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… À Aïn El Hammam aussi

Les habitants de Taourirt Menguellet, un village de la commune de Aïn El Hammam, ont encore une fois satisfait au rituel consistant à immoler des bœufs le vingt-septième jour du Ramadhan. «On fait couler du sang pour écarter le mauvais sort», disent les anciens. La collecte de fonds a débuté depuis une dizaine de jours pour atteindre la somme nécessaire à l’achat de taureaux. Chacun donne suivant ses moyens. L’essentiel est de marquer son appartenance au village qu’on y habite ou qu’on soit résident d’une grande ville.

La coutume veut que Thimechret se déroule, comme toujours, sur la terrasse de Thajmaâth, en présence de tous les hommes valides. L’abattage des bœufs, du ressort de bouchers dépêchés spécialement pour la circonstance, est le moment que personne ne consent à rater sous aucun prétexte. Les femmes, comme de coutume, n’y sont pas conviées. Chaque bête que des volontaires retiennent avec des cordes est acheminée jusqu’à l’abattoir de fortune, aménagé pour la circonstance et dont les alentours grouillent de monde. Dans ce public, un peu particulier, on distingue beaucoup d’enfants, seuls ou accompagnés de leur parents, venus eux aussi assister à cette fête. Tous se bousculent pour ne rien rater du sacrifice. Ce n’est qu’une fois que le bœuf a rendu l’âme que l’assistance se retire momentanément, avant de revenir assister à la mise à mort de la suivante. Le danger de voir un animal en furie se détacher de ses liens est quasi permanent.

Le sang qui gicle est accompagné des cris du vainqueur lancés par les enfants et même par des adultes qui s’égosillent jusqu’à perdre le souffle. Le rituel est ainsi, immuable, depuis les temps immémoriaux. Un groupe de villageois se charge alors de déplacer la carcasse vers un local où elle sera dépecée et suspendue pour sécher, en attendant la découpe qui aura lieu quelques heures plus tard, au milieu de la nuit. C’est le moment du partage de la viande en quartiers (Thikhamin) que l’on distribuera à toutes les familles, le lendemain de bonne heure. Chaque habitant bénéficiera de la même quantité de viande, quelle que soit la valeur de sa contribution financière à Thimechret. Les enfants de Taourirt se rassemblent en ce jour de fête. Dans la foule se dégagent certaines nouvelles «têtes», venues d’ailleurs, inconnues auparavant dans la cité.

On a vite fait de reconnaître leurs parents, absents depuis longtemps et qui reviennent se ressourcer. On s’interpelle, on se congratule, on s’embrasse alors que des conversations s’enclenchent sur les avantages de cet événement qui permet les retrouvailles. Les nostalgiques regrettent surtout la disparition de certaines coutumes. Fiers d’appartenir à cette communauté «ces émigrés temporaires» promettent de revenir l’an prochain et peut-être plus souvent en cours d’année, comme pour marquer leur appartenance au village. «Plus que la viande, c’est cette ambiance, même éphémère, et le retour aux racines qui attirent le plus».

A.O.T.

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