Quand les enfants bravent l’interdit !

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Il était juste midi, mardi dernier, quand nous primes la route sinueuse menant à Bouhamza. Nous arrivons à Biziou, un village de la commune d’Amalou, et nous débouchons sur un trois chemins qui indique que la route menant à ladite commune est celle de gauche allant vers la montagne.

La route est certes bien aménagée avec la pose récemment du bitume sur la chaussée. Elle a été même élargie. Elle est escarpée, serpentée sur une dizaine de kilomètres et truffée de virages. En roulant, on scrutait le paysage enchanteur qui s’offre à nos yeux. Les parcelles bien travaillées sont occupées par des arbres où le figuier prédomine. Les figues encore vertes ne tarderont pas à murir de par leur grosseur. Des parcelles dont la plupart sont clôturées avec des haies de cactus (figuier de barbarie ou Akermous). Un autre arbre vénéré qui donne un fruit très prisé.

Nous traversons le chef-lieu d’Amalou, une commune dont le développement est perceptible avec le projet du lycée dont les travaux avancent bien et celui du siège de la mairie dont les travaux semblent à l’arrêt. Nous continuons notre route sans marquer une halte du fait que nous étions pressés de découvrir le barrage. Nous continuons notre escalade quand notre attention fut attirée par un gros oiseau volant dans les airs au dessus de nos têtes. Il a fallu du temps pour s’apercevoir que c’est un parapente qui survole la région. En le voyant descendre en basse altitude, nous crûmes à une descente forcée et qu’il est en détresse. Nous nous sommes même arrêtés, garant la voiture sur le coté pour ne pas gêner la circulation, pour vivre cette chute libre d’un parapente. On a été bernés du fait qu’il a remonté en flèche comme il est descendu, s’amusant comme un aigle dans les airs. Nous continuons notre route, et en traversant le village Ighil N’tsala, situé sur un canyon de la montagne de Gueldamen, nous sommes frappés par la propreté des ruelles et placettes de cette bourgade située en haute montagne.

À quelque deux kilomètres de là nous tombons sur un trois chemins dont la plaque de droite indique la route qui mène à Tigherminen, un village de la commune d’Amalou que nous avons visité aussi et qui nous a ému par sa propreté. C’est là-bas que nous avons croisé le subdivisionnaire de l’hydraulique de la daïra de Seddouk, qui était en visite d’inspection du chantier du projet d’alimentation en eau potable de la ville de Bouhamza. Après les salutations, il nous informera que les travaux tirent à leur fin et que l’eau coulera dans les robinets de la ville de Bouhamza au plus tard dans 15 jours, comme elle a coulé déjà il y a quelques mois dans une partie des villages de la commune d’Amalou. Le grand château d’eau qui desservira les communes de Bouhamza, Amalou et Beni Maouche se trouve en ce lieu, sur une crête. Nous sommes sur le plus haut sommet de la montagne et la température est clémente avec un air frais. De là on domine les villages Tighermine, Beni Djaad, Ighil Ntsala et Beni Djemhour, tous dépendant de la commune d’Amalou. Des villages sortis de l’enclavement.

D’une vue imprenable sur le flanc Est du Djurdjura et la haute vallée de la Soummam, nous avons marqué une halte pour bien apprécier ce que la nature a façonné comme environnement sauvage de toute beauté un paradis de l’escapade et de l’escalade, bon pour la détente loin des façades enfumées de la ville, de ses nuisances diurnes et nocturnes que nous avons laissées derrière nous pour un laps de temps. Nous reprenons notre route en descendant vers Mahfouda, un village de la commune de Bouhamza. Nous roulons doucement à cause des risques de dérapage du véhicule. Arrivés à ce village, nous ne sommes pas loin du barrage de Tichy Haf. D’ailleurs, c’est à environ cinq kilomètres en allant vers Bouhamza, le chef-lieu, qu’une plaque de signalisation indique une piste à prendre sur la droite pour descendre au barrage. Une piste carrossable mal entretenue où les roues de la voiture soulèvent des nuages de poussière. En roulant sur cette piste, nous avons vécu l’enfer. Le véhicule n’est pas climatisé. Quand on ferme les carreaux, la température augmente à l’intérieur et nous étouffe, quand on les ouvre, on inhale la poussière. Pire que ça, cette piste débouche sur plusieurs autres pistes ; sans panneaux de signalisation, nous ne savons pas la bonne à prendre. Plusieurs fois, nous tombons sur un portail d’une propriété privée.

Nous rebroussons chemin et on a mis du temps pour retrouver le CW 35 qui mène à Bouhamza. En arrivant à la placette de la mairie, nous ressentons déjà la fatigue, le gosier à sec. Nous nous sommes attablés à une terrasse d’un café pour prendre des boissons rafraichissantes. Quelques minutes plus tard, un employé de la mairie nous a informés que l’accès au barrage se trouve de l’autre côté c’est-à-dire à côté du village Tansaout. Nous quittons Bouhamza pour Tansaout sur un tronçon de route bien entretenu de l’ordre de sept kilomètre de distance. Quelques minutes seulement nous ont suffis pour découvrir le village Tansaout, que l’on pourrait aisément appeler ailleurs la «Provence verte» de par la verdure qui règne en maître. Le village se trouvait à la lisière d’une étendue plaine longeant l’oued Bousselam dont l’eau sert au remplissage du barrage. Toutes les parcelles de terres situées à la lisière de l’oued sont cultivées de maraichages. Et ce sont ces produits agricoles frais et purs de type bio qui inondent les marchés locaux et que s’arrachent les consommateurs.

C’est aussi un lieu pour les pêcheurs

Ce village de la commune de Bouhamza garde encore de ces maisons anciennes qui font son charme aux côtés du nouveau bâti composé de villas pavillonnaires assorties de jardins fleuris que délimitent des murets. Après une petite halte, nous amorçons la piste qui mène au barrage, notre destination. Au fur et à mesure que nous roulons sur la berge du barrage, nous croisons des familles algéroises, émigrées ou locales, qui piqueniquent sous les ombrages d’oliviers ou caroubiers. Parfois, nous voyons des enfants nager dans les eaux bleues du barrage sous les yeux attentives des parents laissant leurs progénitures braver les dangers signalés pourtant sur des pancartes installées sur les rives, où il est écrit «baignade interdite». La route est des plus mauvaises avec des ravinements et nids-de-poule partout, ce qui fait que le véhicule tangue comme un bateau en mer agitée. L’endroit aurait pu attirer beaucoup de monde si les autorités locales avaient bitumé cette piste très fréquentée et installé des cafés restaurants, comme l’a laissé entendre le P/APC du mandat 2007/2012, feu Mohamed Belkhiar, qui avait déclaré un jour que le ministère du Tourisme était sur le point de mettre en place un projet de 50 milliards de centimes pour la valorisation de ce barrage, et ce, pour la création d’auberges, de cafés, l’acquisition de barques pour la traversée de ce petit océan.

Un projet sûrement tombé à l’eau, puisqu’on entend plus parler de lui. Sous l’ombrage d’un olivier géant situé au bord de la route, une famille d’une dizaine de membres piqueniquait. Nous avons voulu savoir d’où elle est venue. C’est une femme âgée qui a répondu qu’elle habitait Alger mais n’est pas venue spécialement pour visiter le barrage. «Nous habitons Alger mais nous sommes originaires de la région où nous avons encore notre ancienne maison, des terres et d’autres membres de la famille. Nous sommes venus au bled passer quelques jours de vacances. Cet endroit, nous le trouvons idéal pour la détente puisque chaque année nous venions y passer une journée. C’est vraiment reposant avec toute cette verdure, cette étendue d’eau calme, la tranquillité qui règne. Mais il manque tout de même les moyens d’accueil, voila pourquoi on a ramené avec nous quoi manger», a-t-elle dit. Nous continuons notre chemin et à quelques mètres, sur la rive de l’oued, deux pécheurs jettent leurs cannes à l’eau. On a arrêté la voiture pour regarder dans le premier temps. Mais les gestes qu’ils faisaient nous ont emballés en jetant loin l’hameçon qui ne tarde pas à être tirée de l’eau avec un poisson qui le mord. Nous les avons questionnés pourquoi avoir choisi ce barrage pour la pêche. L’un d’eux se disant du village Bouhamza nous expliquera qu’ils ont choisi le barrage pour sa proximité de leur lieu de résidence.

En plus, il leur arrive de pécher de grosses pièces de cinq kg. En avançant d’un kilomètre, nous découvrons l’endroit servant de plage pour les baigneurs. C’est l’endroit le plus large du barrage et le moins profond. Il fait 1 mètre de profondeur à la rive, nous indique-t-on. Les baigneurs ont installé une balançoire de quelque quatre mètres de hauteur et ayant le niveau avec la route d’où ils accèdent pour plonger ou se jeter dans l’eau. Une dizaine de baigneurs semblent joyeux de piquer une tête dans l’eau mais sans se soucier pour leur santé car l’oued Bousselam, comme tous les autres oueds d’ailleurs, sont des réceptacles de déchets de tous genres. Cela en plus des dangers d’être emporté par les eaux. Le fait le plus remarquable n’est autre que ce père de famille qui a emmené avec lui ses trois enfants en bas âge. Le plus petit âgé de cinq ans a été laissé sur une serviette sur la rive sous un soleil de plomb. Pour les deux autres, âgés entre 08 et 10 ans, il les encourageait à sauter de la balançoire. Nous sommes restés une demi-heure à contempler tous ce beau monde qui fait clapoter les eaux du barrage. Il était 15 heures quand les baigneurs, des jeunes en majorité arrivaient en voiture ou en moto. Une animation des plus fébriles s’empare de cet endroit. Il était 15h30mn quand nous avons pris le retour en passant par Béni Djemhour, un raccourci qui mène vers la ville de Seddouk. La route est en chantier.

Deux projets de grandes envergures sont en cours de réalisation dans cette région. Il s’agit du gaz naturel et du transfert de l’eau du barrage. Ce n’est que justice rendue pour des populations qui se sont sacrifiées durant la révolution en donnant de lourds tributs en pertes humaines et matérielles. Après cinquante ans de privation, manquant de tout, voila le fruit du labeur qui arrive. Elles pourront mener des vies de citadines qui mettront fin à l’exode rural qui a frappé ces bourgades. C’est une randonnée que nous n’oublierons jamais car nous avons découvert une région fabuleuse qui développe un tourisme de montagne qui attire déjà des touristes.

L. Beddar

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