Contrairement aux autres grandes villes du pays, où la période estivale est généralement propice à une vie nocturne, la ville de Tizi-Ouzou sombre dans un « sommeil » profond dès la tombée de la nuit.
Une situation qui n’est pas faite pour arranger les affaires des résidents ni surtout celles des gens qui y viennent passer des vacances ou ceux qui y sont de passage pour se rendre vers d’autres destinations. À Tizi-Ouzou, il n’est pas conseillé de sortir la nuit, car rien n’incite les gens à se hasarder dans les rues et boulevards de cette grande agglomération. Avec 135 088 habitants selon le dernier recensement, Tizi-Ouzou est, en termes de population, la deuxième ville de Kabylie derrière la ville de Béjaïa, 177 988 âmes.
Les habitants de la ville de Tizi-Ouzou sont désormais habitués à cette morosité quotidienne qui «anime» leurs soirées. Aucun signe d’une vie nocturne. Si en période hivernale, la chose peut être compréhensible, ça ne devrait pas être le cas durant l’été. Un été marqué cette année par une canicule insupportable avec des pics de chaleur dépassant les 40° et un taux d’humidité à couper le souffle aux plus téméraires. Malgré cela, Tizi-Ouzou reste une ville morte, pratiquement H24. Si durant la journée, rares sont ceux qui se hasardent à mettre le nez dehors, pour des raisons climatiques, la situation demeure pratiquement identique durant la nuit où la ville ne connaît aucune animation. Pourtant, il y a à peine un mois, la ville des Genêts était comme une fourmilière. C’était durant le mois de Ramadhan.
Dès le début de soirée, la ville grouillait de monde et l’animation battait son plein jusqu’à une heure tardive. Des galas de musiques, des exhibitions sportives, des soirées d’animation pour enfants et bien sûr les interminables soirées dans des cafés, ont fait de la ville de Tizi-Ouzou, l’un des plus grands centres urbains animés du pays. Un mois durant, la ville de Tizi-Ouzou a vécu une ambiance nocturne très animée où aucun incident majeur n’a été signalé. Mais passé cette parenthèse «ramadanesque», la ville retombe dans sa monotonie et ses nuits sombrent à nouveau dans la morosité. Aucun signe de vie nocturne depuis la fin du mois de Ramadhan. Les habitants de la ville, mais surtout ceux qui sont venus y passer leurs vacances, vont devoir ranger leur frein.
«Rester cloitré à la maison et ne pas se hasarder à sortir prendre une glace ou bien manger une pizza, car aucun magasin ne reste ouvert après 20h00», nous confie Ahmed, résident au centre-ville de Tizi. Une situation qui l’a poussé d’ailleurs, explique-t-il, à prendre ses enfants et se rendre chez ses parents au village. «Je n’ai pas les moyens de me payer des vacances au bord de la mer, et comme mes enfants se sentent étouffés dans l’appartement et ne peuvent même pas déguster une glace dehors après le diner et se dégourdir un peu les jambes après une journée cloitrés entre quatre murs, j’ai préféré les emmener chez mes parents au village. Au moins là-bas, ils peuvent sortir jouer dès la tombée de la nuit», ajoute notre interlocuteur.
S’il est vrai que la ville de Tizi-Ouzou, contrairement à de nombreuses autres agglomérations du pays, n’est pas propice à une vie nocturne en raison de nombreuses carences en matière d’infrastructures (parcs d’attractions, piscines, salles de cinémas, restaurants, centres commerciaux….), les pesanteurs sociales y sont également pour beaucoup. Pour les spécialistes des questions sociales, la façon de vivre des Algériens donne lieu à des êtres «introvertis». C’est ce que pense le sociologue Khaled Karim exerçant au Centre de recherches en économie appliquée pour le développement (Cread), à Alger. Interviewé par l’APS, Khaled Karim a indiqué par exemple, que l’absence d’une vie nocturne dans le pays est un «processus naturel» au vu de ce qu’a vécu la population durant les années quatre-vingt-dix.
La grave détérioration de la situation sécuritaire à l’époque a, selon lui, influé négativement sur le comportement des Algériens. Néanmoins, ajoute le sociologue, cela n’est pas la raison principale. Khaled Karim estime que les Algériens ont, de tous temps, été «réticents à la vie publique mixte et nocturne, contrairement à la majorité des autres sociétés». La préférence de la société algérienne va vers, indique-t-il, les «espaces de convivialité sexués», des lieux fréquentés exclusivement par les hommes ou par les femmes.
A chacun ses cercles. Relevant une «régression» par rapport aux années soixante et soixante-dix, le sociologue met en cause aussi l’intégrisme religieux et l’orientation politique dominante qui empêchent l’émergence d’un individu «autonome» où «l’altérité est un élément intégré dans l’éducation civique». Un constat qui n’est pas fait pour améliorer la situation surtout lorsqu’on sait que dans une ville comme Tizi-Ouzou, d’autres facteurs exogènes (absence de lieux de loisirs, manque d’animation et rareté du transport) font que la vie nocturne est compétemment inexistante à longueur d’année, à l’exception de la parenthèse du mois de Ramadhan.
A.C