Les excès du Ramadhan

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Durant le mois de Ramadhan, il est vrai que la plupart des gens, sans doute gagnés par la faim, achètent tout ce qu’ils trouvent sur leur passage pour ensuite, en fin de nuit, tout jeter à la poubelle et recommencer le jour suivant. Durant le Ramadhan, explique Dda Boualem, un sexagénaire, la faim et le fait de se priver de tout mettent tous les sens en alerte. Tout ce que l’on voit, même si d’habitude il n’inspire aucune appétence, durant le Ramadhan, avec la faim qui tenaille les entrailles, nous attire, donc sans regarder à la dépense, on l’achète et on le réserve pour le soir comme pour une sorte de mise en attente du moment de vengeance, comme si le kelb-louz, la zalabia ou les autres friandises exposées sur les étals ont commis un mal impardonnable. Je connais quelqu’un, continue Dda Boualem, qui achète chaque jour une dizaine de forme de pain : deux ou trois baguettes ordinaires pour les gosses, un pain-gâteau pour le café au lait, une fougasse pour la chorba, une galette levée pour les piments et plein d’autres pains en forme d’escargot, de ficelle, de cercle uni saupoudré de grain de nigelle ou de sésame, du pain de semoule, du pain d’orge ou de seigle, comme si les «baguettes ordinaires» qu’il avait achetées pour les gosses n’étaient pas de nature à assouvir sa faim. Quelques jeûneurs restent indifférents aux formes de pain mais sont obnubilés par les desserts. Avant la rupture du jeûne, il faut qu’ils voient tous les fruits sur la table, sinon ils sont mal à l’aise et chercheront des noises aux autres membres de la famille. Alors, ils n’arrêtent pas de faire les marchés des fruits et légumes pour acheter la meilleure pastèque, le meilleur melon, les meilleures nectarines, les meilleures prunes ou les meilleurs abricots. Parfois, quand ils n’arrivent pas à trouver la forme du fruit qu’ils ont dans leur imagination, ils prennent leur voiture et filent sur la RN 26 vers Akbou ou sur la RN 9 vers Souk-El-Tenine, avec l’espoir de trouver l’objet recherché auprès des marchands de fruits installés le long des routes. D’autres personnes, durant le mois de Ramadhan, sont littéralement obsédées par les viandes, croyant sans doute que c’est l’aliment essentiel pour un bon «ftour». Cela est quelque part vrai, selon notre interlocuteur, mais pas au point d’accumuler chaque jour la viande de veau, d’agneau, de poulet en plus des merguez et de la viande hachée. Mais ce qui est désolant, c’est que tous ces aliments achetés à coup de milliers de dinars finissent le plus souvent dans la poubelle. La meilleure façon de faire des achats, conseille Dda Boualem, est de faire son marché le matin vers dix heures, c’est-à-dire au moment où les sens ne sont pas encore en alerte.

B. Mouhoub

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