L’accès durable aux ressources en eau est une préoccupation majeure qui concerne l’ensemble du pays en général, et des villages en particulier.
La petite bourgade de Mezouara, nichée au flanc de l’Akfadou à 900 mètres d’altitude, a su, depuis belle lurette, gérer ses réserves en eau, et ce, en organisant une répartition judicieuse et rationnelle de celles-ci. Taghouzi n’targa (curage du ruisseau) est une pratique ancestrale que gardent jalousement les habitants dudit hameau, composé de 350 âmes. Ce rite, de facto un apanage du village Mezouara, se perpétue depuis des générations, où les villageois optent pour le nettoyage des principaux ruisseaux qui alimentent leur patelin à la première quinzaine du mois de juin de chaque année. Dans la matinée de ce vendredi 5 juin, l’ensemble des habitants de Mezouara s’est rassemblé devant la principale placette du village, armé de pelles, pioches, sécateurs, faucilles,… Les membres du comité du village ont minutieusement réparti les tâches aux habitants afin que l’opération de nettoyage des ruisseaux se fasse dans une organisation remarquable et efficace. Chose que les habitants ont de tout temps respectée, eux qui tiennent jalousement à pérenniser ce legs des anciens, où la gestion de l’eau constitue une forme de solidarité et d’entraide entre les villageois. La culture des jardins potagers fait partie du quotidien des habitants de Mezouara, et nul ne peut dénier la main verte desdits habitants, attachés à leurs terres comme à la prunelle de leurs yeux. Une fois le curage des cours d’eau terminé l’ensemble des habitants, principalement les hommes, se sont réunis au lieu-dit Ahammam Uguelmim, un champ surplombant le village, où le bruit de l’eau qui s’écoule généreusement adoucit les ouilles. Quant à la gent féminine, celle-ci se réunit dans un lieu non loin de celui des hommes, où les youyous retentissent au milieu des chants traditionnels (achwik). Sous l’ombrage des aulnes glutineux (asghersif), les villageois et les hôtes de Mezouara (chef de la daïra de Chemini et l’édile communal d’Akfadou) se sont délectés du lait caillé de vache et de chèvre, que les habitants ont généreusement offert à cette occasion. Accompagnés de figues sèches et de dattes, les invités ont eu droit à un repas copieux, en sus, les dizaines de galettes qu’ont préparées les femmes du village ne sont pas en reste. «C’est une tradition que nous avons héritée de nos aïeux. Le curage des ruisseaux se veut de maintenir l’écoulement paisible des eaux sans discontinuité ainsi, chaque lopin de terre cultivé aura la quantité d’eau qu’il lui faut», dira le président du comité de village. Cependant, l’opération que chapeaute le comité de village ne se limitait guère au simple nettoyage desdits cours d’eau, mais un travail digne de grands gestionnaires attend les chargés de la répartition des quantités irriguées pour chaque jardin potager. Quinze groupes composés de cinq personnes chacun devront se relier à tour de rôle pour irriguer les potagers avec la quantité d’eau qui leur sont impartis. La gestion de ce précieux liquide ressemble étrangement au principe des foggaras dans le Sud algérien, car une meilleure répartition de l’eau garantirait une alimentation continue et équitable à la fois. Puisée dans la montagne de l’Akfadou, plus exactement au lieu-dit Tibhirine Blaâla et Tadhut n yerzi, cette source d’eau s’écoule sans discontinu durant toute l’année, garantissant ainsi au village un approvisionnement continu. Au demeurant, les femmes du village ne sont pas soumises à la corvée des jerricans, et ne sont nullement des épouses de l’eau comme c’est le cas dans certains villages hindous. De même, le pèlerinage de l’eau n’existe pas à Mezoura, car l’eau ruisselle en longueur d’année dans les robinets. L’histoire du village est aussi liée à la guerre de libération, où pas moins de 40 martyrs sont tombés au champ d’honneur. Le poste de commandement (PC 3) du colonel Amirouche se trouve au cœur du village de Mezouara, ainsi qu’une infirmerie et un atelier de réparation de l’armement. Ces sites historiques témoignent de l’engagement indéfectible de tout un village à une cause juste que seules la bravoure et la témérité en découlent. Dda Rachid, un septuagénaire dudit village, raconte élogieusement le dévouement de ses confrères à la guerre de libération, et rien que d’évoquer le nom d’un moudjahid dénommé Hamadou Md Arezki, enfant du village Mezouara, la vaillance et la bravoure sont hissées au firmament de l’héroïsme. Dda Md Arezki est un moudjahid digne du nom, car son courage n’a pas de limites. «Il s’est auto-suturé et ce, en ôtant deux balles enfoncées dans son corps. Étant un grand gaillard, Dda Md Arezki sait se rendre serviable en aidant ses camarades du maquis à surmonter les écueils», raconte notre interlocuteur. Les habitants du village ont saisi l’occasion de la présence du premier magistrat de la daïra pour demander l’urgence d’installer un musée du moudjahid dans la région et restaurer le PC 3 afin qu’il devienne un lieu de pèlerinage.
Bachir Djaider

