La récolte des figues de barbarie est arrivée à maturité avec une légère avance par rapport aux années précédentes, et ce, à cause de la longue canicule qui a sévi, depuis le début du mois de juillet. Ajouté à cela un taux assez élevé d’humidité du fait de la proximité des deux barrages Tilesdit de Bechloul et celui de Tichy-Haf, dans la daïra de d’Akbou. Deux ouvrages hydrauliques qui ont pris en sandwich une bonne partie de la vallée N’Sahel et son prolongement qui est celle de la Soummam.
Les deux barrages en question mis en service simultanément, depuis 5 ans et distant d’à peine 5km l’un de l’autre, ont provoqué un effet de serre, soit un microclimat qui a bouleversé tous les cycles de l’agriculture, en déréglant la période de maturité des récoltes, dont les figues de barbarie dénommées AKERMUS en Kabyle et El Hendi en arabe dialectique, qui sont matures de manière précoce, soit plusieurs semaines à l’avance. Aussitôt que la nouvelle a fait le tour des chaumières, immédiatement après le ramadhan, il est constaté une spectaculaire ruée sur les champs un peu partout dans la région. Notamment, dans les communes Ath Mansour, Ahnif, M’Chedallah, Saharidj et Chorfa, qui sont les plus riches en matière de cactus, produisant ce fruit millénaire très prisé pour son goût, ses vertus nutritives et thérapeutiques.
Ainsi, des groupes d’hommes quelques fois accompagnés de femmes se rendent tôt le matin, dans les vergers, munis de longues perches terminées par trois doigts qu’on coupe dans le laurier rose. Cette plante, qui pousse sur les bergers et même les lits des cours d’eau, est la seule, d’ailleurs, à permettre la confection de cette perche spéciale. Cette dernière se constitue de longues tiges d’entre trois à quatre mètres, terminées par trois branches, sous forme de doigts d’une main ouverte qui permettent de cueillir le fruit, qu’on prend entre ces trois branches et qu’on fait tourner légèrement pour le détacher. Les figues sont, ensuite, déposées avec précaution en tas dans un espace plat pour les débarrasser des fines épines, sous forme de duvet, qui les recouvrent entièrement. Ceci, à l’aide d’une branche, munie de feuilles vertes, d’un olivier ou d’un caroubier ou avec une touffe d’une plante qui ressemble aux fougères dénommée localement «Laasav», qui pousse autour et à l’intérieur de ces vergers. Une fois, débarrassés de ces épines, ils sont mis dans des corbeilles, des seaux ou des bidons d’emballage de peinture en plastique.
Si le fruit converse encore un peu de fraicheur du matin, l’on choisit quelques uns bien mûrs pour les manger sur place. On débarrasse la figue de barbarie de son épaisse peau à l’aide d’un couteau, une opération assez délicate qui consiste à la prendre d’une main et à découper les deux extrémités avec le couteau, en le ciselant dans le sens de la longueur. On recueille la chaire, en tirant sur les parties ciselées avec les doigts pour le dépouiller. Les figues de barbarie comme les figues fraîches ne se consomment pas chaudes, elles sont soit mises au frigidaire soit débarrassées de la peau et laissées à l’air libre moins d’une heure pour se rafraichir, même par un temps caniculaire ou exposées au soleil. Notons enfin, que le seul inconvénient de la figue de barbarie est celui de provoquer la constipation quand on mange une grande quantité à partir d’une dizaine de grains et plus. Seulement, rares sont ceux qui arrivent à se maitriser, une fois sa consommation commencée, tellement son goût et sa saveur sont irrésistibles et gare aux gourmands et les retombées, dont la plupart des cas se terminent par la prise d’une bonne dose de purge ou finissent aux pavillons des urgences pour un lavement pénible et contrariant.
Oulaid Soualah
