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«Mon public est varié»

Esquisser un nouveau portrait de l’idole du public kabyle, alors qu’il en existe déjà tant de lui, la tentation est forte. Il y a d’abord comme un défi. Et chacun sait combien les défis exaltent. Et puis, il y a cette évidence : un portrait aussi ressemblant soit-il n’est jamais complet. Un crayon moins malhabile trouve toujours le moyen d’ajouter un trait nouveau sans abîmer l’ensemble. La galerie n’en serait que plus riche. Le principe du portrait admis, nous voilà, ce soir devant notre fameux sujet. Gauche ? Penaud ? C’est mal connaître Rabah Asma qui dégèlerait un iceberg. Sa faculté communicative, son verbe chaud et coloré, sa gentillesse native mettraient à l’aise le plus timide et le moins entreprenant des portraitistes. Et ces qualités remarquables jouent à fond dans le salon d’honneur, alors que la vedette de la chanson kabyle attendait son tour pour monter sur scène. Seulement, au lieu de foncer sur notre sujet tête baissée, il nous a semblé que le travail ne prendrait que plus de relief si nous l’approchions par le bien de l’entretien. Ce serait, par le biais des questions-réponses, comme si le grand artiste faisait lui-même son propre portrait.

La Dépêche de Kabylie : Qu’allez-vous chanter ce soir ?

Rabah Asma : Des chansons empruntées à mon nouveau répertoire, mais d’autres encore appartenant à l’ancien. Ce soir, par exemple, pour changer, je chanterai une chanson contenue dans mon dernier album, sorti le 8 mars. C’est «Asvad El Keim» (Mets-toi debout et ne baisse pas les yeux, c’est grâce à toi que l’Algérie est debout). Je rends ainsi hommage à la femme pour son courage. Mais je chante aussi «Hamlagh Kem» (Je t’aime), une chanson qui parle de mon amour pour la femme en tant qu’épouse, mère et sœur et puis, enfin, en tant que l’égale de l’homme. Il ne faut pas avoir honte d’exprimer ses sentiments. Et l’amour est le plus beau, car il élève et anoblit tout ce qu’il approche. Mais la femme n’est pas qu’objet d’amour. Elle est aussi objet de respect et d’admiration. N’est-elle pas le pilier de la société ? Et n’a-t-elle pas été de tous les combats qui ont jalonné notre Histoire ?

Cet hommage pour la femme, vous l’avez donc chanté le 8 mars ?

Absolument. Je l’ai chanté ce soir-là à la salle Atlas qui était archicomble. Mais dans mon album qui renferme 12 titres, j’aborde d’autres sujets qui traitent de l’amour, des problèmes sociaux. J’ai, comme tous les chanteurs, un public. Et c’est pour ce public que j’écris et je chante. Comme il est un peu partout, pour le toucher, cela m’oblige à de continuels déplacements.

À l’étranger aussi, sans doute ?

À l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Le 4 juillet passé j’étais à Tizi-Ouzou. À l’occasion du 53ème anniversaire de l’indépendance, j’ai chanté Amdjahed, (Le Moudjahid), un autre tube de mon nouvel album, qui est un hommage aux martyrs. Entre février et mars derniers, j’ai fait une tournée qui m’a porté de Montréal, où vous savez qu’existe une forte communauté algérienne, (cent mille au Canada, selon l’artiste), à Philadelphie et Sans Francisco où la communauté est tout aussi forte. Le 25 avril, je me suis produit à Lyon, à la Bourse qui est une grande salle de spectacle et le 14 juin j’étais à Paris, à l’Alhambra. Vous savez que les algériens aiment faire la fête.

Vous ne chantez donc que pour le public kabyle ?

Et ceux qui chantent en arabe, chantent-ils que pour les arabes ? Les gens ne viennent pas aux spectacles avec des aprioris. Mon public est varié. Il cherche à passer un bon moment comme seule la musique lui en procure. C’est tout. La chanson a une vocation, celle de servir de trait d’union entre les continents et les peuples. Elle fait tomber les barrières. Elle est, à cet égard, un moment d’écoute et de partage convivial.

Vous arrive-t-il de chanter en arabe ou en français ?

Oui. Je chante le chaâbi et du Brel, quelque fois, mais quand je suis seul à la maison, pour mon propre plaisir. Je suis très sensible à la musique des autres. La sensibilité est à la base de toute formation artistique, de toute forme de créativité.

Quel jugement portez-vous sur l’éducation ?

L’éducation est un outil pédagogique formidable. C’est la pierre angulaire de tout l’édifice social. C’est avec cet outil que l’on construit l’avenir d’un pays, que l’on forme l’homme de demain. Je fais confiance à l’Algérie. Elle a beaucoup de ressources. Et puis, cinquante ans d’indépendance, c’est encore tout neuf. Je lui fais confiance. La confiance est un atout considérable. C’est pourquoi une de mes chansons est intitulée «Amen-iyi», (Fais-moi confiance).

À quel moment de la journée ou de la nuit, l’inspiration vous saisit-elle et à quand remonte votre premier succès ?

Je n’ai pas de moments privilégiés. L’inspiration peut me tomber dessus partout et à n’importe quelle heure. Dans la rue, à table, en voiture, en avion, au lit… En cela, je reste un artiste romantique, un artiste naïf. C’est peut-être cela qui fait le succès de mes chansons. Pour mon premier succès, celui-ci date de 85 avec la parution de mon 3ème album.

Quelle qualité quelle vertu aimeriez-vous avoir pour compagne, que vous emporterez en tout temps, en tout lieu avec vos bagages ?

La modestie !

Aziz Bey

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