Des acteurs de la Révolution en parlent

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à l’occasion du 59ème anniversaire du congrès de la Soummam et de la journée du moudjahid correspondant au 20 août 1955, des acteurs de la révolution, invités par le commissaire de la sureté de la daïra d’Iferhonène, sise à 70kms au Sud-est de la wilaya de Tizi-Ouzou, ont parlé de la guerre d’Algérie aux policiers, et ce, à l’intérieur même de l’enceinte du commissariat en présence du coordinateur de la daïra, du mouhafed de la kasma de la commune d’Iferhounène et du président de l’APC, en l’occurrence Hamid Aït Saïd, un fils de chahid.

Après l’observation d’une minute de silence, en hommage à la mémoire des chouhada qui ont sacrifié leurs vies pour libérer le pays du joug colonial, le commissaire de police, dans une brève allocution prononcée à l’ouverture de la cérémonie, tout en les remerciant, a déclaré : «Y a-t-il plus apte à parler de l’histoire de la guerre de libération nationale que ceux qu’elle a marqué de ses empreintes ? Eh ! bien, aujourd’hui, nous allons écouter ensemble les témoignages de ces hommes chez qui elle cette guerre fratricide a laissé des séquelles».

Cependant, avant de donner la parole aux témoins, c’est le maire, qui a eu l’honneur de s’exprimer en premier, car il était invité à assister à l’inauguration d’un monument des martyrs au village Ichlivène, dans la municipalité d’Abi Youcef. Durant son intervention, Mr. Hamid Aït Said a affirmé «Voilà qu’aujourd’hui, arrive le moment où nous pouvons débattre de l’histoire de notre pays dans un commissariat de police en toute transparence et liberté sans s’inquiéter d’être arrêté.

C’est ça la vraie démocratie ! Ensuite, c’est autour de Nedjma Belkacem, octogénaire, adjudant de l’ALN et ex-maire d’Iferhounène des années 1970, de prendre la parole, «La vrai guerre n’avait commencé qu’après la désertion des étudiants les bancs des lycées et de l’université et elle n’a été organisée qu’après le congrès de la Soummam qui lui a impulsé un nouveau souffle, notamment par la restructuration des régions en wilaya, la répartition des taches entre les responsables et la nomination des colonels pour chaque wilaya, dont la 6ème fut rajoutée lors dudit congrès.», a-t-il précisé.

Par ailleurs, le conférencier parla de la tactique adoptée par les moudjahidine de l’Armée de libération nationale (ALN), tout en mentionnant le rôle joué par les mousblines, lesquels a-t-il dit, «ont affronté les pires moments de la guerre et ce sont des volontaires à tout faire, sans leur participation, la révolution n’aura pas abouti au résultat d’aujourd’hui, l’indépendance».

A cet effet, Da Belkacem pour étayer ses dires, il a déclaré que «Pour exécuter un Français, c’est chez les commerçants de Michelet que la personne désignée à tuer récupérait son arme, l’exécuteur donnera le mot de passe à l’épicier, comme par exemple si t’as des fèves, des pois chiches, des haricots, des lentilles, etc.

D’ailleurs, le tueur désigné ne saura le mot de passe à dire que la veille tard dans la soirée ou le jour même tôt dans la matinée, de peur de se rétracter à la dernière minute ou de vendre la mèche à l’ennemi, tout en étant surveillé de plus près», a-t-il souligné. D’ailleurs la plupart «des attentats commis à Michelet ont été réalisés par des gens de la région d’Iferhounène, et c’était Yaha Hafid et son compagnon qui avaient effectué l’attaque du commissariat» et d’ajouter, «en revanche ces volontaires devaient se soumettre à la fouille d’au moins trois barrages dressés par les militaires français avant d’entrer dans la ville de l’actuel Aïn El Hammam».

D’autres parts cet ex-adjudant de l’ALN, a souligné que «les gens ici étaient prêts politiquement à mener la guerre avant même son déclenchement, car, nombreux d’entre eux militaient bien avant au sein du MNA fondé par Moulay Merbah ou dans le PPA de Hadj Messali, dont 90% des militants si ce n’est plus étaient des Kabyles». Quant à la stratégie de bataille, «Nous n’avions que deux mat, armes automatiques, que nous utilisions au moment du repli afin de tromper l’ennemi en lui faisant croire que nous disposions de l’artillerie lourde, en dehors des fusils de chasse».

De la bataille du 24 octobre

En outre, Da Belkacem citera les principales batailles qu’a connu la région, entre autre celle d’Ahriq n’Djevara et d’Aït Arbi, mais il s’étalera, notamment sur celle du 24 octobre durant l’opération jumelle qui a eu lieu à Tikaïtine, qui s’étend jusqu’à Illiltène et Illoulène, «une bataille dirigée par 08 chefs de sections, et à laquelle avaient pris part les lieutenants, Merzouk Aït Ouamara dit Si Abdellah et le capitaine Si Hmimi, chaque responsable est embusqué avec sa patrouille dans un endroit stratégique désigné au préalable afin de surprendre les parachutistes coloniaux dans un guet-apens, c’était là notre avantage», notifiera-t-il. Et de rajouter que l’accrochage a débuté vers 10 h du matin et n’a pris fin que tard dans la nuit.

«Ce jour là les soldats français affluaient de partout, la terre et le ciel donnaient, c’était un enfer de feu !et les soldats ennemis gonflés à bloc par une boisson qu’on leur donnait à boire pour partir en guerre, criaient «vive mort !», alors que les maquisards déterminés à se battre jusqu’au dernier souffle, devant cette armada de chars, d’artilleries lourdes, soutenus par les bombardements de l’aviation, n’avaient que leur foi inébranlable», a-t-il soutenu.

Da Belkacem, nous informa que cette bataille se serait soldée par 350 morts du côté Français, «si on se référait au nombre d’armes récupérées, selon les échos qui nous sont parvenus à l’époque», sans pour autant confirmer ni infirmer cette informations. «Comme il y a évidemment eu beaucoup de pertes en vies humaines du côté des moudjahidine», a-t-il admis. Et pour conclure, il s’adressa aux jeunes policiers en leur disant «Vous êtes l’avenir du pays, garants de sa stabilité et de sa sécurité nous avons fait notre devoir, à vous de faire le votre et vive l’Algérie !».

Lui succédant, Ramdane Aïdelli, aussi officier de l’ALN, tirailleur et ex-mendoub de la nahya de Aïn El Hammam pendant les années 70, rescapé de la guerre et blessé pendant la bataille de Tikaitine par les éclats de bombes largués par les avions ennemis au lieu dit «Azrou El Vizane», où Il s’est abrité avec Ramdane Aït Saïd et Hocine, blessés par la même aviation quelques instants avant. «Ces deux derniers ont rendu l’âme sur place», a rapporté Da Ramdane. En revanche concernant leurs récits sur la guerre, notamment sur les batailles précitées et le congrès de la Soummam, les deux moudjahidine convergent sur le fond, à l’exception de quelques nuances près, notamment, sur les détails et les dates, vu leurs âges avancés, dont le premier est un octogénaire et le second âgé un peu plus moins.

S’exprimant sur la bataille de Tikaitine, l’ex mendoub, dira «j’étais de garde, le jour de l’accrochage, sous un figuier devant la maison des Aït Saïd à Taourirt Ali Ounacer, quand les soldats de l’armée coloniale sont arrivés et que les responsables ont donné instruction de ne pas tirer avant leur signalement, quand soudain, un coup de feu lâché imprudemment d’un vieux fusil de chasse d’un Djoundi, trahi par son arme, et suite à cela une bataille sans merci s’est engagée entre nous et l’armée coloniale, jusque dans la matinée du lendemain, c’était un vrai déluge de feu auquel nous avons fait face». Quant aux pertes en vies humaines, il y en a eu des deux côtés, mais je ne peux situer le nombre, par contre il y avait eu plus du côté ennemi».

Abordant le sujet du congrès de la Soummam, Ramdane Ben Baha, de son vrai nom, dira «Personne ne savait ni où ni quand ce congrès de l’unification des rangs sous l’égide du FLN allait se tenir à l’exception des hauts responsables», et de rajouter, «rien n’a filtré durant le déroulement dudit congrès et même le capitaine Si Hmimi qui a participé à la sécurisation du site sous le commandement du colonel Amirouche, n’était au courant de rien».

94 villages démolis à Iferhounène et à Aïn El Hammam

En revanche Da Ramdane, nous apprendra que «Toutes les régions étaient représentées par des délégués et c’est à partir de ce moment qu’une nouvelle organisation a vu le jour, que ce soit sur les plans politique, militaire ou le découpage des régions en 06 wilaya, etc.». En outre, cet ex-officier informera l’assistance que «07 généraux français étaient envoyés en Kabylie où ils ont été accueillis par une résistance farouche».

Par ailleurs, il dira, «Même le général De gaulle a atterri en hélicoptère, un vendredi à l’heure de la prière, le 24 juillet 1959 en compagnie de hauts conseillers militaires au lieu dit «Azrou Bouzal» pas loin d’azrou n’thour, pour apporter son soutien au général, qui a installé son quartier général sur ce haut lieu stratégique qui domine à la fois la petite et la grande Kabylie, mais aussi Bouira, ainsi que tout ce qui pourrait venir de ces régions».

Ce jour là tout était calme. Par ailleurs, le conférencier notifiera qu’en dehors des accrochages et des batailles, 94 villages ont été démolis dans les régions de Michelet et d’Iferhounène, en plus du nombre de villages évacués, combien de civils torturés et d’autres exactions sommaires. Malheureusement, comme le temps presse et les policiers devaient se rendre à l’enterrement du père de l’un de leurs camarades, la séance a été levée. Cependant, le commissaire espère organiser une autre rencontre du genre avec plus d’invités et de temps, tout en souhaitant longue vie à ces 02 témoins.

A.M

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