Les frères ennemis

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(1re partie)

Amachou rebbi ats iselhou ats ighzif anechth ousarou. (Que je vous conte une histoire. Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).Dans une même famille, il y a des bons et des mauvais, c’est l’histoire de ces deux catégories que nous allons vous raconter à travers ce conte du terroir.Jadis, il y avait un orphelin que le sort n’a pas gâté. Ayant perdu ses parents très tôt, il est ballotté entre les membres de sa famille qui l’ont adopté à contre-cœur. Il est brimé, insulté, méprisé et soumis à une vie d’enfer. Il est de toutes les corvées. Rien ne lui est épargné. Il est aux champs du lever au coucher du soleil. C’est à l’âge de 12 ans qu’il s’affranchit du joug familial.Il prend son courage à deux mains et quitte ses parents adoptifs vers de nouveaux horizons. Il aide les gens dans les travaux des champs ou autres. L’argent qu’on lui remet si infime soit-il est thésaurisé. En atteignant l’âge de 20 ans, grâce à ses économies forcées, il se construit une maison en dur, se marie et s’achète des parcelles de terre. Quelques années plus tard, il est père de trois garçons. Du matin au soir, il trime dans les champs en compagnie de son épouse. Les enfants grandissent. Ils sont maintenant adultes. Ils veut les marier mais avant de réaliser ce généreux projet, sa femme meurt. Et, comme un malheur n’arrive jamais seul, il contracte une étrange maladie qui le décharne de jour en jour.Voyant la fin de leur père avancer à grands pas, ses deux fils aînés, animés d’un égoïsme exacerbé, se concertent avec le cadet afin de partager les biens de leur père encore vivant.Le cadet n’est pas content de l’initiative de ses deux frères. Pour éviter une querelle, qui pourrait lui être fatale, il leur cède tout. A ses yeux aucun bien ne vaut son père.Tant qu’il est en vie il s’en occupera, advienne que pourra !C’est ainsi qu’un matin, il quitte la maison où il est né et les terres qu’il a travaillées vers des horizons incertains. Mais vaut mieux cela, qu’une animosité déclarée. On sait comment elle commence mais jamais comme elle finit. Le cadet n’a qu’un seul souci en tête, comment guérir son père.Il le transporte sur son dos (itsbibith) et va de hameau en hameau (si thadrath ar thardarth) demandant la charité aux gens. Il demande aussi, s’il y a un remède efficace contre la maladie de son père. Un jour, quelqu’un lui apprend que seul « amghar azemni » (le vieux sage) est capable de guérir son père. Il s’y rend. « Amghar azemni » lui conseille des herbes médicinales à broyer et à faire avaler au malade. Miracle ! Au bout de quelques jours, le vieil homme malade se met à s’alimenter normalement, puis à reprendre des forces et des rougeurs. Complètement guéri, le père qui ignorait tout de ce qui a été décidé derrière son dos, veut retourner chez lui pour reprendre en main ses biens. Pour éviter des problèmes, le cadet lui dit que cela ne sert à rien d’y retourner. Il va s’occuper de lui jusqu’à la fin de sa vie. S’ils sont dans cette contrée, c’est leur destin qui l’a voulu. Et on n’y peut rien contre le destin. En vérité, le cadet ne voulait pas que son père rentre en conflit avec ses frères et soit chagriné par leur comportement égoïste. Les pérégrinations du fils et du père les amènent dans une ville à forte densité humaine. C’était la capitale du pays. De ses mains, le cadet se construit une modeste habitation. Il laisse son père d’un âge avancé maintenant à la maison, et va gagner sa vie en travaillant. Les premiers temps, il fait tous les travaux qu’on lui demande de faire. Pourvu qu’à la fin de la journée il puisse ramener de quoi manger à son père. Petit à petit, un négociant le remarque et le prend à son service. Bientôt il gagne bien sa vie et se permet même de faire la charité aux mendiants qui viennent le solliciter. Son patron est intrigué, il le surveille pour voir s’il ne donne pas l’aumône de ce qui lui appartient. Il se rend compte que l’homme qu’il a pris à son service est d’une grande honnêteté. Il le prend plusieurs fois en aparté pour lui dire que c’est ainsi qu’agissent les niais, et que s’il veut appartenir à cette catégorie il n’a qu’à continuer. Le cadet le remercie pour son conseil avisé mais continue à partager ce qu’il gagne avec les nécessiteux. Le soir, il rentre chez lui et donne à manger à son père de la viande tendre, hachée en menus morceaux, pour qu’il puisse l’avaler sans mâcher, car il était devenu édenté. Les années passent. Le père devenu très vieux, dit à son fils une nuit :- La mort va bientôt me happer, mais avant que ce moment n’arrive, je voudrai que tu te maries et que je puisse prendre dans mes bras mes petits-enfants !- C’est Dieu qui décide de ça ! Le jour où il le décidera, le mariage se fera !Le fils voudrait bien faire plaisir à son père mais, pour le moment, il ne peut pas.

Benrejdal Lounes (A suivre)

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