Belles retrouvailles

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L'été est synonyme de congés et de vacances. C'est durant cette période charnière, que les villages renouent, quelque peu, avec l'ambiance et l'animation.

Cela est le cas, parmi tant d’autres, des villages situés dans les terres de l’Aârch d’Ath Abbas, qui englobe 3 communes lesquelles sont: Ighil Ali, Aït R’zine et Boudjellil. Cette région sublime, aux panoramas époustouflants, connaît, depuis les fêtes de l’Aïd El Fitr, un mouvement inhabituel et caractéristique de la saison estivale. Ce sont les fils du bled qui rappliquent le temps de passer les vacances dans leurs villages d’origine. Un rituel, qui est observé chaque été et personne ne peut s’en défaire, car Tamourt a cette espèce d’aimant qui attire ces anciens villageois. Ainsi, des dizaines de familles rappliquent durant les vacances d’été vers leurs villages d’origine, haut perchés pour certains d’entre eux. En l’espace de quelques jours, les villages d’Ath Abbas, qui sont presque vides et mornes le reste de l’année, se trouvent comme gagnés par l’effervescence et la vivacité. Les maisons parentales, fermées pour quelques-unes rouvrent les portent, et se trouvent réoccupés par les enfants « prodigues ». Ce sont les retrouvailles entre les « mmis n t’mourt » avec la nostalgie à fleur de peau. Les rencontres entre les villageois ne se font pas sans partager les souvenirs et les réminiscences sur « le fil de l’actualité », comme sur Facebook, quoique dans ce cas-là il s’agit des partages réels et non virtuels! Qu’à cela ne tienne. Pourriez-vous imaginer la joie que ressentent les habitants des villages de Tabouaânant, Tazla ou Tigrine lorsque les anciens fils de ces villages y retournent pour passer quelques jours ? Le mythique village d’El Qelaâ, niché sur un rocher culminant à 1 200 mètres d’altitude, ne pouvait espérer meilleur cadeau que le retour des anciens habitants partis sous d’autres cieux plus cléments, à cause du colonialisme français dont les soldats ont bombardé des dizaines de maisons sans aucune pitié pour de pauvres civils non-armés! Beaucoup de valeureux Qelaâouis sont partis vers les villes d’Alger, Oran, Constantine et même à l’étranger pour s’y établir, laissant leur village, cette ex-capitale du mythique royaume d’Ath Abbas, « orpheline » de ses enfants !

Les villages étaient connus, jadis, pour leurs métiers artisanaux !

Le village d’Aït Dassen dans la commune de Boudjellil, croyez-vous qu’il est en « marge » de ce bonheur que procure les retrouvailles entre les villageois? Il est de même pour Tizi Alouane, Ath Sradj, Bouni et bien d’autres valeureux villages d’Ath Abbas, qui ont, chacun d’entre eux, des histoires particulières à « raconter ». Il est question surtout des anciens métiers artisanaux avec quoi, ils sont connus, comme la tresse de l’Alfa, la bijouterie Berbère, le métier à tisser, la forge, le travail et le façonnage du cuir, la confection de tamis, de meubles artisanaux et autres ustensiles en bois. Les villageois ne manquaient pas de génie. C’étaient de vrais artisans pétris de qualité. Tout cela n’échappe certainement pas aux habitants des différents villages, qui se remémorent ces temps glorieux. «Ah, si seulement le fameux marché de raisins, qui fut aménagé au village de Mouka dans la commune d’Ighil Ali jusqu’aux années 1940, était encore-là !», regrette un octogénaire de ce village. Il est vrai que cette région est connue pour ses fruits succulents et d’une excellente qualité gustative. Les raisins de Mouka et de Tabouaânant sont exceptionnels. L’on se targue dans ici, d’avoir vendu des raisins à des commerçants venus spécialement de Sétif et de Constantine, car ils sont exquis et pures! Pour les anciens gens qui reviennent chez les grands-parents dans leurs villages d’origine, et ce le temps des vacances, il n’est pas question pour eux de revenir sans avoir fait le « plein » de fruits de terroir, comme les figues, les raisins, les figues de barbarie, les mûres, les poires, les pêches,…produits de ces vergers hauts perchés et soigneusement travaillés par leurs propriétaires, durant toute l’année! Par ailleurs, ce qui laisse indubitablement une bonne impression chez les enfants « prodigues », c’est la célébration des fêtes de mariages dans ces villages, lesquels revêtent un caractère spécial, parce que célébrés dans les villages avec tous les rites et les traditions qui s’en suivent. Ces mariages sont fêtés dans une atmosphère conviviale et une folle ambiance, surtout avec l’entrée en lice des tambourinaires, appelés communément « Idheballen », lesquels galvanisent, à chaque fois, les foules qui se déhanchent dans un rythme endiablé et cela sous les acclamations et les applaudissements des badauds survoltés.

Les traditions toujours de mise malgré une modernisation galopante

Dans ces contrées, les villageois tiennent encore à leurs traditions, malgré une mondialisation qui déteint toutes ses tares sur notre société. Dans cette région d’Ath Abbas, il y a des hommes qui pratiquent une danse que peu de jeunes maîtrisent. Elle est connue sous le nom de Tagmart (la jument). Cette danse est exécutée en rimant avec l’air des tambourinaires. Les danseurs frappent de leurs pieds le sol comme le fait à juste titre la jument, en sautant légèrement comme pour essayer d’imiter parfaitement cet animal magnifique et noble. Il y a certes, beaucoup de traditions et autres coutumes relatives aux mariages qui ont complètement disparu de nos jours, comme le tir sur cible (une dalle de schiste) avec des fusils, appelé « El Ghardh » (la cible), ou encore ce rite d’antan lié à la visite des sains tutélaires, que chaque village possède, comme ce fut le cas à Tigrine dans la municipalité de Boudjellil, où le cortège nuptial se rendit à pied au mausolée de Djeddi Abbas, où la mariée doit y faire sept tours avant de pénétrer dans la maison conjugale. Aujourd’hui, ce mausolée est en ruines, détruit probablement par un obus tiré par les canons de la soldatesque française qui bombarda, durant la guerre de libération, ce village avec une rare sauvagerie! Enfin, à chaque village son sain, mais ils ont tous les mêmes traditions, lesquelles se trouvent, actuellement, bousculées par la modernité. Ainsi, les DJ bousculent les tambourinaires, la voiture a « détrôné » le mulet sur lequel la mariée est transportée, jadis, vers le futur foyer conjugal. Mais dans toute cette « mutation », il y a toujours ce plat qui reste majestueux et indémodable: Il s’agit du fameux couscous que l’on sert à gogo avec de la viande et des sodas dans tous les mariages. Le couscous demeure toujours ce « gène » qui nous identifie et qui nous différencie des autres peuples! Alors, vivement les vacances au village!

Syphax Y.

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