Avancer ensemble, boussole en l'air

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La lecture que l'on pouvait faire du champ politique national s'est largement compliquée par les graves incidents de Ghardaïa, qui ont été à l’origine d'une trentaine de morts.

L’abcès de la vallée du M’zab, en putréfaction latente depuis plusieurs années et dont nous avons déjà donné quelques clefs de décryptage il y a quelques jours de cela, a contribué à « semer » les acteurs politiques, à diversifier les lectures des événements et à repositionner politiquement les parties en cause. La multiplication des « sources » d’information n’a pas aidé bien entendu, à y voir plus clair.

On a même eu droit à de fausse vidéos de maltraitance, ramenées des lieux où se déroulent des massacres à grande échelle (Syrie, Irak, Yémen) et présentées comme des événements qui aurait eu lieu à Ghardaïa et dans les villes voisines du M’zab. L’intox et la désinformation ne sont jamais gratuites. Elles militent pour des causes que l’on ne peut même plus qualifier d’obscures ou, selon la formule consacrée, aux dessins inavoués. Dès qu’un acte de ce genre est formellement prouvé ces desseins sont avoués et revendiqués.

Il n’y a aucun doute. Incontestablement, la crise du M’zab a porté à son pinacle le brouillage de la carte politique nationale au moment où, a contrario, l’on s’attendait, sans doute ingénument, à la réunion des forces saines de la nation pour faire face à la provocation qui, à partir de Ghardaïa, voudrait brûler tout le pays. Il est trop facile de dégainer et de lancer des accusations à tout-va, à partir d’Alger ou de l’étranger, via les sites internet ou, de façon plus embrouillée encore, à travers les réseaux sociaux. Facile d’incriminer l’opposition politique ou de s’en prendre indistinctement à tout ce qui symbolise le pouvoir.

Parce que les données sont plus nuancées, plus complexes, résultant d’un long processus de délitement de la société du recul de l’autorité de l’État- partout d’ailleurs et non seulement à Ghardaïa- et de l’exacerbation des différences culturelles et cultuelles née de cette déchéance générale de la société. Il serait mal venu, sans doute même dangereux, de tirer hâtivement des conclusions, de déterminer des responsabilités sur la seule base d’idées préconçues et de préjugés. Cette précaution vaut pour tout le monde, à commencer par le gouvernement et ce qui est communément appelé les pouvoirs publics.

Il faut laisser les enquêtes judiciaires suivre leurs cours. Les habitants de la célèbre Pentapole, qui avaient donné aux Algériens l’exemple de la bonne organisation de la société de la cohabitation heureuse de communautés et du sens de la gestion de l’espace, sont les premiers à demander que la force doit rester à la loi et que l’État assume toutes ses responsabilités. Il n’est pas exclu que les forces de sécurité habituelles- police et gendarmerie- aient été débordées ou aient quelque part failli dans leur mission, lorsqu’elles y ont été mobilisées en 2013. Et c’est pourquoi, malgré l’apparent paradoxe, la présence de l’armée est souhaitée et réclamée.

Cependant, après le rétablissement de l’ordre publics et la sécurisation maximale des lieux, des habitations et des propriétés, il serait plus pertinent et politiquement plus porteur de revenir à la gestion normale de la sécurité par les organes prévus à cet effet. Car, ceux qui cherchent la déstabilisation du pays ne manqueraient pas d’exploiter le déploiement de l’armée pour crier à l’ « État militaire », à l’étouffement des libertés et autres références « droit-de-l’homistes » éculées. Cette conjoncture nationale particulière, jointe à une actualité économique des moins réjouissantes-il faut savoir que la loi de finances complémentaires n’est toujours pas ficelée, au vu de la difficulté qu’il y a à y insérer quelques dispositions jugées « impopulaires »- a valu à des acteurs politiques de se positionner à leur manière, mais en créant, volontairement ou non, des franges d’eaux troubles où il est presque impossible de discerner le bon grain de l’ivraie.

La « sortie » d’Ahmed Ouyahia, SG du RND et chef de cabinet à la présidence de la République, a prêté à diverses lectures, allant d’imaginaires dissensions à l’intérieur du pouvoir jusqu’à la projection d’un destin personnel. La demande du président du MSP, Abderazzak Mokri, de voir le président de la République et qui a obtenu, par contre, une rencontre avec Ouyahia, a jeté froid et polémique entre lui, Mkri, et l’opposition dont il se réclame, mais aussi entre lui et son propre parti. On parle d’un jeu trouble qui serait mû par une perte de repères politiques, d’autant que, à un certain moment, Makri a plus plaidé auprès des autorités algériennes, la libération de Mohamed Morsi, ancien président égyptien incarcéré depuis juillet 2013, que la cause algérienne dans toute sa diversité : développement économique, démocratie politique, modernisation des institutions,… etc.

Les Algériens- du pouvoir, de l’opposition ou d’un autre camp qui ne se définirait que par l’algérianité- sont, aujourd’hui plus que par le passé à se regarder les yeux dans les yeux, mais pas en chiens de faïence. Les défis auxquels est appelé à faire face notre pays sont nombreux et variés. Mais il semble que la politique de la terre brûlée adoptée par le terrorisme destructeur charrié par le fameux Printemps arabe ait fait des avancées géographiques trop hardies pour que l’Algérie croise les bras et se conduise en spectateur.

Le feu est devant la maison, s’il n’est pas déjà dans la cours. De même, la chute des rentrées financières du pays ne peuvent pas rester sans conséquences sur la paix et la cohésion sociales si un sursaut de réformes économiques n’est pas fait dans l’immédiat. Les sites et réseaux sociaux peuvent déblatérer contre qui ils veulent, les inconditionnels et adeptes du conservatisme religieux ou idéologique peuvent délirer à qui mieux, il s’agit de chercher le maximum de dénominateurs communs entre Algériens pour les impliquer dans les grandes décisions qui engagent le pays et d’avancer boussole en l’air.

Amar Naït Messaoud

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