Djamel Amazigh subjugue le public

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La soirée d’avant-hier soir, animée devant la maison de la culture par Djamel Amazigh a failli tourner court. L’incident était pourtant mineur.

Mais, étant donné l’heure tardive (lorsque le chanteur est monté sur scène, il était minuit passé), le chef d’orchestre, en voyant Djamel Amazigh accorder son instrument (une espèce de luth), a ordonné à ses musiciens de reprendre son matériel et quitter le plateau. «Il aura sa claque», a-t-il lancé en colère. L’intervention du directeur de la culture n’y a rien fait, tandis que, imperturbable, l’artiste, debout, un pied sur une chaise, à la Ferragui, continuait à accorder son luth. Il était décidé à jouer sans orchestre. Finalement, deux jeunes instrumentistes se sont portés volontaires et l’orchestre, privé du percussionniste et du batteur, a pu jouer. Le chanteur a parlé longuement de son répertoire, un mélange de chansons anciennes et modernes, de l’hommage à Matoub, de l’Algérie debout et unie qui va de Tizi-Ouzou à Tamanrasset, alors que le public qui buvait ses paroles criait Imazighen, Imazighen, les deux doigts levés, symbolisant la victoire. «Je suis un chanteur engagé», nous avait-il confié un instant plus tôt. «Je suis attaché à la cause amazighe. Voilà pourquoi j’ai choisi ce nom d’artiste». Mais le tout frais citoyen parisien (cela fait quand même sept ans qu’il habite Paris), avait plus d’une corde à son luth, et il l’a encore prouvé ce soir en chantant son hommage à Matoub, une chanson écrite deux jours avant l’assassinat de l’idole de la Kabylie. Dans cette chanson aux accents tristes et poignants, nous avons cru reconnaitre la voix de Matoub lui-même, grave et bien timbrée, mais volontairement rauque. Un tour de force phénoménal, une réussite artistique qui en disait long sur les dons exceptionnels de cet artiste qui, pendant dix-sept ans, était resté volontairement absent de la scène, écrivant et composant pour un jeune chanteur Toufik Nath El Hadj. «J’ai commencé à chanter à un âge très précoce, avant l’école», confiait-il dans un entretien. Il n’a enregistré que trois albums ! Mais il y a chez l’artiste comme une volonté de rattraper le temps perdu, et il nous a annoncé avant-hier la sortie simultanée de deux nouveaux albums avant la fin de 2015. «Je chante pour vous», lançait-il du haut de la scène, avant d’attaquer sa deuxième chanson qui a mis les jeunes en grande effervescence. «Mes chansons sont très sentimentales. Mais elles chantent aussi des thèmes à caractère social et autres», nous confessait notre artiste que ses tournées mènent inlassablement, depuis qu’il est en France, de Paris à Lille, en passant par Rouen et Nancy, du Havre à Mulouse et de Lyon à Marseille. Tout aussi à l’aise devant le public de Bouira, cet ami des grandes figures de la chanson kabyle à l’instar de Menguellet, Yahyatène, Ferragui et de bien d’autres avec lesquels il a chanté Amazigh a encore interprété ‘’Nanwa Davrid Yzwwissene’’, un autre tube de son répertoire. Mais au lieu de chanter, il a préféré déclamer. Ces paroles enflammées sont dédiées à toutes les mamans qui élèvent leurs enfants et abondent en conseils éducatifs. Le reste de la soirée se poursuivra avec des chansons de la même veine, qu’il s’agisse de la musique, des paroles ou des thèmes. En virtuose confirmé Djamel Amazigh a non seulement trouvé les ressources nécessaires pour sauver une soirée «sabotée», mais assez de talent pour ravir un public au goût raffiné en matière de musique. Modeste dans le succès, il parle de ses trois albums sortis chez CADIC, entre 93, 95 et 2009 comme s’ils appartenaient à un autre. Son passage à Bouira laissera des traces dans la mémoire du public bouiri.

Aziz Bey

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