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La justice renonce à juger l’écrivain Orhan Pamuk

Cette décision a immédiatement été saluée par Bruxelles. Une cour d’assises d’Istanbul chargé de juger M. Pamuk, 53 ans, a décidé d’abandonner les poursuites en l’absence d’une autorisation formelle du ministère de la Justice qu’elle jugeait nécessaire, a expliqué à l’AFP le défenseur du romancier turc le plus lu à l’étranger. »Les poursuites ont été abandonnées », a dit Me Haluk Inanici, indiquant que la prochaine audience du procès entamé le 16 décembre dans la métropole turque n’aura pas lieu comme prévu le 7 février.Le tribunal avait décidé d’appliquer à Pamuk les dispositions légales en vigueur avant la promulgation, le 1er juin, d’un nouveau code pénal, estimant que celles-ci étaient plus favorables à l’accusé en ce qu’elles imposaient l’obligation d’une autorisation ministérielle préalable aux poursuites.Le ministère de la Justice a estimé dans une lettre adressée vendredi dernier au tribunal qu’il appartenait à la Cour de décider de juger ou pas l’accusé, affirmant en somme que Pamuk ne devrait pas être jugé.L’auteur, lauréat du prix Médicis étranger 2005 pour « Neige » et de nombreux autres prix internationaux, risquait entre six mois et trois ans de prison pour « insulte ouverte à la nation turque » dans le cadre d’un procès considéré comme un teste pour la liberté d’expression en Turquie.Il lui était reproché d’avoir affirmé dans un entretien publié par un magazine suisse en février 2005: « Un million d’Arméniens et 30.000 Kurdes ont été tués sur ces terres, mais personne d’autre que moi n’ose le dire ».La décision de poursuivre Pamuk avait suscité de violentes critiques de la part des milieux libéraux en Turquie et de l’Union européenne. Le commissaire européen à l’Elargissement Olli Rehn avait ainsi estimé que le procès aurait valeur de « test décisif » pour la Turquie.Lundi, M. Rehn a salué la décision de la justice turque. « C’est évidemment une bonne nouvelle pour M. Pamuk mais c’est aussi une bonne nouvelle pour la liberté d’expression en Turquie » a-t-il dit dans un communiqué publié à Bruxelles.Des députés européens venus à Istanbul assister à la première audience avaient agité à l’ouverture du procès la menace d’une interruption des négociations d’adhésion entre la Turquie et l’Union européenne, lancées le 4 octobre.La première audience avait été émaillée d’incidents et le romancier avait été pris à partie par une foule de manifestants d’extrême droite parvenus à s’introduire jusqu’à la porte de la salle d’audience et accusant le prévenu d’être un « traître à la nation » turque.La question du « génocide » arménien et kurde et très sensible pour les milieux nationalistes en Turquie. C’est après un recours déposé devant la justice par un groupe d’avocats nationalistes que la Cour d’Istanbul avait intenté un procès contre M. Pamuk.L’un de ces avocats, Kemal Kerinçsiz, s’est déclaré déçu lundi, indiquant qu’il fera appel de cette décision devant la Cour de Cassation. »Mais un verdict de la Cour prendra des mois, voire un an », a-t-il dit à l’AFP. Les Arméniens affirment que jusqu’à 1,5 million des leurs ont péri lors d’un « génocide » entre 1915 et 1917, Ankara soutenant que 300.000 Arméniens et au moins autant de Turcs ont été tués à la suite du soulèvement des Arméniens.

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