L’utilisation de la langue maternelle, durant les deux premières années, dans le cycle primaire, l’une des 200 recommandations issues de la conférence nationale de l’évaluation de la mise en œuvre de la réforme de l’école, continue à susciter le mécontentement de quelques syndicats du secteur. En effet, les syndicats autonomes du secteur de l’Éducation nationale et les associations nationales des parents d’élèves trouvent que ce concept n’est pas nouveau et que le ministère de l’Éducation nationale doit débattre des problèmes plus sérieux. Ainsi, Idir Achour, porte-parole du CLA, estime que «le CLA est d’accord avec les spécialistes et les chercheurs dans le domaine, qui disent que l’adaptation de l’enfant à l’école durant les trois premières années du cycle primaire doit se faire avec la langue maternelle». Les recherches ont, selon lui, démontré que «lorsque l’enseignant communique en utilisant la langue maternelle prépare l’enfant à mieux maîtriser la langue académique». Le CLA, a-t-il dit, «est d’accord avec le principe de communication avec la langue maternelle dans le cycle primaire». Son porte-parole fera savoir qu’après cinquante ans d’expérience, les résultats dans la maîtrise de la langue arabe sont catastrophiques. Pour illustrer ses propos, notre interlocuteur a avancé un taux d’échec dans la maîtrise de cette langue dépassant les 60% dans le cycle secondaire. «Il faut éviter le débat idéologique», a préconisé la même source. Ce dernier a, par ailleurs, demandé de faire éloigner les parties politiques de cette question et laisser les chercheurs et spécialistes dans le domaine se prononcer sur l’utilisation de la langue maternelle dans le cycle primaire. De son côté Messaoud Boudiba, chargé de communication du CNAPEST, s’interroge sur «l’intérêt qu’il pourrait y avoir à la réouverture du débat sur l’utilisation de l’arabe dialectal à l’école». Il a expliqué dans ce sens que «l’enseignant a toujours travaillé avec ce concept en utilisant la langue maternelle à l’école, dans les trois paliers confondus». «Qu’est ce que cette recommandation va rapporter de nouveau à l’école algérienne, alors que c’est un concept qui existe depuis longtemps», s’est-il interrogé. Ce syndicaliste dit ne pas comprendre pourquoi tout ce «tapage médiatique» a eu lieu concernant un concept, qui n’est pas nouveau. Les cadres du ministère de l’Éducation ont, selon Messaoud Boudiba, lancé ce débat stérile pour ne pas évoquer d’autre problèmes plus sérieux. «Une manière de cacher une gestion chaotique du secteur de l’Éducation nationale», a-t-il lancé. Il estime à cet effet, que le secteur connaît de graves problèmes qui nécessitent une prise en charge urgente «au lieu de se lancer dans un débat stérile». Pour sa part, l’Union nationale des personnels de l’Éducation et de la formation (Unpef) rejette catégoriquement la recommandation sanctionnant les travaux de la conférence nationale de l’évaluation de la mise en œuvre de la réforme de l’école, relative à l’utilisation de la langue maternelle dans l’enseignement primaire. «C’est inadmissible. La langue arabe est une ligne rouge à ne pas franchir», a-t-il lancé en indiquant que «ce concept va détruire l’école algérienne». Pour lui, la société algérienne diffère des autres sociétés étrangères. «L’enseignant qui n’est pas issu de la wilaya où il enseigne, comment fera-t-il pour communiquer avec les élèves dans leur langue maternelle que lui-même ne pourra pas maitriser ?», s’est-il interrogé. L’utilisation de la langue maternelle, selon lui, existe depuis toujours, mais il est inacceptable de la rendre obligatoire dans le cadre de la loi. Au lieu de se lancer dans ce débat, M. Amraoui a proposé de promouvoir la langue amazighe et d’enseigner la langue anglaise comme première langue étrangère dès le primaire, au lieu de la langue française dont les résultats sont catastrophiques. «Si la tutelle compte appliquer à l’avenir cette proposition sur le terrain, notre syndicat ne va pas rester les bras croisés», a menacé le SG de l’Unpef. Quant au président de l’Association nationale des parents d’élèves, M. Khaled Ahmed, il estime qu’il n’y a rien de nouveau dans les déclarations de la ministre de l’Education par rapport à l’utilisation de la langue maternelle dans le préscolaire et le cycle primaire. «C’est le concept utilisé depuis 1962. Les enseignants utilisent depuis longtemps la langue maternelle dans les trois paliers confondus (primaire, moyen et secondaire), et même à l’université pour aider l’élève à mieux comprendre les cours», a expliqué M. Khaled Ahmed. «Il faut chercher des solutions à d’autres problèmes fondamentaux au lieu de faire tout un tapage médiatique sur l’utilisation de la langue maternelle dans l’école», ajoutera M. Khaled Ahmed. Ce dernier a cité l’exemple de la wilaya de Tizi-Ouzou, qui a enregistré cette année encore le meilleur taux de réussite au BAC et ce pour la septième fois consécutive. En effet, «cette wilaya continue d’enregistrer les meilleurs taux de réussite dans les examens nationaux alors que les enseignants n’utilisent que la langue académique dès la première année du cycle primaire, et cela, ne les a pas empêché de comprendre rapidement et de bien maîtriser la langue arabe», a-t-il encore indiqué.
L.O.Challal
