ; c’est un jour où on mange bien, on drague beaucoup et on danse à se fatiguer pour les plus grands. Ce sont aussi des beaux habits, des jeux et des confiseries en abondance pour les plus petits.A Taourirt, le repas qu’on prépare s’appelle “amakful”, il est composé d’un couscous sans sauce garni avec des fèves et des œufs durs cuits. Il est servi assaisonné d’huile d’olive de la nouvelle saison. Une plante nommée “adhriess”, qu’on cueille du côté de l’oued Sahel, donne un goût délicieux aux œufs et aux fèves. Le repas s’accompagne d’un lait caillé “ighi” et le dessert constitué de fruits de saisons. Ce repas pris dans un endroit ensoleillé de la maison donne de la bonne humeur et des forces pour toute la journée.L’après-midi, les femmes, surtout les plus jeunes, parées de leur plus beaux atours, sortent à travers champs et se regroupent au mausolée du saint local, là, un ourar (fête) est improvisé. Dansant et chantant en tapant sur un tambour, les femmes s’adonnent à cœur à la fête dans laquelle le printemps prend la place da la mariée.Signe des temps présents, d’une évolution positive. Au loin, sur une colline, caché des yeux jaloux par l’épaisseur des bois, un couple de jeunes amoureux enlacés regardent au loin la verte vallée où coule une eau qui scintille tel un saphir au gré des nuages qui jouent à cache-cache avec le soleil.Les jeunes filles, jadis, se faisaient belles pour attirer le regard des vieilles à la recherche d’une bru, sont aujourd’hui en contact plus ou moins direct avec l’éventuel futur époux : les jeunes choisissent maintenant leurs femmes eux-mêmes. Cette fête prend de plus en plus un sens secret pour les femmes et sucré pour les hommes : c’est un jour qui renseigne bien sûr l’avance des femmes pour la conquête de leurs droits légitimes. Pour les commerçants, c’est une autre période d’activité après le passage des fêtes religieuses car les parents achètent à leurs enfants toutes sortes de confiserie qu’ils prendront avec eux pendant le jour et que toute la famille dégustera la nuit venue.Ce regain d’activité revigore les commerçants qui remplissent leurs échoppes de toutes sortes de bonbons et chocolateries leur permettant de se sucrer après les périodes de vaches maigres des célèbres et tristes évènements qui ont été dépassés grâce à la vigilance des hommes de bonne volonté redonnant à toute une région sa joie de vivre.Ainsi, se termine la fête. Avec les derniers rayons de soleil, on se met en marche, content d’avoir arraché une journée de joie à la morosité ambiante : le modeste, le bon peuple sait joindre l’ancien à l’agréable forgeant ainsi sereinement son identité universelle.

Arab Youcef

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