Les jeux de toutes les controverses

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Le Ramadhan est synonyme, pas seulement de bombance et de dilettante, mais il est aussi le mois où, pour certains, l’on joue beaucoup, jusqu’à des heures indues. Cartes, dominos et le loto. C’est incontestablement le péché mignon des kabyles. Un Ramadhan sans loto est tout simplement inimaginable. Dès la rupture du jeûne, c’est la ruée vers les cafés pour réserver sa table pour une partie de belote, de rami ou de dominos.

Ce sont en général des parties qui durent parfois jusqu’au «shor». On joue les tournées de café de thé ou de limonade et quelquefois c’est le kalb el-louz ou la zlabia rien de bien méchant, en somme. Vous ne risquez pas gros au cas où vous perdez une ou plusieurs parties. Au loto aussi ce sont des lots de zlabia ou autre confiserie qu’on offrait au gagnant. Autre temps, autre mœurs. Aujourd’hui, hélas, il n’en est plus le cas. On joue au loto pour de l’argent et souvent beaucoup d’argent. La mise dépasse parfois les 1 000 DA !

Quoi de plus innocent qu’une partie de «ronda» ou de belote ?

Aussitôt le jeûne rompu qu’on se précipite vers les cafés pour réserver, entre copains, une table. Ce qui, au demeurant, n’est pas une mince affaire, vu l’engouement pour les jeux qui habitent les kabyles dès l’avènement du mois sacré. Une fois installé on demande au serveur le jeu choisi, du papier pour inscrire les scores de chacun et des consommations qui seront inscrites à la charge du ou des perdants. On s’y adonne à la belote, à la «ronda», au rami ou aux dominos. Le jeu donne l’occasion à des joutes inénarrables. Les observateurs, et il y en a, faute de trouver des partenaires ou pour d’autres raisons, ont droit à un cours exceptionnel et de façon tonitruante sur les règles du jeu. Ce qui amuse les consommateurs, surtout lorsque la partie se joue entre vieux et jeunes. On assiste souvent à des prises de bec fougueuses entre partenaires. Mais sans toutefois atteindre l’irréparable. Ça fait partie de l’ambiance du jeu. Une partie de dominos ou de ronda sans vociférations est plate, sans relief et tout simplement inimaginable. Il n’existe pas un café maure sans jeux de société à l’échelle de tout le territoire national, à plus forte raison en Kabylie. Cependant, le phénomène le plus inquiétant est à n’en pas douter le loto lorsqu’il dépasse les lots insignifiants et atteint des mises carrément inouïes.

Jeux du hasard clandestins

Ce sont des établissements installés dans des lieux peu fréquentés, discrets qui offrent ces jeux à une clientèle habituée et généralement nantie. Ils proposent à leurs clients café thé et limonades en plus des sucreries connues du mois de Ramadhan pour cacher les apparences en cas d’imprévus et concomitamment le loto avec des enjeux hors du commun. Quelquefois, on atteint des sommes astronomiques qui dépassent allégrement le million de DA. Là l’ambiance est plutôt tendue, tout le monde est sur le qui-vive, les oreilles grandes ouvertes de crainte de rater un numéro. Certains joueurs prennent plusieurs cartons pour multiplier leurs chances de toucher le pactole. Souvent des descentes de police ou de gendarmerie sont signalées. Ces derniers découvrent le pot aux roses et embarquent tout le monde, mais le reste du temps, ce genre d’activité est florissant pour ses promoteurs. Toutefois, il y a des lieux, surtout en haute montagne, où l’on joue pour 1 kilo de zlabia et où la mise dépasse rarement les 5 DA, là c’est comme jouer aux cartes ou aux dominos. On joue pour jouer, sans plus. À chacun son loisir et sa façon de veiller. Les uns pour passer le temps et les autres pour mettre du beurre sur les épinards.

Sadek A. H.

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