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Une kermesse à ciel ouvert

Comme à l’accoutumée, l’approche de l’Aïd provoque une véritable ruée des commerçants ambulants et vendeurs à la sauvette qui prennent d’assaut le moindre espace à l’intérieur du périmètre urbain des villes, villages et grandes agglomérations, pour exposer sur des étalages de fortune, dans des véhicules utilitaires aménagés en boutiques roulantes ou à même le sol, sur des bâches, leurs marchandises spécial Aïd. Celles-ci ne manquent pas d’attirer des nuées d’enfants seuls ou accompagnés de leurs parents, qui grattent les fonds de leurs poches pour satisfaire leur progéniture et…faire comme tout le monde.

Les parents se plient, ainsi, devant l’insistance des bambins, devenus de plus en plus exigeants, pour rivaliser dans des achats de jouets et gadgets. Des gadgets dont la majorité reflètent la violence, tels ces gros pétards, fusées ou fumigènes dont les prix pour certains dépassent tout entendement. À titre d’exemple, des feux d’artifices sont cédés entre 500 et 600 DA l’unité à côté de puissants pétards dont le coût frôle les 300DA la pièce. Et la violence ne s’arrête pas aux batailles rangées que se livrent ces innocents à coups de pétards, vu que dans la gamme qu’on leur propose figurent des pistolets à pressions dont les balles sont des boules sous forme de dangereux projectiles qu’ils se tirent sur le visage à bout portant.

Dans cette panoplie de jouets, il y a aussi ces arcs assez puissants munis de flèches, des sabres en plastiques et autres chars blindés et mitraillettes en plastique qui reflètent la violence, le tout couronné par des masques effrayants et autres cagoules ! Ce sont ces étals qui attirent le plus d’enfants sans, cependant, que le reste de la marchandise spécial Aïd en soit négligée, à l’image des étals de la friperie et habillements dressés sur les trottoirs et les terrains vagues, achevant de donner aux centres habités le décor d’une anarchique kermesse ou fête foraine dans une anarchie totale. A ce décor s’ajoute la note des marchands ambulants de fruits et légumes et ceux de l’alimentation générale qui écoulent les trousseaux ou la gamme de matières alimentaires destinées à Lemghafra. Un rituel qui consiste à ce que chaque père de famille ayant une fille, une sœur ou une proche parente mariées, doit aller lui rendre visite le jour de l’Aïd avec ce lot de produits alimentaires composés de gâteaux, biscuits, jus, savons, henné et bien souvent des fruits pour les plus nantis. Le tout accompagné d’une somme d’argent.

Pour revenir à ces marchandises qui envahissent les ville, il convient de souligner qu’elles s’écoulent rapidement sans que les prix, souvent exagérés, ne soient discutés, même quand il s’agit de celles de qualité douteuse qui proviennent des quotas invendus de l’année passée qui affichent de l’usure et recouvertes de poussière et d’humidité. Un état de fait qui dépasse tout entendement, sachant que des pères de familles aux faibles revenus qui ont épuisé leurs maigres économies durant ce mois de Ramadhan, lequel ne peut être qualifié que de mois de «boulimie visuelle» et de gaspillage, s’endettent pour satisfaire les caprices de leurs progénitures, malgré la dangerosité des jouets. «Fais comme ton voisin ou change l’emplacement de ta porte», disait l’adage, et bien entendu, ce n’est qu’après la fête qu’on commence à se gratter la tète.

Oulaid Soualah

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