Il y a dix ans, disparaissait le chantre de la musique targuie Othmane Bali

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Il a été le premier ambassadeur de la culture targuie dans toute sa splendeur, diffusant la musique traditionnelle de Djanet, sublimées par sa virtuosité au luth, à travers les scènes du monde: Othmane Bali, disparu tragiquement il y a dix ans, aura laissé un héritage inestimable, aujourd’hui perpétué par sa famille et ses élèves. Au delà du musicien atypique attisant la curiosité des mélomanes, Othmane Bali, Mebarek Athmani de son vrai nom, aura été porte-voix à la fois de la musique, de la poésie touareg, et de la langue Tamasheq qu’il a diffusées dans les grandes villes d’Europe, d’Asie d’Afrique et d’Amérique avant d’être emporté par la crue d’un oued dans sa ville natale de Djanet le 17 juin 2005. Né en 1953, cet infirmier de formation s’était consacré à la promotion de la musique traditionnelle de la région et de la poésie du Tindi transmise oralement par sa mère, Khadidja, poétesse et parolière de son fils. Avec un premier album en 1986, enregistrement composé essentiellement de poésie féminine et élaboré avec une troupe de femmes, « l’élève de sa mère » comme il aimait être qualifié avait aussi bousculé les us et codes de cette musique traditionnelle. Plusieurs grands succès, qui feront la renommée de l’interprète, suivront ce premier opus, comme « Assarouf » (pardon), « Assouf » (nostalgie), « Assikel » (voyage) ou un live enregistré à Caracas (Venezuela) en compagnie du bassiste et percussionniste américain Steeve Shehan. En plus d’avoir joué sur les scènes du monde entier, Othmane Bali a également fait preuve d’une grande ouverture sur les musiques du monde pour actualiser et enrichir la musique traditionnelle comme lors de sa collaboration avec le groupe de jazz italien Vincenti. Avec sa troupe composée des femmes de sa famille et de ses élèves comme Miloud Choughli, le virtuose du luth a animé des concerts agrémenté parfois de spectacles de danse donnant ainsi « une seconde vie et une autre dimension à la culture des touareg du Tassili », comme en témoignait sa mère, décédée en 2014. Après sa disparition soudaine et le grand vide qu’il aura laissé sur la scène culturelle algérienne, son fils, ses amis musiciens et ses élèves s’efforcent non sans peine de perpétuer le style du maître, en revisitant ses compositions. Jouant du luth avec la troupe traditionnelle du défunt, Nabil Bali Othmani a confié que son père avait laissé pas moins de 250 poèmes et compositions et qu’il comptait les exploiter dans ses prochains albums. Dans la ville de Bali, deux noms –qui marchent sur les traces de leur mentor– se démarquent aujourd’hui sur la scène musicale algérienne et étrangère: Abdallah Mesbahi continuateur de l’œuvre de son ami et Miloud Choughli, membre de la troupe du défunt qui continue un travail de recherche musicale pour dynamiser et enrichir les musiques et poésies ancestrales du Tassili. Au delà du cercle des musiciens du Tassili, le style de l’interprète de « Damâa » et de « Kel Akaline » a réussi à conquérir de nouveaux adeptes dans d’autres régions du Grand sud algérien et intéressé de jeunes musiciens au luth. La troupe « Tinissa » de Tamanrasset, menée par le luthiste Rezkaoui, témoigne de l’influence d’Othmane Bali sur les jeunes groupes qui ont revisité la poésie de la musique targuie en y introduisant d’autres instruments traditionnels de leur région, ce qui était le vœu le plus cher d’Othmane Bali. Le défunt, rappellent ses proches, avait toujours encouragé les musiciens à trouver leur propre voie dans la musique, et à enrichir l’héritage traditionnel targui, sans jamais toucher à son âme ou renoncer à son authenticité.

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